Damn it! Alors que ma pinte de Guinness m’attend tranquille au coin du feu, un coup de téléphone résonne soudain dans la quiétude de cette soirée. À l’autre bout du fil, ce n’est autre que le grand King Sean Kelly et il a plutôt l’air heureux, le patron. Il nous annonce que son frère d’arme, son coéquipier de chez « KAS », Joël Pelier, vient d’accepter la proposition du team Franc-Comtois de l’ AC Bisontine pour devenir l’un des cadres du team. Entre Sean Kelly et Joël Pelier, c’est bien plus qu’une histoire d’amitié. Ils étaient ces « Brothers in arms » comme sur cette song de Dire Straits. Ils étaient de tout les combats dans les années 80 avec des gars comme Marcel Tinazzi ou Joachim Agostinho, tous formés par le Grand Jean De Gribaldy, le patron de ces tuniques jaunes. Et oui, ils en claquaient des victoires dans ces années là, des étapes sur le Tour de France, Vuelta, des Paris-Nice à la pelle, ou encore des batailles comme Paris-Roubaix. Ils étaient les « KAS »! Aucun team Français à l’heure actuelle ne peut se targuer d’avoir le palmarès de cette équipe. Joël Pelier, vainqueur d’étapes sur le Tour de France, sur Paris-Nice ou sur la Nissan Classic, revient donc dans le cyclisme, après plus de 25 ans d’absence. Son retour se fait avec le team de sa région natale de Franche Comté: l’AC Bisontine. Lui, pourtant retiré du monde du vélo et devenu un artiste sculpteur, est revenu vers ses premiers amours. Quelle mouche l’a donc piqué pour prendre une telle décision ? Les jeunes, simplement leur formation et leur putain d’avenir. Un soir de printemps 2016, le cul posé sur le tabouret de son atelier, il s’est dit: « Pourquoi pas ? ». Il a alors téléphoné à son clan, qui se compte sur les doigts d’une seule main. Bernard Hinault, Bruno Cornillet, François Le Marchand, Laurence Courtade et bien sûr son épouse, Véronique. Seulement ceux qui ont toujours été là, près de lui même dans les années les plus sombres. On le revit dès lors chez ASO, puis dans le rôle de parrain du Kreiz Breizh (UCI 2.2), de son ami Alain Baniel, et des Bretons d’Hennebont Cyclisme de son pote Cédric Le Ny. Il avait enfin retrouvé la famille cycliste et ses amis de cœur !

Puis il revit Sean Kelly, son frère et son capitaine dans les batailles légendaires. Comme s’ils s’étaient seulement quittés la semaine dernière, les deux champions se sont parlés tout simplement. Ils ont causé à la fraîche du cyclisme actuel, de l’avenir des jeunes, de leur propre vision du cyclisme. Puis inévitablement, de celle héritée de Jean De Gribaldy: de ce père spirituel vivant à jamais au fond de leurs cœurs et de leurs tripes. Sean Kelly avait débuté sa mythique carrière à Besançon justement avec Jean De Gribaldy. Il était le premier de la verte Erin venu sur ces terres de Franche Comté. Trente années plus tard, il y a trois ans, un certain Philip Lavery arrivait sur le territoire franc-comtois. Derrière lui, des Matthew Teggart, Mark Downey, Eddie Dunbar, Ryan Reilly Michael O’Loughlin, James Currie ou Cameron McYntire. Sous les couleurs d’un seul team, celui de l’AC Bisontine. Parfois, on pouvait apercevoir les jeunes de Bisontine s’arrêter chez Joël Pelier, histoire de causer derrière un café bien chaud et surtout de prendre quelques bons conseils ! Français, Irlandais, Australiens, FInlandais et Suisse composent ce team crée en 1964 par Jean De Gribaldy.
Quoi de plus normal alors que Pascal Orlandi, le manager de Bisontine, demande à Joël Pelier de revenir rejoindre l’équipe Franco-irlandaise, auprès du Directeur Sportif, Manu Jeannier. Il a dit oui et pour lui, c’est bien plus qu’un simple job, c’est une mission au nom des jeunes. Une certaine vision du cyclisme avec cette touche venue de son père spirituel qu’était Jean De Gribaldy.

Joël Pelier, vous arrivez à l’AC Bisontine. Pourtant, vous sembliez éloigné du monde cycliste depuis 25 ans?
Joël Pelier: « Oui, c’est vrai. Je suis devenu artiste-sculpteur et je vivais dans mon atelier la plupart du temps. Mais un jour, des magazines de cyclisme étrangers et français m’ont demandé des interviews. J’étais surpris car j’avais quitté le cyclisme depuis 25 ans et je ne le regardais que depuis la lucarne de ma télé. J’ai été vraiment étonné quand j’ai su qu’en Irlande on se souvenait encore de moi. Cela s’est confirmé par cette interview que je vous ai accordé je crois à Be Celt (rires) [Lien de l’interview]. Suite à cela, j’ai réalisé que ce milieu me manquait un petit peu, voire beaucoup. J’ai alors téléphoné à mes amis qui me sont fidèles et je leurs ai parlé de mon désir d’y revenir. Bernard (Hinault) m’a alors vraiment aidé avec François Le Marchand. J’étais surpris car je croyais que j’étais déjà rangé au fin fond de la malle aux souvenirs. Ils m’ont fait revenir dans le milieu pro que j’ai redécouvert et j’étais ravi, comme quand j’étais ce jeune coureur. Vous savez, quand vous êtes un ancien champion puis que vous cessez de roulez, vous passez vite aux oubliettes. Mais il y avait des gens, non plutôt des amis autour de moi, qui ont toujours été là comme Bernard Hinault, Bruno Cornillet, François Le Marchand, Laurence Courtade ou Jean Vantalon. Pour moi, l’amitié est une valeur sacrée et c’est le socle de toute histoire. J’ai rencontré d’autres personnes par la suite comme Cédric Le Ny, d’Hennebont Cyclisme, qui m’a demandé d’être parrain de son team. J’étais flatté et je serai toujours fidèle à ces Bretons comme Cédric ou Alain, jamais je ne les abandonnerai.
« Je reviens à l’AC Bisontine davantage pour une mission que pour un travail, et je le ferai avec mes tripes. » Joël Pelier

« ..Puis j’ai reçu un coup de téléphone de Pascal Orlandi, qui me proposait une place à l’AC Bisontine. Ce club qui avait eu un jeune du nom de Sean Kelly auparavant et surtout crée par Jean de Gribaldy. Parfois, les jeunes comme Ben Dyball ou Matthew Teaggart passaient à la maison pour un café et causer un peu du vélo. Quand Pascal m’a proposé la place, j’en ai parlé à Sean Kelly. Et j’ai dit oui, car j’ai senti tout de suite que Pascal Orlandi avait conservé l’esprit de Jean De Griblady au sein du team. De plus Manu Jeannier, le directeur Sportif est dans la même mouvance. Je suis parfaitement en accord avec les nouvelles techniques de formation et d’entraînement. Là dessus, ce n’est que du progrès. Mais il m’est important de créer un émulation entre les coureurs, puis entre eux et le staff. Les coureurs doivent être reconnaissant envers le staff, Manu qui fait un excellent travail, et surtout il les écoutent, car on était à leur place quand on était de jeunes coureurs. On connaît les pièges et les virages à négocier, on était à leur place à leur âge. Je voudrais leur inculquer l’esprit de Jean De Gribaldy, il avait une vision parfaite du cyclisme avec des valeurs qui semblent un peu oubliées aujourd’hui. Ce que j’aime avec Bisontine, hormis que le team a été crée par Jean, c’est que ce sont des passionnés avant tout. Je ne peux pas travailler avec des mecs qui ne le sont pas. J’ai toujours été bien entouré étant coureur. Tout d’abord avec Jean bien sûr, mais aussi avec Jacky Courtade qui m’a vraiment aidé dès 1984 et à qui je pense tout le temps. Puis Javier Minguez chez BH, c’est un type qui a la même vision que Jean De Gribaldy. Il est le sélectionneur nationale du team Espagnol, on s’était revu sur le championnat d’Europe en Bretagne, et on est tombé dans les bras l’un de l’autre. On est comme ça, on marche à grands coups de cœur, sinon ça ne vaut pas le coup d’être vécu. Mais elles sont tellement nombreuses ces personnes qui m’ont données envie de revenir. Même des amis qui ne sont pas dans le cyclisme, car tous avaient vu la photo qui trône au dessus de mon atelier et que Sean garde aussi, celle de Jean De Gribaldy. L’AC Bisontine, il en était le créateur ! Je reviens pour davantage une mission que pour un travail et je le ferai avec mes tripes et mon cœur ! »
Sean Kelly: « Quand Joël m’a annoncé son retour dans le vélo au sein d’une équipe, j’étais vraiment ravi. Mais quand j’ai su que c’était mon team de jeune coureur, j’étais aux anges. Je savais qu’il était chez ASO déjà mais là, il nous revient à la tête de jeunes coureurs notamment de mon Irlande. Vous savez, j’ai commencé ma carrière à Besançon, avec Bisontine et Jean De Gribaldy. Depuis quelques années, ce club refait parler de lui en Irlande. On le voit souvent car il y a de nombreux coureurs de chez nous qui y ont fait leurs armes. La tradition est revenue. L’AC Bisontine, c’est mon team de cœur chez les amateurs français. Ce team m’a donné la chance de débuter ma carrière et De Gribaldy est toujours là, dans mon coeur à jamais. Quand Joël m’a dit qu’il voulait faire revivre l’esprit de Jean avec Manu Jeannier, j’étais d’accord. Ok, les choses ont bien changé depuis. Les coureurs ont leurs propres coachs, des entraînements bien spécifiques et toute la nouvelle technologie qui suit. Mais l’esprit de Jean est bien plus fort que cela. Il nous disait souvent: « Avant de gagner des sous, gagne des courses ! » On en a chié avec les entraînements et je ne sais pas si les coureurs de maintenant sont capables de supporter cette charge de travail, je ne suis pas sûr! Mais c’est une bonne idée de mixer le cyclisme moderne et l’esprit de Jean de Gribaldy. Bisontine, on a des coureurs venus de chez eux chez nous comme Matthew Teggart mais il y en aura sûrement d’autre à l’avenir dorénavant. Qu’ils viennent chez An Post ChainReaction ou qu’ils aillent ailleurs, je serais tout autant heureux. L’important, c’est l’avenir des jeunes. «
« L’important, c’est l’avenir des jeunes. » Sean Kelly
Pascal Orlandi: « J’avais l’idée depuis longtemps. Je voulais vraiment que Joël nous apporte son savoir. Nos jeunes étrangers allaient de temps en temps chez lui pour parler. Il y avait toujours ce lien entre eux et lui. Un jour j’ai pris mon téléphone, et je lui ai demandé de nous rejoindre pour encadrer le team auprès de Manu Jeannier. J’étais vraiment heureux quand il a dit oui. Vous savez, ce club avec ce jaune si particulier sur nos jerseys, il nous vient de Jean De Gribaldy. Joël et Sean sont ses fils spirituels et ils savent combiner les deux époques au profit des jeunes. Avoir Joël à nos côtés, c’est un plus énorme pour l’équipe et surtout pour nos jeunes Français et étrangers ! Je suis fier de mes coureurs et de leurs dirigeants, ils sont tous passionnés. L’AC Bisontine, c’est une âme plus qu’une équipe ! »Effectif de l’AC Bisontine
Philip Lavery (Irl)
Benjamin Dyball (Australie)
Gael Suter (Suisse)
Joseph Berlin Simon (Fr)
Ryan Reilly (Irl)
James Curry (Irl)
Cameron McIntyre (Irl)
Jaako Hanninen (Finland)
Antonin Dauriane (Fr)
Gael Dureuil (Fr)
Ludovie Viennet (Fr)
Valentin Humbert (Fr)
Vincent Tuscher (Fr)
Baptiste Domanico (Fr)
Clément Simonin (Fr)
Équipe réserve
Clément Delayen (Fr)
Léo Bouvier (Fr)
Thomas Weiss (Fr)
Thomas Devaux (Fr)