On les appelle « assistants sportifs » mais dans le jargon de la famille cycliste, on les nomment les « soigneurs ». Ils sont parmi les acteurs méconnus mais pourtant si importants pour le chemin vers la victoire d’un champion. Il fait parti de ce « staff » composé de mécaniciens, cuisiniers, etc.. Dans les débuts de l’histoire cycliste, « Soigneur » était l’homme à tout faire au sein d’une équipe. Puis au fur et à mesure du temps, les métiers du cyclisme se sont spécialisés et le « soigneur » ne fait plus n’importe quoi, mais il fait tout dorénavant. Il est l’un des maillons essentiels à cette logistique si vitale à une équipe. Pour le spectateur du bord de route, les yeux rivés sur ce show qu’est une bataille, nous les apercevons jouant les équilibristes lors de la valse des musettes sur les zones de ravitos. Puis on les voit s’engouffrer au plus vite dans les voitures qui foncent vers le prochain rendez-vous. Ils sont organisés et ils connaissent exactement cette valse à 4 temps, ils sont parfaitement synchronisésLe soir, ils sont encore là pour préparer l’arrivée des coureurs à l’hôtel. Puis, ce sont encore eux que l’on retrouve pour des heures de massages, dans ces pièces où le monde leurs semblent loin, juste eux ; le champion et le soigneur.

Nous avons rencontré le Breton Cedrig Boishardy. Il est le fils du regretté champion et directeur Sportif Marcel Boishardy. Autant dire que Cedrig, le cyclisme il est né dedans. Bercé par les exploits paternels et en écoutant religieusement les histoires des champions comme Bernard Hinaut et d’autres dirigés par son père. Ce dernier lui a, du coup, refilé son plus bel héritage : la passion.
20 ans qu’il traîne sa carcasse sur les routes du monde pro, en passant par Agritubel, Bretagne Séché jusqu’à Arkea Samsic, faisant aussi des « piges » pour Wanty Gobert ou dernièrement Natura4ever Roubaix Lille Métropole sur la Tropicale Amissa Bongo. C’est justement cette équipe avec Jordan Levasseur qui a remporté l’édition 2020. Et comme le dit Jordan Levasseur ; « C’est une victoire d’équipe », du champion, des coéquipiers et du staff !
Qu’est ce qu’un « soigneur « ?Cédric Boishardy
: » le rôle du soigneur dans une équipe pro, c’est de s’occuper avant tout des coureurs, de l’homme . Des journées bien remplies comme sur la dernière Tropicale Amissa Bongo avec Nautra4ever Roubaix Lille Métropole où on prépare la veille des étapes, le ravitaillement des nos 6 coureurs sur ce tour, avec les bidons (80 environs) sans compter les bouteilles d’eau pour qu’ils s’arrosent sous 32 degrés par exemple.
La séance de massage, c’est comme un sas de décompression en fin de journée.
Puis le soir, chacun des soigneurs se partage les massages. On s’occupe de 3 coureurs durant 45 minutes chacun. Sur la table de massage, l’assistant sportif (soigneur) est aussi un confident pour mal de gars. Dans cette pièce cloisonnée, ce qu’il nous dit reste entre ces 4 murs. Il nous parle de sa famille qui lui manque, des petits tracas de tous les jours. Souvent, ça les aident à décompresser et à parler d’autre chose que du cyclisme. La séance de massage, c’est comme un sas de décompression en fin de journée.

Puis quand ils rejoignent leurs chambres, on prépare alors les glacières pour les étapes suivantes et pour les ravitos. Enfin, on rejoint le team à table, ce qui nous permet de forger un peu plus la cohésion du groupe. Le soir, nous sommes un peu rincés mais on en redemande encore tant la passion circule dans nos veines. »
Pour faire ce métier, il faut être passionné par le côté vélo bien sûr mais aussi par le côté humain
Il y a un côté vraiment humain dans ce job
« Oui c’est clair. Pour faire ce métier, il faut être passionné par le côté vélo bien sûr mais aussi par le côté humain. Il n’y a pas d’école pour ça. Tu apprends sur le tas mais tu dois aimé l’homme avant tout. On apprend vite que chaque coureur est différent. Chaque homme est unique. Il n’y en a pas de gars difficiles, justes des coureurs différents. A nous de nous adapter et de connaître chacun d’entre eux au mieux, de savoir les décrypter. ”
Parfois savoir gérer l’imprévu aussi?
« Oui, surtout quand tu vas assez loin à l’étranger comme au Gabon. Il peut nous arriver d’oublier une chose ou deux au centre et on ne le réalise qu’une fois là bas. Donc là, tu te débrouilles au plus vite pour compenser sans gonfler tout le monde. C’est aussi ton job. »

La victoire de Jordan Levasseur et de Natura4ever Roubaix Lille Métropole au Gabon, c’était votre victoire à tous en quelque sorte?
« En quelque sorte? Oui, je dirai aussi totalement. Cette joie qui explose au moment où « Jojo » prend les secondes de bonifications, ce défi de gagné pour les coureur de l équipe et tout le staff. C était ma sixième Tropicale et c’était une énorme joie de l’avoir gagné avec cette équipe Natura4ever Roubaix Lille Métropole. Il y avait un super ambiance, une belle complicité installée entre nous, un esprit famille et c est comme ça que j aime le cyclisme professionnel. Je sais que ça vous parait banal de dire ces choses là mais j’ai vraiment ressenti ça avec eux. Chez eux, tu sens que c’est bien plus qu’une équipe pro, c’est un petit clan. Je remercie Julien, Jordan , Thibault , Emil, Pierre,Christophe, frank, Dani et Daniel le manager pour ce moment par ailleurs. »
Si tu travailles dur, tu seras récompensé par un savoir faire reconnu
Quels conseils votre père Marcel vous a transmis à vos débuts?
« Mon père connaissait le vélo jusqu’au bout des socquettes. Il avait aussi une expérience incroyable en tant que pro puis directeurs sportif. Il a dirigé des champions comme Hinaut,Madiot,Bernaudeau,Claveyrolat,Gómez,Thevenet,Chassang et d’autres. Un vrai DS est aussi un psychologue quelque part. Il m’a mis le pied à l’étrier dans ce monde. Mais avant ça, tout gosse, il m’a appris à être honnête, franc et généreux et surtout travailleur. Si tu travailles dur, tu seras récompensé par un savoir faire reconnu. Lui et d’autres comme Louis Chalmel dit« Chacha » et Fifi Dault m’ont vraiment appris le job de soigneur. Je suis heureux de les avoir rencontré et c’est aussi ça le cyclisme, ces rencontres et ces échanges dans la même aventure.
Après le monde pro n’est pas un milieu de tendres. Donc il faut toujours se méfier à qui tu accordes ton amitié car ces valeurs que mon père m’a enseignées n’existent pas chez tout le monde, j’en ai déjà fait la triste expérience hélas. Mais cela ne me dégoûte pas du monde pro, tout au contraire, il y a des hauts et des bas et c’est ce qui pimente notre vie, ça nous rend encore plus fort à l’avenir. »