En ce moment, on sombre dans le ridicule depuis l’affaire du « Vélo motorisé » et quelques moralistes bien pensants en ont trouvé enfin un moyen de s’exprimer par la même occasion. C’est évident tous les cyclistes sont des tricheurs, si, si, on vous le dit ! Si on vous le dit que les cyclistes se payent des roues à 200 000 euros pour gagner, c’est que tous le font, c’est vrai puisque les médias le disent! Ceux là même qui avaient prévu que la Station Mir allait se casser la gueule sur notre Bretagne!
Quand un footeux fait le con devant une caméra ou avec son téléphone mobile, cela veut dire donc que tous sont des cons d’abrutis? Non, je ne crois pas, un sportif ne représente pas tous les autres. Alors quand une athlète se fait gauler, c’est la même chose et cela ne veut pas dire que tous le font. Et pour info, le 10ème de l’étape du tour d’Algarve (Portugal) aujourd’hui se fait une prime de 76 euros, je répète 76 euros. Il lui en faut des courses pour s’offrir ces roues que personne n’a jamais vu mais dont pas mal ont un avis.
Enfin, le tour de France a vu quelques abrutis cracher et jeter des bouteilles remplies d’urine sur des champions dont le maillot jaune, ce putain de « Maillot Jaune » qui nous enchante en juillet, donc messieurs les moralisateurs, continuez cette profonde analyse et cela va empirer avec ces quelques abrutis sur les routes des plus belles batailles, attiser leurs bêtises et bientôt, à force de grands coups de conneries, on n’aura plus de jeunes attirés par ce sport qui souffrent déjà des guerres internes !
Nous avons trouvé cette lettre adressée à tous sur Facebook, on l’a trouvé belle et juste, celle d’un passionné, un enfant qui rêvait et qui vit son rêve d’adulte désormais.

Lettre de Barnabé Moulin
« Comme nombre d’entre nous, j’adore le vélo. Comme beaucoup, j’ai rêvé, petit, devant les exploits de ces champions, au bord de la route du Tour (des heures de routes de montagne avec le nez à la fenêtre et le cœur au bord des lèvres), devant ma télé (à faire des bonds dans le canapé pour la victoire d’un « p’tit gars d’chez nous » aux mondiaux amateurs), l’oreille collée à la radio (à pleurer pour 8″ et un guidon cornu), à dégrafer les posters dans Miroir du Cyclisme. Bref, un jour comme beaucoup de gamins, on enfourche sa Petite Reine et on file dans sa campagne. Avec les copains, on s’amuse à être le maillot jaune, le vert, celui à pois. On se prend au jeu d’accrocher un dossard. Les kilomètres, les rêves, les chutes, les quelques placettes ou autres bouquets. Alors, pour prolonger le rêve, malgré les lacunes, on se dit que pourquoi pas, un jour, vivre ces événements sportifs par le biais d’autres aptitudes.
J’ai 41 ans, ostéopathe et j’exerce auprès des coureurs de l’équipe Astana.
Et j’entends déjà des ricanements. Ah on les connaît ces petites réflexions mûrement choisies. Ces formules qui depuis près de 20 ans sont systématiquement lancées à ceux qui portent un cuissard.
Plus jeune, le truc qui revenait le plus souvent c’était: » Mais pourquoi un coureur se rase les jambes? ». Depuis, plus de questions mais des affirmations, voir des accusations.
Ah, n’étant pas parfait, j’y ai aussi cédé. Par facilité? Peut-être. Et puis, avec du recul, de la hauteur, j’ai essayé de comprendre ce qui poussait ces passionnés, ces pratiquants, ces observateurs, ces journalistes ou même ces candides qui, pour certains, n’ont sans doute jamais enfourché un vélo pour autre chose qu’aller à l’école ou acheter le pain. J’ai même essayé de comprendre pourquoi, nous autres usagers de la route à deux roues, nous étions aussi la cible d’agressions caractérisées de la part des rois de la route automobilistes.
Tout va si vite. Tout va très vite! Tout va trop vite? On perd le file. On perd la roue.
Dans ce flux en perpétuelle accélération, cette pauvre bicyclette se heurte toujours au vent contraire et elle plafonne. Mais, à côté, le piéton est lui complètement immobile. Comment est il possible alors d’exister dans ce flot de particules lancées à toute vitesse dans cette quête de l’inconnu?
On se rêve d’une intégrité absolue, plus aboutie encore que celle qui n’a jamais existé mais en même temps, on fantasme sur des pratiques dignes d’Al Capone et du Cartel de Medeline. On oublie une chose importante, le traumatisme , que dis-je, le choc frontal et ses soubresauts remonte à 20 ans en arrière. À l’époque, nul Facebook ou autre réseau social. Les journaux papier étaient encore au top niveau de l’information. Les chaînes de télé et radio n’étaient pas dématérialisées. L’Internet était encore à ses balbutiements, les téléphones étaient des briques et les sms étaient rares. 20 ans. Une génération. Les champions de maintenant étaient des gamins, du berceau au début du collège. Autant dire un monde.
Qu’a fait notre petit vélo? Il a tiré des bords, il a tenté de surnager, il s’en est pris des nids de poule et autres ornières. En 20 ans, plusieurs ont accompli leur carrière. Certains avec plus ou moins de réussite.
Qu’a fait le spectateur? Il a commencé à déserter le bord des routes, submergé qu’il est par le flot d’informations directement accessible de son fauteuil. Il peut avoir un œil sur tous les « événements sportifs » à toute heure du jour et de la nuit. Les courses du bout du monde se résumant parfois aux 3 lignes du podium dans le meilleur des cas.
Qu’a fait le gamin d’aujourd’hui par rapport à celui de 20 ans plus tôt? Il a délaissé le flipper pour Twitter.
Qu’a fait l’automobiliste? Il a transposé le confort de son salon dans sa voiture. Comme dans une bulle, coupé du monde extérieur, il fonce après le temps dans son jeu vidéo, avec un ordinateur lui indiquant la route à suivre. Son carrosse d’antan lui coûtant le prix d’une résidence secondaire.
Le constat ne se veut absolument pas pessimiste. Il est volontairement poussé. Aujourd’hui, le 10eme d’une course pro au fin fond du Portugal gagne moins qu’un vainqueur d’une course régionale en Bretagne il y a 20 ans. Alors je regarde les discussions à n’en plus finir sur des sujets dignes d’un scénario de jeu vidéo. On appuie sur le bouton pour activer l’extra-balle ? Soyons raisonnables. On roule toujours sur la route et face au vent. L’Overboard n’a toujours pas remplacé le skate. Le casque ne nous protège toujours pas de la bêtise humaine. Il faut toujours travailler pour gagner sa vie. Toujours s’entraîner pour qu’un champion soit plus fort. Et surtout, surtout, un gamin aura toujours des rêves! »