Notre chroniqueur Joël Pelier ( le vainqueur d’une étape du Tour de France, d’une étape de Paris Nice, d’une étape de l’Etoile de Bessèges, du Tour Med et du Midi Libre entre autres) aime commémorer ceux qui ont marqué le cyclisme mondial.
Alors qu’il débutait chez les pros, à 23 ans, en 1985 et qu’il avait claqué sur Paris Nice et sur Bessèges, il prenait le départ de son premier tour de France avec Skil Sem Kas Miko du Vicomte Jean De Gribaldy, son mentor. Mais il s’est souvenu d’un grand champion qui lui a donné l’envie de continuer en la personne de Claudy Criquielion, le champion du monde 1984/1985.
Lors de la 11ème étape du tour de France dans les Alpes, étape longue de 269 kilomètres avec sept cols au menu, Joël Pelier ne sait pas que les consignes des équipes étaient de ne pas attaquer avant le final. Le Franc Comtois, du haut de ses 23 ans, attaque dans la descente du col de la Colombière. Et là, Bernard Hinault le maillot jaune va lui-même le chercher et le rappeler à l’ordre. Le jeune coureur ne se laisse pas démonter devant le patron et les caméras du monde entier mais sent de suite que les autres leaders d’équipes suivent comme des moutons le boss du peloton alors que ce dernier ne leurs a rien demandé. Alors que ces leaders passent devant lui, plusieurs lui montre du dédain, sauf un : Claudy Criquielion, le champion du monde en titre
« Hinault et moi nous nous étions un peu engueulés sur cette étape. J’étais jeune et j’avais envie de bouffer le monde. Je venais de claquer sur Paris Nice et sur Bessèges. J’avais envie de mettre le feu à la plaine. Mais ce jour là, je n’étais pas au courant des consignes du matin entre leaders d’équipes. Donc, je me suis échappé dans le Col de la Colombière. Mais le boss fait le job pour me rejoindre et me passer une soufflante. Je suis en colère sur le coup mais avec le temps je comprends car il a agit en tant que patron. Et c’est lui seul qui a fait le job pour me rejoindre, pas ses équipiers et non plus les autres . Sinon, j’avais pas compris l’attitude de certains leaders planqués dans le peloton qui me snobait alors que Bernard ne m’en tenait pas rigueur. On aurait dit des moutons qui suivaient le pâtre ou qui se dirigeaient sans rien dire vers l’abattoir (rires).! Je sais que j’ai dit aux micros à l’arrivée de l’étape ; » Le Blaireau, je l’emmerde. Hinault ne me demande pas si je vais bien, moi, lorsqu’il attaque. Alors pourquoi devrais-je le faire ? ». Mais en même temps, il m’avait impressionné. Il était venu seul me chercher sans l’aide de personne. C’était un vrai boss.
Je déprimais comme un triste menhir sur mon vélo dans le peloton après l’engueulade et j’avais envie de dire à tous d’aller se faire foutre. Mais à un moment, un coureur me donne une tape sur le dos. Je regarde et je vois le maillot Arc en Ciel. C’était Claudy Criquielion, le grand Claudy. Il venait de claquer sa première Flèche Wallonne. Il me dit alors: « Petit, laisse tomber ces mecs, fous toi de ce que pensent les autres. Continue comme ca, c’est bien. Oses! Ces mecs tu t’en cognes. » Je pense toujours à ce jour. J’aimais les attaques de loin, de très loin, c’était mon truc. Je pensais alors à ce jour où Criquielion m’a donné ses conseils. Je les appliquent toujours sur le vélo comme dans la vie, j’attaque de loin. Comme lorsque j’ai claqué mon étape après 180 kilomètres en solo. Parfois, je me dis que certains jeunes champions ont entendu Claudy, je parle de ceux qui osent…
Criquielion était un Grand, il le restera toujours. Il y en avait peu de champions comme lui. J’en ai connu que deux: Lui et Joop Zoetemelk. Ils nous donnaient beaucoup de conseils à nous les jeunes du peloton à cette époque et ils étaient déjà pourtant de très grands champions. Je les respectent profondément et quand je vais dans mon bois, pour récolter le miel de mes abeilles, je pense à ces grands comme Monsieur Claudy Criquielion, ces hommes qui étaient bien plus que des champions ou managers. Dans mon bois, parmi mes ruches, je parle aussi à Jean De Gibaldy mon père spirituel, Philippe Bouvatier mon ami et Claudy, ces gens qui m’ont donné la gnac et la foi en mes attaques de dingues, un jour sur le Tour de France et plus tard dans la vie. «
En 1986, Joël Pelier a repris le départ du tour de France. Et comme à son habitude, il a attaqué sur de nombreuses étapes. Mais le 20 juillet 198, sur la 17ème étape entre Gap et le Col du Granon, le Franc Comtois était à bout de force sur les cols de Vars, l’Izoard et celle du Granon. Il a lutté contre le chrono, il n’a pas abandonné l’étape mais à bout de forces, il fut placé sous oxygène et abandonna contre son gré le tour de France le lendemain.
Mais 13 ans plus tard, par un jour de 7 juillet 1989, sur la 6ème étape du tour entre Rennes et Futuroscope, Joel Pelier s’est échappé seul à 180 kilomètres de l’arrivée. Tout le long de l’étape, son ami Bernard Hinault était dans la voiture de direction à l’encourager. Ce jour là, quand il arriva seul à l’arrivée, il leva les bras au ciel et pensa aussi à Jean de Gribaldy et Claudy Criquielion