Ca fait déjà un bail que l’on attend un messie Français vainqueur du tour national, 38 longues années bientôt… On prie avec les apôtres, on va à la course du coin comme à la messe le dimanche pour espérer un jour croire encore en sa venue.. Mais parfois, à bout d’espoirs, on se demande alors si la Parousie (le seconde arrivée de Jésus) ne serait pas plus crédible car les croyants de l’autre religion désertent peu à peu le rendez vous dominical
Pourtant, dans les villes et villages, on se bat encore pour cette foi que l’on nomme: cyclisme. Ceux qui parviennent à la ramener aux jeunes, on n’en parle pas dans les médias et encore moins dans les équipes professionnelles. Ils sont, pour la plupart, inconnus des profanes que nous sommes
On les appelle les bénévoles, les formateurs. Sans eux, il n’y aurait pourtant pas de Romain Bardet, de Valentin Madouas, David Gaudu, Thibaut Pinot ou encore Julian Alaphilippe. .Sans eux et leurs sacrifices souvent au détriment d’un foyer et d’un canapé bien chaud auprès des siens le week-end, il n’y aurait tout simplement rien.
Le team AC Bisontine fait parti des évangélistes de cette religion. Ils sont nombreux ces gamins à avoir porté les couleurs jaunes de ce team fondé par Monsieur le Vicomte Jean De Gribaldy, dont son adage reste célèbre dans le milieu: » Le cyclisme, c’est comme la boxe ; ce n’est pas un jeu. C’est un sport dur, terrible, impitoyable qui exige de très gros sacrifices. On joue au football, au tennis, au hockey mais on ne joue pas au cyclisme, encore moins à la boxe«
De cet enseignement, des champions comme Sean Kelly y ont trouvé la voie vers l’éternité, ils ont appris que la souffrance emmenait parfois vers une certaine béatitude, une sérénité et pas seulement sur le plan sportif.
L’Amicale Bisontine forme les jeunes par cet héritage, leurs apprenant l’art et une autre philosophie de la vie, bien avant que les sirènes du monde pro ne se les approprient à jamais.
Il y a 14 ans, L’Amicale a créé sa structure juniors. Un jeune gamin nomme Thibaut Pinot claquait alors 9 victoires en 2008 dont la Ronde de la Haute Saone. C’était il y a 14 ans. En 2021, un autre gamin nommé Romain Grégoire faisait partis de ces juniors Bisontins et devenait champion d’Europe sur route, vice champion du monde, champion de France (cross et route).
Dans cette paroisse, Thibaut Pinot, Eddie Dunbar comme Romain Grégoire ont croisé le même « DS »; Romuald Lefevre.
Romuald Lefevre, vous êtes le « DS » des juniors de l’AC Bisontine. Comment êtes vous arrivé là ?
Romuald Lefevre: » Je suis un ancien coureur de l’Amicale. J’ai toujours été à l’Amicale depuis tout jeune, c’est mon ADN. Alors quand Pascal (Orlandi) m’a parlé de ce projet de structure juniors, j’ai dit oui.. C’était en 2008, on commençait l’aventure. Depuis, je suis toujours là. . J’ai l’impression que c’était hier cette discussion. Ca file le temps, surtout avec les jeunes (rires). «
Vous en avez vu des champions issus de vos rangs?
« Oui, c’est vrai qu’il y en a pas mal qui sont issus de nos rangs juniors comme Melvyn Lethier qui a remporté la coupe de France juniors en 2021. Je me souviens aussi des premières victoires de Thibaut (Pinot) en 2008. Il en claqué pas mal et à la pédale. Et c’est vrai que 13 ans plus tard, nous sommes toujours là. Eddie Dunbar et Matthew Teggart sont passés par chez nous et l’espoir Romain (Grégoire) était un junior Bisontin. Il est désormais chez Groupama FDJ comme Thibaut, Eddie désormais BikeExchange et je suis ravi pour eux. Si ils sont heureux, nous le sommes aussi.
Il y en a tellement des gamins avec du talent. Mais le but n »est pas de les faire passer pro avant tout au risque de les flinguer psychologiquement. Il faut leurs lâcher la grappe parfois de ces attentes insensées. Dès qu’un jeune tourne en France, on attend de lui qu’il soit le vainqueur du tour au lieu de les laisser s’exprimer comme il le souhaite, comme il aime. Un jeune épanoui vous fait des merveilles..
Le but des encadrants est de les faire aimer cet art, qu’ils en comprennent tout ce qu’il peut leurs apporter et qu’ils en apprennent les leçons aussi bien sportives qu’humaines. C’est le plus important, bien plus qu’une carrière pro en premier lieu. On leurs donnent aussi des armes pour la vie ; «
C’est à dire?
« En minimes, cadets, on découvre le cyclisme. On s’éclate entre copains, on se tire la bourre. Quand ils arrivent dans le monde juniors, ça devient plus sérieux. Il y a ce côté insouciant qui disparait un peu si il s’implique totalement. Il faut savoir conjuguer études et cyclisme, faire déjà des sacrifices sur les soirées entre copains, aller s’entraîner après les cours. Parfois, c’est dur, on se fait largué et on lâche prise, on se pose des questions ,, ca cogite. Notre rôle à nous autres encadrants, c’est de les accompagner.au mieux, de répondre à leurs questions. On enseigne qu’il faut compter sur les autres comme eux compte sur toi. Si parfois il chie, il faut qu’il sache que ses coéquipiers seront là pour lui. Et l’inverse, si tu vois un pote en galère, tu vas l’aider à aller au bout, à franchir cette ligne d’arrivée.
Un club formateur, c’est une école de la vie.
A mon époque, il y avait le service militaire. On était aussi des gosses à 18 ans mais on apprenait la cohésion, la fraternité, le respect, la discipline, se dépasser moralement et physiquement. Il n’y a plus de service mais il y a les valeurs du sport que l’on enseigne dans le cyclisme. Un club formateur, c’est une école de la vie.
La majorité ne seront pas pros, mais ils auront des bases pour affronter les problèmes de la vie. C’est aussi ça le rôle d’un encadrant, de lui donner des bases en plus de celles apportées par la cellule familiale. «
Sur le plan sportif, qu’apporte l’AC Bisontine à ces jeunes?
« Une infrastructure solide à tous les niveaux. Dernièrement un ami australien, qui travaille pour la détection des jeunes de son pays et qui bosse pour un team pro, nous a accompagné une semaine. Il a été épaté par la logistique du team. Nous sommes équipés comme une équipe de coureurs élites, le club apporte autant de soutien aux juniors qu’aux élites. C’est important ce côté là. Il a vu comment nous parlions à nos jeunes, comment on enseignait et il veut désormais faire venir ses jeunes Australiens chez nous. Ce qu’apporte l’AC Bisontine? Les moyens de travailler et d’apprendre dans un climat serein et surtout de faire parti d’une seconde famille. »
Les équipes pros vous soutiennent elles?
« Euh… Non, pas vraiment. On n’a aucun partenariat avec eux. On a parfois l’aide de Frédéric Grappe qui nous apporte ces conseils, le Team conti Groupama nous aide pour les études posturales. Ca touche nos jeunes et ça fait du bien. Mis à part ça, non pas grand chose. «
Pourtant, de nombreuses équipes WorldTour soutiennent des teams juniors dorénavant.
« Oui, j’ai vu ça avec la Quick Step, Lotto même en ProTeam, DSM, elles sont nombreuses à soutenir les équipes juniors. En France, c’est pas encore dans les cartons. On vient nous prendre un coureur pour le mettre dans un team plus riche pour quelques courses mais ca s’arrête là.
Dans notre cas, les étrangers commencent à nous contacter, c’est tout nouveau. Si un team étranger veut nous soutenir, il est le bienvenu. Mais il ne faut pas juste nous filer des bidons et une tape dans le dos en nous demandant un coureur. Non, il faut apporter des moyens financiers, des équipements. Il faut aider le monde juniors, c’est notre avenir. «
Que peut on vous souhaiter?
« A nous autres encadrants? rien. Ce sont aux jeunes qu’il faut souhaiter un avenir. Les juniors sont nombreux, de plus en plus, au départ des courses. Mais en élites,.ls sont de moins en moins à prendre le départ…. Pourquoi? Par manque de soutien à tous les niveaux. Alors souhaitons toute les aides possibles à tous ces clubs juniors, ils sont l’avenir du cyclisme tricolore. A l’étranger, ils l’ont compris. »
Nous avons alors demander à Pascal Orlandi, le président de l’AC Bistontine, pourquoi il plaçait la formation des juniors au centre du village.
Pascal Orlandi: « Regardez autour de vous. Les équipes pros viennent directement recruter chez les juniors. Les équipes DN ne servent plus à passer pro à notre époque. Alors autant se mettre plus de moyens pour protéger le monde juniors non? C’est à ce niveau que tout change, autant pour le coureur, l’ado ou le jeune adulte. «
Le système des DN, un circuit parallèle
L’avenir des DN ?
« Je n’en sais rien pour être sincère. Il nous faudrait retravailler à ce sujet. C’est vrai que les jeunes quittent le monde cycliste après le niveau junior. ils ne sont pas intéressés à traverser la France en voiture pour aller faire une course et je les comprends. De plus, ca coûte une blinde niveau essence pour le team aussi. On se retrouve alors avec des mercenaires dans les équipes amateurs, des anciens pros qui viennent toucher un chèque en fin de mois et qui ne sont pas là pour pousser les jeunes vers le haut. Nous ne sommes plus dans la formation à ce niveau mais plutôt dans un circuit parallèle.
Je ne sais pas à quoi servent les DN maintenant. Je n’ai plus la réponse et la foi. Mais pour les juniors, nous avons une réponse et nous devons vraiment être là pour eux, pour leur avenir tant au niveau sportif qu’humain »