Biniam Girmay Hailu n’a que 21 ans mais il est déjà l’un des tous meilleurs du peloton WorldTour. Médaille d’argent sur le dernier championnat du monde espoirs, il est devenu le premier coureur de couleur à monter sur le podium. Vainqueur de la Classic Besançon Doubs l’année dernière, il débute cette saison avec déjà une victoire à son compteur avec le Trofeo Alcudia .L’Erythréen est heureux au sein du team WorldTour Intermarché-Wanty-Gobert. Mais il reste humble, discret. Il n’est pas le genre de bonhomme à parader sur les réseaux sociaux après une victoire ni à jouer les divas pour une placetteCyclingTips l’a rencontré et interviewé pour connaitre justement un peu plus sur ce phénomène du cyclisme AfricainOriginaire d’Asmara, la capitale de l’Érythrée, en Afrique de l’Est, il est venu au vélo par son père qui en est un passionné mais le petit Biniam s’intéresse d’abord au football. Biniam Girmay à CyclingTips
« Le cyclisme est l’un des sports de mon pays. Tout le monde aime ce sport, y compris moi, mais quand j’avais 10 ou 11 ans, je préférais le football. Mon grand frère faisait déjà du vélo à cette époque et mon père m’a gentiment poussé vers ce sport et vers la course. »
En Erythrée, il y a des courses tous les week-ends et autour d’Asmara il y en a une fois tous les deux mois. Quand j’ai commencé à faire du vélo, j’avais environ 13 ans. Mon frère m’a donné son vélo et nous sommes allés faire un petit tour. C’est là que j’ai progressivement commencé à ressentir la passion.
Mon père m’a ensuite acheté un nouveau vélo. Je me souviens qu’il était très cher. Mon père possède une petite entreprise de menuiserie et je le rejoignais parfois. Ce n’était qu’un trajet de 10 kilomètres pour aller au travail, mais cela a fait naître la motivation. »
Biniam Girmay a ensuite rejoint le Centre Mondial du Cyclisme (CMC) à Aigle, en Suisse, lorsqu’il était junior. Et dès son arrivée, il se fait remarquer en étant l’un des seuls coureurs capables de battre Remco Evenepoel lors de sa saison en tant que junior de deuxième année en 2018. Cette saison-là, Evenepoel n’a perdu que 10 courses sur 30 départs individuels.
« C’était très difficile de passer des courses africaines à l’Europe. J’ai rejoint l’équipe du CMC en tant que junior de première année et cela m’a beaucoup aidé à m’améliorer. C’est important d’acquérir cette expérience et de pouvoir tout apprendre du cyclisme. »
Difficile pour un Africain d’être repéré par les grandes équipes Européennes
Les équipes américaines misent déjà sur le cyclisme africain comme Trek Segafredo avec Natnael Berhane et Amanuel Ghebreigzabhier. Le team WrodTour Israel Permier Tech investi beaucoup dans un centre de formation au Rwanda. Mais en Europ, c’est un peu plus difficile. Le team Italien Drone Hopper Androni Giocattoli a recruté Natnael Tesfatsion mais Biniam Girmay demande aux équipes Européennes de se pencher plus vers le cyclisme Africain
« Il y a tellement de passion chez les jeunes coureurs érythréens, mais si vous voulez devenir pro, vous devez avoir la chance d’être au bon endroit au bon moment. Vous devez être vu. Il y a beaucoup de courses locales et seulement quelques grandes courses en Afrique le tour Rwanda et celui du Gabon. C’est la, qu’il faut se montrer aux équipes européennes.
Si nous voulons plus de coureurs noirs, les équipes européennes doivent commencer à regarder davantage le cyclisme africain. Il s’agit d’être vu et d’avoir une chance en Europe.
Cela demande beaucoup d’investissements de votre part et de celle de votre famille. Ce n’est pas un sport bon marché avec les vélos, les pièces détachées, etc. Mon père a payé mon premier vélo. L’UCI a beaucoup investi dans le cyclisme africain mais je pense qu’ils ont arrêté le programme junior et U23 à cause du COVID. Même Qhubeka a arrêté à cause du manque d’argent. Je regrette de dire que c’est encore plus difficile pour les coureurs africains maintenant. »
Rouler sur l’Enfer du Nord: Paris Roubaix
Le grand rêve de Girmay, en plus de gagner une étape du Tour de France, est de rouler sur les Classiques et surtout sur Paris-Roubaix, une course qu’il suit depuis son plus jeune âge. En 2019, il a terminé 48e du Paris-Roubaix Espoirs, en tant que première année U23. Il veut s’améliorer sur les courses d’un jour et sait ce qu’il doit faire pour y parvenir.
« Mon entraîneur au CMC, Jean Jacques Henry , a toujours dit qu’il y a beaucoup de bons cyclistes érythréens, mais que nous n’étions pas bons en positionnement, qu’on ne savait pas comment gagner. Il m’a alors dit :
Jean Jacques Henry: « ‘Je sais une chose : si tu veux rester dans le cyclisme, concentre-toi sur les classiques ».
Le sprint
« J’ai besoin de quelqu’un pour me positionner dans les cinq derniers kilomètres. Dans tous mes top 10 au sprint, je reviens de derrière quand quelqu’un m’a lâché à cinq kilomètres de l’arrivée. Ensuite, je dépasse tout le monde dans le finale. J’ai besoin de quelqu’un pour me faire passer du cinquième au dernier kilomètre, pour mieux me positionner. Pour l’avenir, nous travaillons avec trois ou quatre gars qui participent aux mêmes courses que moi et nous nous battons pour le podium ou la victoire. »
Le Team Intermarché Wanty Gobert
« C’est vraiment une famille. L’ambiance est géniale et tout le monde est très proche. Ils sont toujours là pour m’aider et me soutenir. Je passe la majeure partie de l’année seul en Europe. Je vis à Saint-Marin avec mes amis, mais quand je cours, je suis seul. Le personnel s’occupe vraiment de moi. Je n’ai pas de mots pour le dire. Je suis simplement reconnaissant d’être ici ».
Le premier championnat du monde de cyclisme en Afrique, au Rwanda en 2025
« Les Championnats du monde au Rwanda en 2025 sont très importants pour le cyclisme africain. Dès qu’ils l’ont annoncé, tout le monde est devenu très enthousiaste. Même maintenant, nous voyons beaucoup de jeunes coureurs qui commencent dans ce sport.
La clé principale est de trouver une équipe en Europe et d’être remarqué. Je suis encore jeune mais je suis un exemple dans le cyclisme noir. Il y aura un champion du monde noir, j’en suis sûr, mais je ne sais pas si ce sera moi. »