Il n’y pas de hasard, il est des rendez vous dans notre vie, pas de coïncidences. Et notre cyclisme ne déroge pas à la règle. Il a ses histoires, sportives certes, mais surtout humaines. Chacun d’entre nous se souvient du jour, à l’aube de notre vie, où il a posé ses pieds sur ces pédales et comment cette machine lui permettait d’aller voir au delà de son jardin, de son village, sa région, son pays et le monde pour les plus téméraires. Rester debout fièrement sur ses pieds ou sur ces pédales mais à quel prix ? Il n’est pas de hasard, il est juste des rendez vous mais pas de coïncidences. Aller vers son destin, sa vie au creux des mains. Porter au fond de soi cette intuition qui fait battre son coeur, celle de l’aventure pure et belle tout simplement, celle qui nous révèle depuis notre tendre enfance. Et porter par cette allégresse, on arrive debout et fier aux différents rendez vous de notre vie. Nous avançons vers notre destin, la confiance sereine…On a rencontré Bernard Richard, ce fils d’agriculteur que rien ne prédestinait à cet art. Sa vie est un roman, celui d’une vie et celle d’un homme qui est sorti plus loin que son jardin, son village, son pays. Lui aussi se souvient de ses premiers coups de pédales contre le tracteur du voisin, contre les potes en « mob », contre le sort. Dans le chapitre de sa vie de coursiers, il a épaulé les Grands comme Roche, Millar, Herrera et claqué quelques belles victoires sur le Tour de Valence ou du Tour de Portugal.
Il n’est pas de hasard que le cyclisme et ce champion se soient croisés, pas de coïncidence non, c’était juste écrit. Le bonhomme avait pourtant pris un autre chemin avant cette rencontre qui bouleversa sa vie. Papa à 22 ans, une famille, une maison construite de ses mains et son coeur, un job comme monsieur tout le monde se levant le matin pour une journée de travail en rentrant le soir auprès des siens après avoir fumé 2 paquets de clopes durant cette sainte journée. Mais le destin était écrit, superbe et enfantin. Il s’aperçu un soir qu’il avait ce sentiment qu’il avait loupé un « chapitre » en se plantant devant la façade du club de cyclisme local avec ce coeur qui balance. Il retrouva ce vélo, celui de son enfance, celui qui lui faisait sentir ce vent contre son visage. Ils se parlèrent et 3 années plus tard, il écrivit un autre chapitre de son roman appelé VIE. Qu’il fut long le chemin et les mirages nombreux avant que ces deux là se retrouvèrent. Professionnel, il a pratiqué ce job avec passion, respect et sincérité, comme une symphonie. On vous parle d’un monde que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, celui du cyclisme qui se pratiquait à l’instinct. On vous parle d’un temps où les managers allaient chercher le coureur chez l’homme au plus profond de son âme, de ses tripes bien plus qu’aux données numériques et virtuelles d’un ordinateur. On vous parle d’un temps où porter un maillot signifiait aussi appartenir à une famille, un clan, à un état d’esprit. On vous parle donc de Bernard Richard, celui qui aime la vie et ses chapitres si beaux, magnifiques, cruels et difficiles, ceux du roman de la vie d’un homme dont la pudeur du coeur impose le respect, réfugié dans un coin en regardant ce monde qui se bouscule, la vie s’ouvrant à lui. Désormais, il apprend à son fils Maxime a renter dans le brouillard de la vie avec la confiance sereine comme lui le fit des décennies avant lui.
Et puis là tu te souviens qu’à 5 ans et demi, il y avait quatre kilomètres de faux plats montant pour rejoindre l’école (cartable accroché sur le porte bagages)
Bernard Richard, vous avez été coureur, champion et vous travaillez désormais pour une société qui est partenaire d’un team pro. Que signifie un maillot pour vous?
Bernard Richard : « Un maillot de cycliste : c’est un identifiant ,une appartenance , une reconnaissance , une équipe , des couleurs, un état d’esprit, des sponsors qui nous font confiance , des fans qui nous soutiennent envers et contre tous . un maillot c’est un monde, notre monde….
Un maillot c’est une aura dimensionnelle XXL pour les coureurs appartenant à ces grandes équipes. Il suffit de regarder le regard de ces champions quand ils portent ces couleurs comme celles d’Ineos Grenadiers ou de Deceuninck Quick Step par exemple. »
Comment êtes vous arrivé dans le monde du cyclisme. Vous n’étiez pas prédestiné à cet art pourtant à l’aube de votre vie d’adulte. Vous étiez ouvrier, papa et vous fumiez deux paquets de cigarettes par jour.
« Surprenant ! J’aimais pédaler vite comme tous les gosses. Oui j’aimais cet esprit de liberté et puis là tu te souviens qu’à 5 ans et demi, il y avait quatre kilomètres de faux plats montant pour rejoindre l’école (cartable accroché sur le porte bagages). Du haut de mes 5 ans, je tenais tête au tracteur FORDSON Bleu du voisin de mes Parents et qui était annoncé rouler à plus de 30/kms Heure.En tous cas , c’était le plus rapide de l’époque (rires)! »
Un paquet de cigarette par jour puis deux, c’étaient des gauloise sans filtre.
Puis quand j’avais 13 ans ou 14 ans , j’accrochais les mobylettes bleues ou grises avec mon demi-course (avec garde boues) et quelques fois je les flinguais ou je demandais de me prendre la roue. Ce sont mes premiers souvenirs avec le vélo. Puis après on s’est séparé lui et moi. Nous étions jeunes, nous étions fous…
Puis ma première MOB est arrivée, c’était plus facile et plus cool. Je m’étais mis à la clope, un paquet de cigarette par jour puis deux, c’était des gauloise sans filtre.
Papa la première fois à 22 ans , puis un second enfant à 24 ans et je commence le vélo au début de la grossesse soit un peu avant mes 23 ans . Nous avons donc deux beaux enfants, une maison rien qu’à nous où mes petites mains ont bien travaillé pour la bâtir. J’avais déjà bien bourlingué avant de me caser. J’exerçais le métier d’électricien et frigoriste en Service Après Vente sur 3 départements. C’était un beau chapitre dans le roman de ma vie (rires). »
Puis le cyclisme vous a rattrapé
« Oui, on peut dire ça. C’était étrange car je me suis tout de suite senti dans mon élément. Je me souviens de nos retrouvailles. Un soir, je vais à la Galette des Rois du club local et je réalise que j’étais le seul à sortir dehors fumer ma cigarette.Ca m’a frappé!
J’avais des moyens physiques naturels , certes mais étant livré à moi-même car j’étais seul au monde avec mon vélo. J’ai donc plongé mon museau dans les bouquins et j’ai beaucoup appris des lectures du Dr MONTHENARD et d’autres . Ensuite, j’ai fait une belle rencontre avec un diététicien .Je m’écrivais alors mes planning d’entrainement. Je n’étais plus seul et les choses sont allées très vite . »
2ème de PARIS ROUBAIX amateurs sur crevaison devant des gars BOOMANS et Van HOOYDONCK
Et vos premières courses amateurs
« Oui, je fais 5ème du chrono des Boucles de la Mayenne et je termine dans les 15 premiers du général. Puis ensuite, l’année 1984 je gagne le général du Tour d’Eure et loir , idem pour celui du Loire Atlantique puis de l’Ile de la Réunion et vainqueur du Tour D’Ille et Vilaine et enfin celui des Nations
En 1985, j’intègre l’équipe de France. Une fierté de porter ces 3 couleurs. Je me donne à fond et je fais 3ème du Baby Giro, 2ème du classement de la Montagne sur la course de la Paix, Meilleur Français aux 2 courses . 2ème de PARIS ROUBAIX amateurs sur crevaison devant des gars BOOMANS et Van HOOYDONCK avec qui on était échappé à 4 pendant plus de 100 bornes. Des souvenirs incroyables, oui incroyables…
Des souvenirs dingues et des visages. Je termine aussi 6ème du Tour de l’Avenir de l’époque avec les Pros devant Jeff BERNARD,
CHarley MOTTET , Miguel INDURAIN , Bjarn RYS et Bruno CORNILLET. »
Et à 27 ans, 3 ans après votre rencontre, vous passez professionnel chez Fagor MBK, c’est assez incroyable.
« Oui, c’est un peu dingue avec du recul (rires). Je me retrouvais avec des champions comme Stephen Roche, Eric Caritoux, Robert Millar, Jean René Bernaudeau ou Sean Yates. Et pourtant, je n’étais pas effrayé d’arriver là et je n’étais ni impressionné par ces derniers. Je regardais surtout l’aspect humain du champion et c’est ça qui m’a plu. Chacun avait sa personnalité , ses priorités et des points d’intérêts ou des passions différentes. On parlait beaucoup entre nous et nous étions surtout une bande de potes fiers d’appartenir à cette équipe. »
On est tous là, Hinault et moi, tous les 2 sur le podium avec le même magnifique et grand trophée.
Quels souvenirs de cette époque?Bernard Richard
; « Pfff… Il y en a tellement… Mais je me souviens de ma première course par étapes de ma carrière PRO . Le Tour de la Communauté de Valence . C’est Hinault qui gagne, et je suis 10ème au général je crois . On est tous là, tous les 2 sur le podium avec le même magnifique et grand trophée… Lui Vainqueur moi j’étais le meilleur Néo Professionnel lors de mon arrivée dans le peloton pro. Un autre podium en commun par la suite que j’avais déjà partagé avec Monsieur Hinault, c’était celui des Grands Prix des Nations à Cannes en 1984.
Ensuite, ma 1ère victoire. C’était au Tour de Valence avec plus de 100 kilomètres en solitaire avec 5 coureurs à mes fesses. Ces 5 gars étaient Stephen Roche, Sean Kelly, Jean Luc Vandenbroucke et Pello Ruiz Cabestany. Ca foutait la trouille mais j’ai tout donné.
Il y en a tellement, c’est celui du Tour d’Espagne 88 avec Robert Millar. Equipier, je lui collais au Cuissard, juste pour l’aider et en l’accompagnant le plus loin possible, le protégeant dans les bordures, je termine 28ème mais satisfait du travail bien fait. Dommage qu’il ait perdu du temps sur chute par la suite. »
Stephen Roche, un mec bien, adorable, respectueux
Stephen Roche, votre leader à l’époque chez Fagor MBK vous a beaucoup marqué.
« Oui nous étions en 1988 et Stephen Roche était notre leader. Malheureusement, je n’ai que peu couru avec lui car il avait ses
problèmes de genoux. J’aurai aimé être à ses côtés lors de sa grosse saison. C’est un garçon adorable , respectueux , on est toujours copain et c’est toujours un plaisir de se revoir.Visiblement pour lui aussi. Ca fait chaud au coeur ces relations d’amitiés après avoir vécu toutes ces batailles ensemble… Oui un mec bien. »
Après Fagor, vous devenez équipier de Lucho Herrera chez Cafe de Colombie. Vous étiez l’un des tout premiers Français à tenter l’aventure à l’étranger
« Oui avec Lucho. J’étais le premier Français à s’exiler , je ne l’ai appris qu’après avoir officialisé ma signature .Un peu pionnier et aventurier mais surtout un beau projet et une histoire à vivre avec Café de Colombie. J’avais ce rôle d’équipier comme chez FAGOR et je parlais couramment espagnol, j’échangeais souvent avec Lucho HERRERA . Quand Lucho m’a proposé ce défi , j’ai dit oui de suite bien avant de parler salaire.
Lucho était garçon effacé et discret mais quelles aptitudes en Montagne, quel grimpeur! Qu’il était beau quand il s’envolait. Dommage que 1989 n’était pas une bonne année pour lui. »
Vous qui avez connu les équipes de cultures différentes, pourquoi les équipes étrangères sont plus engagées envers leurs sponsors?
« C’est vrai, je n’avais pas noté cette différence au début. Je pense que les sponsors et partenaires des équipes étrangères sont peut être plus impliqués dans la vie du Team. Ils ne font pas qu’apporter de l’argent, ils veulent aussi vivre l’aventure. Ensuite, je pense que les Team étrangers offrent plus de proximité avec leurs publics et transmettent donc plus de passion. »
Les valeurs communes entre le monde agricole et le cyclisme
Que devenez vous maintenant?
« Après le chapitre de coursiee pro, je suis devenu commercial Indépendant sur l’EST de la France pour les vélos KTM (partenaire du Team B & B Hôtels ) et pour le Champagne CASTELNAU , Partenaire des espaces VIP sur les arrivées du Tour de France. »
Les valeurs du cyclisme vous ont elles servi lors de votre reconversion?
« Je ne sais pas. Comme j’ai découvert le niveau professionnel à presque 28 ans , je ne sais pas si j’avais ces valeurs avant ou si je les ai apprises de mon passage dans l’art du vélo.
A la base, je suis issu du milieu agricole et les mots modestie , travail , abnégation, respect des autres et des éléments, réflexions , caractère, sagesse , savoir être patient sont des Maîtres Mots communs entre le monde agricole et de celui du cyclisme . On peut en débattre mais j’y trouve beaucoup de parallèles.
![Bernard Richard ou la confiance sereine dans l'aventure superbe et belle d'une vie 12 audrey](https://www.be-celt.com/wp-content/uploads/2021/06/audrey--610x407.jpg)
Mon fils et ma femme sont des artistes et si je me fais discret, je reste un témoin passionné. Des moments magiques..
Transmettre votre héritage, vos valeurs. Maxime (21 ans), votre fils est devenu un très bon coursier au CC Etupes. L’avez vous aidé dans ce choix?
« Eh oui ! il y a bientôt 30 ans, j’ai refait ma vie en rencontrant une femme et de ce mariage d’Amour est né Maxime qui a fait ses 21ans le 4 Mai dernier . Il était surtout musicien comme sa maman jusqu’à 18 ans, partagé entre vélo et la musique , son choix ( surtout pas le mien) a donné priorité au vélo . Le violoncelle reste encore actif entre ses doigts, ce dès qu’il a un peu de temps et qu’il est à la maison.
La musique, c’est aussi un grand moment de partage avec la maman pianiste où les morceaux en duo défilent les uns après les autres. Ils sont entre Artistes et si je me fais discret , je reste un témoin passionné. Des moments magiques…
Il est licencié au CC ETUPES depuis qu’il est cadet 1 (on en est à 5 kms), un vrai club formateur de grands champions , il a quelques prédispositions mais il n’en oublie surtout pas son parcours scolaire puisqu’il est en 3ème année à l’INSA LYON ,
école d’ingénieur, oh combien difficile! Il sait que le cyclisme n’est que plaisir et une belle aventure. Il véhicule ces mêmes valeurs de travail et d’abnégation sans jamais se plaindre .
Puisse la réussite l’accompagner à réaliser ce qui est pour lui un rêve, celui d’un homme: devenir cycliste Professionnel. Il s’en donne les moyens et sa maman et moi sommes très fiers de lui .A nous de l’aider et le mettre dans les bonnes dispositions. Oui, je suis dans la transmission , on échange beaucoup, comme un père à son fils. »
la vie n’est jamais écrite et tout peut encore changer… «
Quels différences notez vous entre le cyclisme des années 80 et celui de la génération 2.0
« A son niveau actuel , les choses n’ont pas trop changées si ce n’est les Watts , les datas, on en perd les notions de récupération , l’écoute du corps , les sensations (choses pourtant importantes). Il faut néanmoins s’adapter et profiter de tous ces paramètres sans se perdre en chemin.
Chez les Pro , je regrette cette perte d’autonomie individuelle en course , les oreillettes sont passées par là. Les plus beaux schémas de course , les tactiques ne sont plus trop d’actualités . Je ne parlerai pas de courses stéréotypées. Mais bon, la vie n’est jamais écrite et tout peut encore changer… »