Comme toujours depuis des décennies et à l’approche des élections présidentielles, quelques journaux aiment à faire du « buzz ». On parle donc des cités qui nous font terriblement peur, qui nous font trembler, celles où l’anarchie règne, celles où les gosses s’entretuent pour quelques « kil » de deal. Et sur l’écran de nos télés, on ne voit que de la haine, de la violence, c’est vendeur et politiquement racoleur… Oui, certaines de ces cités sont devenues sources de violences à la grande indifférence générale. Mais elles le sont aussi surtout à cause de certains de nos médias en recherche d’audimat et de certains de nos politiques en baisse de popularité ou préférant le déni de la difficile réalité pour des raisons électorales.
Mais les cités ne sont pas que des zones de non-droit contrairement à ce que l’on aime nous rabâcher sans cesse. Tous les habitants ne sont pas des délinquants, prêts à tout casser. Non, elles sont aussi des réserves de jeunes qui possèdent un véritable talent…. Du moins si l’on désire se pencher pour entendre réellement la voix de ces gamins entre deux tours… de scrutin.
Une association emmenée par » Le Nantais » Laurent Girard s’est donc lancée un pari un peu dingue en cette époque anxyogène : celui de donner la parole à ces jeunes que personne n’écoute vraiment et démontrer que la boucle n’est pas bouclée, que le système n’a pas encore la tête sous l’eau. Le nom de ce défi : « Medias Pitchounes » de la cité de Bagatelle à Toulouse. Sa mission: les écouter et les regarder oeuvrer.
Le « Nantais » est ce genre d’ « éduc » qui sait exactement ce que ces gamins valent, qu’ils ont la dalle, les crocs, et qu’ils veulent prouver au monde entier qu’ils sont là et qu’ils ont du talent. Ces “pitchounes” savent aussi ce que le mot République représente, ce que ces valeurs veulent dire et ça, bien plus que nombre d’entre nous.
Par ce message, ils sont parvenus à attirer l’attention d’un homme en la personne de Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France. Et si le Tour de France est passé aux pieds des Tours de la cité de Bagatelle, on le doit surtout à l’envie de ces gosses des Média Pitchounes. A la veille de cette 12ème étape du tour 2019, tous les gens d’ASO et les gamins de la cité ont même partagé le « couscous » dans les rues du quartier, loin des beaux discours d’élus et des images de CNews.
La porte parole de cette bande de potes se nomme Hayet Belaroussa. Arrivée par hasard dans les locaux de cette asso à l’âge de neuf ans, en suivant sa grande soeur, la jeune fille a découvert que le monde tourne au delà des barres d’immeubles. Le vélo, elle s’en fichait et ne savait même pas ce que le maillot jaune voulait dire… Non, ce qu’elle voulait, c’était de dévorer le monde et les Médias Pitchounes lui en ont donné l’occasion.
Dès l’âge de neuf ans, la voilà donc sur le Tour de France à interviewer les champions, les gens du Tour. Elle se pique au jeu, la passion coule alors dans ses veines, l’adrénaline l’anime.
Elle se demande pourquoi le Tour évite les tours… Laurent Girard lui dit alors : « Demande à Mr Prudhomme »… « Pas de problème » rétorque alors la gamine. Elle croise Christian Prudhomme et lui demande sans détour: « Si le tour est populaire et qu’il représente la France, pourquoi il ne vient pas dans ma cité, aux pieds des tours de Bagatelle? On veut que les habitants de notre quartier, ainsi que notre famille, voient toute la magie du tour de France. »
Le directeur du Tour lui lance alors; « Pourquoi pas? Mais prouve moi que les gens de Bagatelle le veulent! » Et au fil des ans et des tours, Hayet et les médias Pitchounes vont tout faire pour prouver au boss du Tour qu’ils peuvent le faire. Et ils ont été plus que crédibles sur les éditions suivantes du tour.
En 2018, Hayet a gagné ce pari du haut de ses 16 ans. Au départ de la 12ème étape, le Tour s’élance de la Cité des Bagatelles. Christian Prudhomme rappelle alors devant les médias de France: »Hayet a passé la moitié de sa vie à espérer que le Tour passe en bas de chez elle. Ça m’épate! »
Même les présidents de la République François Hollande et ensuite Emmanuel Macron viennent soutenir les Médias Pitchounes.
E. Macron : « C’est très bien les projets qui changent les choses, à la fois la perception et l’engagement des gens dans la cité, donc banco je vous soutiens »
Désormais âgée de 18 ans, Hayet veut aller plus loin. Elle veut que tous les gosses de France la suivent dans cette aventure des Média Pitchounes. Un ami lui présente alors Stéphane Roudaut, maire de la ville de Gouesnou et vice président de Brest Métropole. Ce jeune élu aime le sport, le cyclisme aussi et oeuvre énormément pour les gamins de sa ville.
Les médias Pitchounes sont alors invités à rencontrer les enfants de Gouesnou, à plus de mille bornes de leur cité. La semaine dernière, elle et Laurent expliquent leur projet à Stéphane Roudaut et les élus de la ville de Gouesnou. Entre eux, le courant passe tout de suite, la même passion les anime : les gamins de Gouesnou et ceux de Bagatelle vont donc travailler ensemble sur le Tour de France, dès le Grand Départ dans le ville de Brest. Le brassage des cultures, les gamins des cités et ceux des milieux ruraux, la mixité sociale, l’échange et la fête populaire, voilà ce qu’Hayet, Laurent et Stéphane veulent, au nom de tous les gosses qui font notre avenir.
Hayet, que représente les Médias Pitchounes pour toi?
Hayet Belaroussa: « Tout. C’est ma seconde famille. Chez nous, on ne connaissait pas vraiment le monde du cyclisme, on n’y connait rien en vérité. Dans les cités, c’est le foot qui domine. C’est d’abord ma soeur qui y était. Puis à l’âge de neuf ans, je l’ai suivie, histoire de voir. Cela fait désormais 9 ans que je n’ai pas quitté l’asso. Laurent est comme un père, c’est mon second papa (rires).
Les Médias Pitchounes nous donnent cette chance de montrer ce que nous, les gamins des cités, savons faire. C’est sûr, ça ne colle pas à l’image que certains nous donnent chaque jour. On a aussi du talent dans nos cités, on nous fait confiance comme Christian Prudhomme sur le Tour de France et on fait en sorte de le montrer sur chaque édition. Média Pitchounes, c’est la voix des jeunes et pas seulement de la cité de Bagatelle mais de tous ceux de notre France. »
Comment es tu arrivée sur le Tour de France?
« J’avais 9 ans pour mon premier tour. Les médias Pitchounes font des interviews de coureurs, de personnalités de différents milieux. Ils posent des questions de jeunes (rires). J’ai appris la communication, les médias grâce à eux. Et j’ai réalisé que c’est un atout de savoir maîtriser ce métier car il permet à tous les jeunes de s’exprimer et de montrer ce qu’ils peuvent faire.
J’ai fait 6 tours de France depuis. C’est devenu notre second village. On connait tout le monde et tout le monde nous apprécie. On leur a montré que nous n’étions pas que des jeunes insouciants qui se la coulent douce. Non, on leur a montré que nous avions tant à partager et à apprendre à leurs côtés.
Christian Prudhomme a été l’un des premiers à nous soutenir
Le Directeur du Tour vous soutient?
« Oui, Christian Prudhomme a été l’un des premiers à nous soutenir. Mais ça n’a pas été facile, bien au contraire. Il a voulu savoir si on le voulait vraiment avant de dire oui. J’avais neuf ans quand je lui en ai parlé la première fois. Je n’arrêtais pas de demander à Laurent pourquoi le Tour ne venait pas à la Cité de Bagatelle. Il m’a dit d’aller demander au directeur. Christian nous a dit « Prouve moi que la Cité veut du tour alors ». J’ai convaincu la cité je suis retournée vers lui l’année suivante. Il m’a alors dit: « Ok, maintenant, prouve moi que les élus vous soutiennent. » Et chaque année, il a fallu le convaincre non seulement par notre envie mais aussi par notre travail sur le tour. Un soir, on nous a dit : »La 12ème étape du Tour de France partira de la Cité de Bagatelle« . On avait gagné notre pari… C’était incroyable. Nous les gamins des cités, on avait convaincu ASO. »
Le départ de cette 12ème étape au pied des Tours, racontez nous?
« C’était magique, tout le quartier était en fête. Tout le monde était ravi. On ne connaissait que le foot et là, des champions cyclistes étaient là avec plus de 80 chaines de télévision de 130 pays et ces dernières ne venaient pas pour filmer la zone, non ils venaient filmer ce que la Cité de Bagatelle était vraiment.
La veille au soir, on avait invité Christian Prudhomme et les gens du Tour à venir manger un couscous dans les rues du quartier. On savait que les petits fours étaient prêts à la Mairie de Toulouse. Mais Christian est venu chez nous et on a tous mangé ensemble. Il fallait voir toutes ces voitures du Tour garées dans nos rues et aucune d’entre elles n’a été volée ni abîmée. Et les élus sont venus par la suite bien sûr. »
Emmanuel Macron; « Banco, je vous soutiens »
Le président Emmanuel Macron vous a accordé une interview
« Un jour, on avait fait une interview de François Hollande. On lui avait demandé quels maillots mettrait-il à ces ministres, du genre qui est le maillot jaune, vert, à pois ou blanc. Pour le blanc, il nous avait répondu Emmanuel Macron. Puis on a reposé cette question à Mr Macron l’année suivante. Il est resté un peu déstabilisé, il a ri et il nous a découvert. Il nous a alors dit « Banco, je vous soutiens.« »
La Fondation FDJ est derrière vous aussi?
« Oui, c’est grâce à eux que tout a commencé. Au début, on devait parler de foot, la vision du foot chez les jeunes. Mais bon, il y en a plein qui font ca. Laurent a alors eu l’idée que l’on s’intéresse au cyclisme. Et c’est comme ça que nous sommes arrivés sur le Tour de France, grâce à la fondation FDJ. On leur doit beaucoup et je ne les remercierai jamais assez »
Désormais, vous vous associez à des jeunes Finistériens, de la ville de Gouesnou. Pourquoi cette ville?
« C’est un ami que nous avons en commun, entre les Médias Pitchounes et la Ville de Gouesnou. Il travaille pour la télévision Irlandaise sur le Tour et il nous a découvert au détour du tour. Il en a parlé au Maire de la ville et Stéphane Roudaut a dit, lui aussi, « Ca me plait, je vous suis ».
Nous avons donc rencontré Stéphane Roudaut et on a découvert un jeune maire qui a envie de changer les choses établies
C’est génial de faire ce brassage de cultures, entre les jeunes des milieux ruraux et ceux des cités dites zones sensibles. On a tant a partagé entre nous, à apprendre les uns des autres. Les Bretons aiment le vélo, c’est une religion chez eux. On a aussi envie d’apprendre beaucoup d’eux et de leur montrer que chez nous aussi on aime le Tour.
Nous avons donc rencontré Stéphane Roudaut et on a découvert un jeune maire qui a envie de changer les choses établies. Il ose tout comme Christian Prudhomme et nous. C’est génial de pouvoir faire ce pont. L’avenir de notre France, c’est nous les jeunes. Alors apprenons à nous connaitre et à travailler ensemble. Le tour de France est une fête populaire, un brassage énorme de tout ce que la France possède de plus beau, il est le meilleur endroit pour faire ce pont et le symbole de notre jeunesse. Médias Pitchounes est la voix des jeunes sur le Tour de France, de Gouesnou à Toulouse »
Quel sera le travail des jeunes sur le Tour?
« Alors ils seront des journalistes en herbe. Ils réaliseront des interviews de coureurs, de gens du Tour et des acteurs de la société. Ils seront accrédités « médias ». Il doivent être irréprochables car sur le Tour, tout le monde vous regarde. Une accréditation, ce n’est pas un cadeau offert, ça se mérite. Tu as beau avoir tout l’argent du monde, si tu n’as aucune raison d’être sur le tour, tu ne seras pas accrédité. Il faut que tu apportes quelque chose à la société, au tour et au cyclisme. Il te faut travailler dur si tu veux y arriver. »
Lien de MEDIA PITCHOUNES: ICI
Emmanuel Macron répond au Media Pitchounes
Interview de Christian Prudhomme en 2015