A 44 ans, le coach Normand Mickaël Leveau (LEVEAU PERFORMANCE) arrive au sein du team N1 de Laval Cyclisme 53. Après quelques années passées au sein du team Côtes d’Armor Marie Morin Véranda Rideau avec qui il a remporté de belles batailles telles que le Tour de Bretagne, le Grand Prix de Plouay amateur, le championnat de France et bien d’autres encore , il a donc décidé de se lancer un nouveau défi, histoire de ressentir à nouveau le « grand frisson ».Mickaël Leveau (à Be Celt)
: « Une belle histoire ne peut pas durer éternellement sinon on se ferait un peu “chier” à la fin je pense. La routine t’entraîne parfois à perdre cette flamme, cette motivation et j’aime me lancer de nouveaux défis, voir ce qu’il se passe ailleurs et ce que je peux y apporter »
Voilà donc le bonhomme arrivé en terre Mayennaise. Il sera directeur sportif adjoint (tout comme Steven Laurent) du team de Vincent Jérôme avec l’expérimenté Pierre Guevel (ex DS chez Europcar).
Dans un cyclisme tricolore qui traverse une crise importante et accentuée par la crise du Covid 19, le Normand veut redonner du plaisir à une jeunesse qui commence à raccrocher le vélo au fond du garage et en, par la même occasion, mettant fin à leur rêve de gamin. Un défi plutôt relevé quand on sait que le nombre des licenciés de N1 a fortement descendu (malgré le déni d’une politique voulue par certains). Pour combler cette chute des licences, les clubs font alors appel aux coureurs étrangers. Ces derniers peuvent représenter 50% d’un effectif d’une équipe désormais…. Mais la FFC ne s’en alarme pas…
De plus, certains clubs, par manque de sponsors (car eux aussi souffrent de la crise sanitaire), n’ont plus les moyens financiers de recruter autant de coureurs qu’ils le voudraient. Moins de licenciés, moins de partenaires, moins de courses mais pourtant Mickaël Leveau y croit encore et il n’a pas envie de laisser tomber cette jeunesse, il ne veut pas baisser les bras ou faire tomber le rideau pour de bon !
Et comme il le fit avec les Côtes d’Armor, ll veut miser sur le collectif plutôt que l’individuel pour redonner de la gueule à cet art qui tire un peu la tronche. Pour ce défi, il a donc opté pour le Team Laval Cyclisme 53 qui possède un bel effectif avec, notamment, l’arrivée de nouvelles recrues telles Valentin Guillaud ou l’ex pro Justin Mottier.
j’ai été à deux doigts d’arrêter ma carrière de directeur sportif
Mickaël Leveau
: « J’ai choisi le team Laval Cyclisme 53 parce que la structure me plait ainsi que leur état d’esprit. C’est une question de feeling au final, tu sais et tu sens que ce team a un « truc » en lui et que l’on peut faire de belles choses. Ils sont discrets mais efficaces. On les a vus souvent en tête l’année dernière et tu sens que ça monte en puissance. Je ne vais pas changer les choses mais plutôt continuer ce qu’ils ont déjà entamé les saisons dernières.
Pourtant, j’ai été à deux doigts d’arrêter ma carrière de directeur sportif. J’ai eu des propositions et j’ai réfléchi. Je suis passionné mais c’est vraiment dur car les temps sont difficiles. Il nous faut des mesures pour tenir la barre et ne pas rester dans le creux de la vague trop longtemps sinon ça va être terrible. Je ne suis pas sûr que l’on résiste à une prochaine grosse vague. »
Justin Mottier vient aussi renforcer l’effectif de ce team
« Oui, Justin apportera son expérience pro et amateur. Un solide coureur et un mec bien qui saura pousser les autres. Mais je ne mise pas sur l’individuel. Ce qu’il faut c’est que le groupe soit heureux et qu’il se fasse plaisir en allant chercher la gagne pour l’un d’eux. La force d’un team c’est son collectif et sans ça, il n’y aura pas de saveurs et ça ne marchera pas longtemps. Ce qu’il faut, c’est redonner du plaisir aux jeunes coureurs. »
Redonner du plaisir malgré le manque de moyens et de financement
« Oui ça parait une mission quasi impossible en ces temps difficiles, je l’admets. Tu as vu la saison 2020? Tu vois ce qu’il se passe pour le début de la saison 2021? Comment veux tu qu’un jeune garde la foi avec toute cette m…. Mais pourtant les jeunes n’ont pas perdu l’envie de faire du cyclisme. Le problème est qu’ils sont dans le brouillard, qu’ils ne voient pas de perspectives d’avenir. On ne peut pas leur en vouloir dans cette conjoncture.
Etre jeune coureur amateur en 2020 et 2021, c’est déjà un sacré défi et je tire mon chapeau à cette jeunesse
Les priorités des entreprises (sponsors) et des communes sont de sauver l’emploi et le premier budget qu’ils vont supprimer c’est le sport. Je comprends mais le sport c’est la vie. Le sport apporte une certaine rigueur et demande une certaine organisation à un jeune. Je connais beaucoup de chefs d’entreprises comme Gustave Rideau de Véranda Rideau qui recrute des anciens sportifs car ils ont ces qualités, ils sont carrés. Le sport est aussi une bonne école pour le monde du travail.
Durant cette crise, de sacrés coureurs ont raccroché définitivement le vélo. Ils ont fait des choix difficiles à prendre pour un jeune mais je les comprends. Il faut bien gagner sa croûte et avoir un job. Etre jeune coureur amateur en 2020 et 2021, c’est déjà un sacré défi et je tire mon chapeau à cette jeunesse. On ne parle pas assez d’eux dans les médias mais pourtant, on est en train de les sacrifier… »

Plusieurs jeunes ont raccroché dites vous, et des sacrés coureurs. Vous pensez que certains auraient eu un avenir pro?
« Je n’en sais rien. Mais de très bons coureurs amateurs ne reviendront plus, ça c’est sûr. Il n’y avait pas de courses pour se montrer et pas d’avenir pro du coup. Ils devaient prendre une décision rapide et la plus dure pour certains.
Il y a aussi des clubs qui ont perdu des partenaires financiers ou des collectivités qui ne pouvaient plus apporter leurs aides à ces derniers car il n’y a plus d’argent. Donc, tu le ressens aussi dans une N1 ce manque de finance, l’effectif sera réduit dans toutes les équipes, les coureurs seront moins pris en charge… Certains avaient du talent mais on ne le saura jamais. Ca fout un peu les glandes tout ça non? »
Ca fait un an bientôt que l’on passe pour des guignols auprès des coureurs
Un peu amer envers la politique menée par nos autorités ?
« Ca fait un an bientôt que l’on passe pour des guignols auprès des coureurs et des jeunes. On leurs dit un truc et quelques semaines plus tard on leurs annonce que ce n’est plus ça ou que c’est annulé. On recommence, on refait un stage et on leur annonce encore des trucs qui ne vont pas avoir lieu. On est pris en otage d’un manque d’informations, un mouvement perpétuel. D’accord, on a des infos sur le plan sanitaire mais pas du tout sur l’avenir des courses. En gros, nous arrivons à un stade où l’on attend l’annulation de la course 48 heures avant. Ca devient dingue !
Au dessus de moi, on a le club qui fait ce qu’il peut et qui est en relation avec les organisateurs qui eux mêmes sont en relation avec la fédération. Mais voilà nous sommes dans le flou total, on s’adapte sans arrêt, on s’adapte, on s’adapte. Mais ça nous coute de l’argent de s’adapter…. On nous prévoit soit disant un début de saison mais ça va commencer à s’annuler car personne n’a de retour de la préfecture ou des instances. Et comme le retour ne se fait pas, les bénévoles vont baisser les bras car personne ne va se mettre en danger devant ce manque d’information et de soutien. »
En face, on pratique la politique de l’autruche. Personne ne nous apporte des réponses réelles.
Le cyclisme amateur est donc l’une des premières victimes sportives de cette pandémie. La situation est elle grave?
« Pfff…. Oui, beaucoup plus qu’on ne le pense. Ok, on parle de sauver les courses pros, c’est bien. Mais le monde professionnel n’est qu’une infime partie du monde cycliste. C’est la face émergée du cyclisme. Je te disais que les clubs souffrent mais regarde les courses. Il y a des superbes courses qui s’effacent du calendrier à cause de tout ça. Les organisateurs ont beau appeler à l’aide mais ils n’ont pas de réponses concrètes. En face, on pratique la politique de l’autruche. Personne ne nous apporte des réponses réelles.
c’est chouette de maintenir les courses pros mais sans le monde amateur, tu les trouveras où les champions français de demain?
Sur une course 1.2 par exemple, comment veux tu réserver 27 hôtels différents et des services de restaurations impressionnants pour répondre au protocole sanitaire? Ca coute une blinde… Les courses amateurs souffrent et si cela continue, il n’y en aura encore moins.. Ce serait vraiment bien que l’on parle du monde amateur maintenant ! C’est chouette de maintenir les courses pros mais sans le monde amateur, tu les trouveras où les champions français de demain? Regarde le nombre de courses cadets ou juniors qui sont maintenues »
Il y aura un trou niveau coureurs français pros dans les années proches
Une crainte réelle pour l’avenir?
« Oui, je pense qu’il y aura un trou dans le peloton pro dans les années à venir. Il ne faudra pas venir pleurer car tous ces clubs et courses ont souvent tiré la sonnette d’alarme et depuis fort longtemps… Elle n’a pas été vraiment entendue cette sonnette. On crie au désespoir mais bon… Il y aura un trou niveau coureurs français pros dans les années proches…
Pourtant, on peut en tirer du positif de cette merde …Si tout le monde se rassemble et à tous les niveaux. Mais encore faut il être entendu! Nous sommes tous concernés. J’ai l’impression que l’on a pas de projection, que cela fait un an que rien ne bouge… J’ai l’impression que cela ne fait qu’un mois que tout ça à commencé. »

Mais pourtant vous êtes toujours là auprès de cette jeunesse
« Oui pour l’instant car je suis un passionné et que je crois en cette jeunesse.
Je prend exemple sur le cyclo-cross. Quand je vois nos jeunes qui étaient à Pontchateau. Les parents étaient là aussi, tous le monde est motivé. Et avant ce grand rendez vous, pour le préparer au mieux, ce sont des sponsors et des familles qui ont investi pour envoyer leurs jeunes à l’étranger. Pourquoi ? Parce qu’en France, nous n’étions pas capables d’organiser un cyclo-cross, ni même un UCI. Nos jeunes se sont débrouillés avec les leurs et les moyens du bord. Oui, ils sont très motivés et il faut qu’ils aient un soutien d’en haut, il est vraiment temps.
Et c’est pareil pour les équipes amateurs. Je connais des clubs qui ont voulu organiser des cross UCI par exemple mais ils n’ont jamais eu de nouvelles des autorités, aucun appui, rien… Il faut vraiment bouger fort, c’est possible. Un cross c’est possible de l’organiser, les clubs sont responsables. Nombre d’entre eux font des tests à leurs coureurs alors que la fédération n’a rien demandé. J’ai l’impression que nous sommes tous seuls, à l’abandon. »
C’est incroyable que l’on ai pas plus de soutien…Je n’arrive pas à comprendre pourquoi rien ne fonctionne en france au niveau amateur
Vous arrivez à rester positif?
« Oui car je pars du principe qu’il faut s’inspirer des meilleurs ou du haut niveau et pas seulement en france. Il y a des pays qui ont réussi à mettre des choses en places. Et le tour de France a eu lieu chez nous non? Ils ont réussi. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi rien ne fonctionne en france au niveau amateur, que l’on n’arrive à organiser des courses d’un jour chez nous, je ne comprends pas… C’est incroyable que l’on ai pas plus de soutien. Ca va se réveiller un jour…. Ce n’est pas possible sinon ! »

Les courses pros justement, vous y serez comme pilote pour ASO cette saison?
« Oui, je te l’ai dit. C’est bien qu’ASO se batte pour maintenir le Tour de France, Paris Nice, etc…. . Certes c’est une grosse machine mais ils ont donné un exemple comme quoi c’était possible. Ils ont ouvert une porte pour nous donner un exemple à nous tous. Il faut s’inspirer de ça, que tout est possible. Il nous faudrait un interlocuteur fédéral au niveau amateur pour suivre cet exemple, c’est ça qu’il nous manque à notre étage.
Ca nous fait du bien à la gueule de voir du cyclisme, des mecs se battre. Mais ASO , c’est du cyclisme international. ASO fait le job pour maintenir les rêves de ces gamins à l’avenir, ils sont organisateurs de courses pros. Mais il faut bien quelqu’un pour les former à la base et surtout une fédération qui pense à l’avenir… . Quand je passe dans les villes, bourgs et villages de France durant le Tour, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un club de vélo souffre là, qu’une course a vécu ici et que désormais, elles ne sont plus… Juste des souvenirs enfouis dans le crâne. »
Ce monde pro, vous vous en servez aussi pour restituer aux jeunes et à votre club de Laval Cyclisme 53
« Mais je veux rester positif, rien n’est jamais fini, il y a encore des clubs, des courses, une jeunesse et des passionnés. A nous de retrousser les manches pour tenter de leurs redonner un maximum de plaisir, de projection vers l’avenir et des couleurs comme le fait Laval Cyclisme 53. Ce club fédère, ils font du cyclisme sur route, du cyclo-cross, du VTT, du BMX et le Tour de France passe chez eux en 2021
Je suis sur les courses pros en tant que pilote ASO et je suis toujours en contact avec le team World Tour Israel Start up Nation. Ca me permet de voir ce qu’il se fait, je reste au courant des dernières choses qui sont faites chez les pros comme les nouvelles méthodes d’entrainement, de nutrition, sur l’approche des courses et notamment avec les nouvelles règles sanitaires puis je les restitue au team Laval Cyclisme 53. C’est que je disais au début de cette interview, je vais aux endroits où je peux apporter quelque chose. Avec Laval cyclisme 53, je sens ce feeling. Si je réalise que je ne peux plus apporter quelque chose, alors je change d’équipe et d’endroit. »
Si on flingue le sport, il y aura de plus en plus de malades à l’avenir et pas seulement du Covid
Si vous aviez un mot à dire à la ministre des sports (car la ligne téléphonique de la fédération Française de Cyclisme est hors service actuellement)?
« Je ne comprends pas pourquoi on ne favorise pas le sport. Le sport, c’est la santé, des remparts contre plusieurs maladies car on entretient son capital santé. Si on flingue le sport, il y aura de plus en plus de malades à l’avenir et pas seulement du Covid. Aider le sport,c’est aider aussi les gens à devenir plus résistant et cela nous coutera moins cher en dépenses hospitalières à l’avenir. »