Mickael Leveau est le directeur sportif du team Côtes d’Armor Marie Morin Véranda Rideau et le coach de plusieurs coureurs pros et amateurs. Comme tout le monde, le confinement a profondément changé son quotidien, celui de son équipe et de ses coureurs. Mais comme peu d’entre nous, le virus l’a touché en pleine poitrine dès le début, il y a 5 semaines.
Malade, il est reste couché quelques jours, seul en quarantaine et surtout loin de sa famille qu’il n’a retrouvé que 21 jours plus tard. De tout ça, il aurait pu en garder une certaine amertume et crainte quand à l’avenir. Mais non, le bonhomme relativise sur ce « microbe » qui a bousculé le monde. Constamment à la recherche du côté positif, il en tire quelques belles conclusions au regard des événements. Il les enseigne désormais à ses jeunes.
Il s’est confié à Be Celt
Mickael, comment as tu vécu ta maladie?
Mickael Leveau : » Comment dire? C’était comme une grippe mais en plus violent, en plus fort. J’avais une forte fièvre, j’avais froid, je me sentais glacé au niveau des bronches, des courbatures de tous les côtés. Et surtout le truc qui m’a fait quand même peur, c’est la perte de l’odorat, du gout. J’ai eu vraiment peur que je ne puisse jamais retrouver ces sens. Mais je ne savais pas encore que c’était l’un des symptômes du Covid-19.
Le plus important, c’est que ma famille soit mise en l’abri loin de moi. Je savais que ça irait pour moi car je suis de bonne constitution physique, je fais du sport régulièrement et je fais attention à mon alimentation. Je l’ai attrapé mais j’étais armé contre lui. On s’est battu 3 ou 4 jours puis ça c’est terminé tout doucement.
Le plus dur, c’est la solitude, loin des tiens. Au bout de 21 jours, je les ai retrouvés. C’était une joie de revoir tout le monde, mes enfants et ma femme. Je savoure encore plus chaque moment depuis tant ils m’ont manqué. »
Quel regard portes tu sur la situation actuelle?
M.Leveau : « C’est clair que c’est un peu compliqué pour nos jeunes amateurs et pros mais ça l’est pour tout le monde de toute façon. Nous sommes tous logés à la même enseigne. Je parle beaucoup à mes gars des aspects psychologiques de cette situation. Le premier conseil que je leurs donne, c’est de s’adapter, c’est le mot clé.
Je dis à mes jeunes de ne pas regarder chez le voisin si l’herbe y est plus grasse mais de nous recentrer sur nous même et que ça.
J’entends que l’on regarde et peste contre les Belges et les Allemands qui peuvent faire du vélo mais, de toute façon, la compétition ne reprendra que dans 3 ou 4 mois. Ca nous donne un laps de temps assez confortable pour nous entrainer de nouveau à l’extérieur dès le déconfinement. De plus, les Belges, Néerlandais ou Allemands sont comme nous. Il n’y a pas de courses pour personne. Donc au final, on sera tous égaux le jour de la première. Donc, je dis à mes jeunes de ne pas regarder chez le voisin si l’herbe y est plus grasse mais de nous recentrer sur nous même et que ça.
Comme disait Voltaire : « Savoir cultiver son jardin »
Comment parles tu à tes jeunes pour qu’ils tiennent le coup?
M. Leveau ; « Chez les amateurs, la situation et différente de celle du monde pro. Déjà, ils ne sont pas payés. Habituellement, ils ont des primes de courses. Là, désormais, ils n’ont rien. Du coup, en plus de s’entrainer sur les rouleaux, ils vont bosser aux échalotes, l’un d’eux est couvreur et travaille avec son père, l’autre a rejoint l’usine. On s’adapte aux circonstances. Ils apprennent beaucoup sur eux mêmes durant cette crise et c’est un plus pour le caractère.
Certains se découvrent des passions et se jettent dans l’apprentissage. Je pense à l’un des miens qui s’est mis à fabriquer des couteaux. Avec ce confinement, il s’est amélioré et ce sont des jolis pièces qu’il fabriquent. D’habitude, ils n’ont jamais le temps de souffler et de se consacrer à leurs propres vies. Nous sommes toujours derrière pour dire quoi faire, comment faire. Là, ils ont du temps, ils soufflent et se recentrent psychologiquement sur ce qu’ils aiment en dehors du vélo. C’est un plus. Il y a toujours du positif dans chaque situation difficile »
On n’a pas le droit de se plaindre vraiment car ailleurs, c’est bien pire.
Comment parles tu au pros que tu entraines?
M.Leveau. « Pareil, au cas par cas. Je les rassurent aussi. Ils ont un métier, ils sont toujours payés, et ils sont en famille. Qu’ils en profitent car c’est exceptionnel d’avoir tout ça en ce moment. Profiter de chaque instant, on n’a pas le droit de se plaindre vraiment car ailleurs, c’est bien pire. »
Ce calendrier que la FFC a donné, qu’en penses tu?
M.Leveau : »On verra. On ne peut rien prévoir actuellement. Ce qui est sûr maintenant, c’est que nous sommes confinés. Donc, on s’adapte. Le reste, il y a encore du temps avant de s’y préparer. Je ne m’occupe pas vraiment de tout ça pour être sincère. Nous ne sommes qu’en avril et on parle de mi juillet ou aout. On verra d’ici déjà 15 jours ce qu’il va se passer. Donc, on se concentre sur nous même et on se prépare de façon intelligente »
Il y a 2 catégories principales chez les coursiers: les coureurs d’instincts et ceux de « laboratoires »
C’est à dire?
« Je m’adapte à chaque coureur. Ils sont tous différents mais je pense qu’il y a 2 catégories principales. Les coureurs d’instincts et ceux de « laboratoires » je dirai même si c’est un peu rébarbatif comme terme.
En gros, le coureur d’instinct déteste les rouleaux. Il les haïssent un tel point qu’il ne peut pas les voir habituellement. Ce coureur a besoin d’air, d’espace, de sentir la vie, les choses, de voir à l’horizon. Ils ont un esprit animal, sanguin. Regarde les réseaux sociaux, qui se plaint des rouleaux? Sagan, De Gendt, Valverde par exemple. Les raiders et les attaquants au long cours. Ceux qui marchent à l’instinct et qui ne calculent pas leurs watts.
Ceux là prennent quelques kilos durant le confinement généralement. Ils sont comme ça. Mais quand les courses vont reprendre, ce seront les premiers à attaquer, a faire exploser ce trop plein accumulé en eux
Puis il y a les coureurs de laboratoires. Ils sont plus calmes, encaissent le confinement sur 3 semaines sans broncher. Juste s’entrainer, faisant attention à l’alimentation, écoutant scrupuleusement les consignes.
Donc, il faut jongler avec ces différents types de coureurs.
Comment fais tu?
« Déjà, je leurs dit de ne pas trop faire de rouleaux. 3 heures de suite ne servent à rien. Non, juste 1h30 maximum par jour et si ils ne veulent pas en faire, on travaille sur le PPG individuel et pour l’instant, on travaille comme sur une période hivernale. »
Je pense que c’est le tournant d un gros changement dans le cyclisme virtuel
Penses tu qu’il y aura un après Covid dans le cyclisme?
« Pour les courses, je ne sais pas. Ce n’est pas ma partie. Mais au niveau de l’entrainement oui. Le cyclisme va changer dans ce domaine.
Je pense que c’est le tournant d un gros changement dans le cyclisme virtuel car tout le monde si est mis et même l’amateur peut rouler et se comparer aux pros , on assiste même à des chaînes qui retransmettent des événements, on est donc à un tournant, car certaines choses vont rester. De plus, le home-trainer avec des courses virtuelles va apporter quelque chose. Les pros pourront reconnaitre les courses à la maison mais aussi permettre à certains de s’entraîner 1H30 chez soi au lieu d’aller risquer d’avoir un accident ou de subir les aléas du temps. Pour une petite sortie, désormais, on pourra aussi s’entrainer sur les applications virtuelles.
On vit quelque chose que l’on ne pourra pas reproduire
La reprise des courses?
« Sincèrement, j’ai hâte de voir ça. Et aussi qu il faudra voir l’état physique/psychologique/ biologique de certains à la sortie .Oui, j’ai hate de voir aussi comment vont s’en sortir certains après ce confinement. Tous ne seront pas pareils et n’auront pas la même motivation du coup.
De plus, tu imagines qu’en avril, on négocie les contrats des coureurs. Ca se fait en juillet généralement. J’imagines que certains (ceux qui cherchent) vont alors tout donner pour se faire remarquer dès le départ de cette saison de 3 mois. Cette saison ne sera pas des plus passionnantes mais certainement celle la plus rapide depuis longtemps.
Sérieusement, on vit quelque chose que l’on ne pourra pas reproduire. On verra mais ça sera du positif à l’issue j’en suis sûr. »