Le sport (notamment le cyclisme ) peut être une formidable aventure humaine pour celui qui veut se bien sortir le bout du nez en dehors du doux cocon familial. Histoire de voir comment la planète vélo tourne en dehors de ce que nous appelons, encore, orgueilleusement en France « le berceau du cyclisme ».Et justement, un continent est en train d’éclore dans le monde du cyclisme : l’Afrique. Il y encore peu de temps, on les comptait sur les doigts de la main les champions venus du berceau de l’humanité (Pour le monde scientifique, le plus vieil ancêtre de l’homme, l’Homo Habilis, vient de l’Afrique, berceau de l’humanité). Depuis Abdel-Kader Zaaf dans les années 40-50, nombre d’entre eux sont arrivés dans le peloton professionnel et excellent désormais sur les courses du WorldTour.
Le cyclisme reste ce formidable tissu social qui permet de nous rassembler tous, bien au delà de nos frontières nationales.
L’Afrique est aussi un magnifique continent où les Tours nationaux sont maintenant disputés par les coureurs venus des 4 coins du globe. Le Tour du Rwanda avec son arrivée légendaire à Kigali est devenu l’un des plus prisés. Et ce Tour du Gabon qui permet aux jeunes de ce pays de se mesurer aux pros du peloton international en leurs damant, par la même occasion, le pion !Bref, le cyclisme reste ce formidable tissu social qui permet de nous rassembler tous, bien au delà de nos frontières nationales. Et justement, un jeune Breton de 19 ans, Titouan Renvoisé, est en train de vivre une aventure peu ordinaire sur le Tour de Madagascar. Champion du monde de poursuite par équipe juniors, vice champion d’Europe du kilomètre et vice champion d’Europe de poursuite par équipes, le petit Zef (Nom donné aux Brestois) a l’habitude des voyages et des découvertes. Pour préparer sa saison avec les Côtes d’Armor Marie Morin Véranda Rideau, son coach Mickael Leveau un team Français qui est engagé sur le tour du Pays. Histoire de se faire les jambes mais aussi pour recevoir un petit cours venu de cette école de la vie. Mais là, en arrivant à « Mada », Titouan Renvoisé s’est pris une très grosse claque, une belle leçon d’humilité de la part du peuple Malgache!
Il faut justes se dire que cette île longue de 1500 km, l’une des plus belles au monde avec ces paysages à vous couper le souffle, est aussi l’un des pays les plus pauvres de la planète. 50 euros représente le salaire mensuel moyen. Là bas, on ne se soucie pas de se payer le dernier cadre à la mode pour épater la galerie, le casque rutilant dernier cri ou les chaussures super légères avec le sigle à la mode qui coute un « pognon de dingue » comme dirait l’autre. Non, là bas on roule des dizaines de km sur des routes qui feraient pâlir de jalousies nos ribinous du Pays du Léon juste pour aller bosser, pour transporter des centaines de kilos de marchandises et sans gourde bien sûr. Et question chaussures, les tongs sont pour les plus chanceux. Certes le pays est pauvre mais il est aussi riche par sa culture de l’accueil. Ce peuple qui n’a pas grand chose dans les poches vous donnera pourtant tout. Les malgaches sont en train de foutre une « beigne » à notre jeune Breton, une leçon humaine sur le sens du : »Vivre ensemble ».Gagner en terre Africaine n’est pas une mince affaire, tous les champions qui ont vécu l’aventure peuvent en témoigner tant les guerriers de ce continent veulent accrocher leur tour et ils ne souffrent d’aucun complexe face pros. Sur le tour 2016, c’est un jeune du pays seulement âgé de 18 ans, Dino Mohamed Houlder, qui a foutu la raclée aux vasahas (étrangers).
Nous avons donc demandé à Titou Renvoisé de nous tenir son carnet de bord durant les 8 étapes de ce tour de Madagascar qui va débuter dimanche prochain. Nous narrer l’histoire d’un coursier Breton sur les routes de « Mada ».
Titouan Renvoisé; « Voilà, ça y est. Je suis arrivé à Madagascar. On m’en a tant parlé de ce pays! On vient d’ atterrir, il est 5 h du matin et il fait déjà jour. Il fait même très beau. Ca parait incroyable à cette heure matinale.
On traverse la ville, sa grande rue et le marché, les deux derniers se mélangeant. Il n’y pas d’étales ici, tout est posé à même le sol sur des nattes ou des tissus, les fruits, les légumes, les morceaux de viande (du Zébu) à côté du poisson avec des nuées de mouches autour. Les marchands se partagent la rue avec les voitures qui les rasent C’est hallucinant! On sent que c’est pauvre mais il y règne une atmosphère incroyable, de gaité, de rires…
Je pense avec un peu de nostalgie aux Ribinous de chez nous car ici c’est aussi un chantier.
On prend désormais un van »transporter » pour nous rendre à Majunga, la ville départ. Il n’y a qu’une route pour y aller, on ne peut pas se tromper du coup. Elle fait plus de 560 kilomètres par contre. Je pense avec un peu de nostalgie aux Ribinous de chez nous car ici c’est aussi un chantier. Du sable et des nids de poules de 30 cm de profondeur durant 12 heures de trajet. Oui, 560 kilomètres en 12 h…Mais quelle vue, quels paysages incroyables le long de cette piste.
Par contre, ici, pas de bandes blanches au milieu de la « route ». Les véhicules klaxonnent pour doubler, rasant souvent les piétons (qui sont souvent pieds nus) car il n’y pas de trottoirs. Les accidents sont donc légions. On a croisé un homme en sang au sol. Il avait l’air mourant. Les gens étaient à ces côtés. Je suis resté sous le choc… C’est chose courante par ici…. Le prix de la vie me semble vraiment élevé par ici..
Les gamins font une vingtaine de kilomètres aller retour pour aller à l’école chaque jour. Je suis sur une autre planète
Je ferme les yeux pour faire le vide dans ma boîte crânienne. Quelques minutes se passent, je respire un peu mieux et en regardant par la fenêtre, j’aperçois des enfants en uniforme bleus. Je demande alors au chauffeur pourquoi cet uniforme? Il me répond qu’ils vont à l’école plus loin a une dizaine de kilomètres. Ils y vont à pied… Je reste sans voix. Les gamins font une vingtaine de kilomètres aller retour pour aller à l’école chaque jour. Je suis sur une autre planète… Je prends une claque..Ce qui me surprend aussi, c’est que je n’ai vu aucune poubelle. Les déchets sont posés à même le sol le long de la route. Les gens marchent pieds nus dessus et on l’air de s’en fichent totalement. Le trajet me donne une réalité de la vie difficile du peuple malgache mais pourtant, ils gardent toujours ce sourire et ce sens de l’accueil.
Nous sommes arrivés à Majunga. Nous nous garons près d’un baobab qui a plus de 600 ans. Je reste admiratif devant cet arbre qui vu tant de choses, traversé les siècles et les siècles. Nous ne serons jamais aussi ancien que lui. On relativise notre existence face à ce majestueux gardien de la mémoire.
Un mec en tongs, avec un vélo hors d’âge, suit notre rythme soutenue… Je prends une claque !
Puis on enfourche les vélos pour se faire quelques kilomètres, histoire de reconnaitre un peu la ville. On roule à une vitesse assez soutenue, il fait 41 degrés, on étouffe un peu. Soudain, un malgache sur un vélo que je ne saurais décrire se porte à notre hauteur. Pas un coureur, juste un mec en vélo. Il monte un mélange de VTT, de promenade, je n’en sais rien. Un vieux truc c’est sûr. Lui est en tongs…. Et il nous suit à notre vitesse. Je me dis que si il avait mon vélo carbone et mes chaussure, il nous allumerait grave ! Pour eux simples usagers du vélo, un cadre carbone, ils n’en ont jamais vu et ils n’en ont rien à foutre je pense. Eux ce qu’ils aiment c’est rouler et s’éclater. Le reste, peu les importe… Juste ce plaisir à l’état pur !
Si le Centre Mondial du Cyclisme veut aider les fédérations émergentes, ici il y a des gamins qui ne demandent que ça !
J’ai du mal à comprendre pourquoi on ne vient pas les chercher. Les mecs roulent plus que nous dans notre saison. Ils ont à peine 14 ans ils transportent des charges incroyables. Je suis sûr qu’avec de l’entrainement et un minimum d’équipements, ils feraient des étincelles chez nous. Je ne comprends pas pourquoi on ne vient pas les trouver… Si le Centre Mondial du Cyclisme veut aider les fédérations émergentes, ici il y a des gamins qui ne demandent que ça !
Ils s’en fichent un peu du prix et de la technologie de nos vélos ou équipements. Eux, ils veulent juste fêter le vélo avec nous les vasahas et nous foutre une branlée
Puis en regardant la vie dans Majunga, les gens, je me dis que mon vélo vaut 4 ans de salaire pour un ouvrier malgache. J’ai un peu honte, du coup, de posséder autant. Mais les enfants, les adultes, tout ce monde qui nous applaudissent au bord la route, me font rappeler qu’ils veulent nous voir courir sur le Tour de Mada. Ici, le public en général ne connaissent pas les grandes stars du vélo, ils s’en foutent… Ils veulent juste voir du vélo, des courses, point barre. Donc, les stars c’est nous pour eux pour eux (rires) car nous sommes venus chez eux. Ils s’en fichent un peu du prix et de la technologie de nos vélos ou équipements. Eux, ils veulent juste fêter le vélo avec nous les vasahas et nous foutre une branlée. Du coup, ce me donne chaud au coeur cet accueil et j’ai envie de leurs donner du spectacle même si je sais que ça va être très dur face aux coureurs du pays, c’est leur Tour, ils ne seront pas des simples acteurs.
Les malgaches me donnent l’une des plus belles leçons de vie.
On se fait un déjeuner frugal pour nous remettre d’aplomb. Quand je vois la note, je me demande si il n’y a pas une erreur. Tout ces aliments pour seulement 1 euro. Un local me dit de ne pas m’inquiéter, car ici avec ce prix, ils se font du bénéficie. Ici, à Madagascar, les malgaches me donnent l’une des plus belles leçons de vie. Je suis heureux d’être là, dans leurs pays, et avec eux. Avant d’aller nous coucher, on va se baigner dans cette mer chaude. Il fait bon, les enfants rient sur la plage, jouent avec nous. Ici tout le monde rient, tout le monde se parle… C’est une terre de contraste. C’est mon premier jour. «
Merci à Mickaël de m’avoir permis ce voyage, merci à Philippe Dunez de m’avoir pris avec vous.
TITOUAN RENVOISE