Depuis la plainte de VELON contre l’UCI auprès de la commission Européenne, la guerre est déclarée l’Union Cycliste International et l’Association Internationale des Groupes Cyclistes (AIGCP).
Hier, jeudi, le président de l’UCI David Lappartient a écrit une lettre aux équipes concernées accusant l’AIGCP de vouloir « déstabiliser l’UCI et promouvoir d’autres intérêts ». David Lappartient y dénonce une « situation intenable » et déclare que toute la confiance avec AIGCP est désormais brisée.
La lettre, envoyée jeudi et vue par Cyclingnews, a été adressée à toutes les équipes WorldTour et Continental Professionnel ainsi qu’à l’AIGCP, l’Association des Cyclistes Professionnels (CPA), l’Association des organisateurs internationaux de courses cyclistes (AIOCC), les membres du Comité Directeur UCI, le Conseil du Cyclisme Professionnel et la Commission Route UCI
Il ajoute qu’une « crise sans précédent » attend le sport, à moins que les parties prenantes telles que l’UCI, les coureurs, les équipes et les organisateurs puissent travailler directement les uns avec les autres. Dans cette lettre, il poursuit en disant que les discussions futures devraient contourner complètement l’AIGCP afin de répondre aux préoccupations des principaux acheteurs de droits du sport.
Parmi les principaux points soulevés dans la lettre de l’AIGCP figurait le fait que les décisions étaient prises unilatéralement par l’UCI, ce qu’ils appelaient » taxation sans représentation « , faisant écho à un slogan parmi les griefs coloniaux qui ont conduit à la Révolution américaine.
D’autres plaintes concernaient des décisions incohérentes rendues par l’UCI, l’octroi de licences pluriannuelles sans contrôle pour garantir des conditions de course sûres et la décision de charger les équipes d’un calendrier de course élargi aux frais des équipes.
Dans sa lettre, Lappartient cite la plainte antitrust comme confirmation de la tentative de déstabilisation de l’UCI. Il poursuit ensuite avec une liste de 31 avancées positives que l’organe directeur a faites au nom des équipes au cours des dernières années, mettant essentiellement les équipes au défi de choisir une équipe.
Lettre de David Lappartient, Président de l’UCI
Équipes mondiales UCIEquipes Continentales Professionnelles UCIChères équipes,Il me semble nécessaire de m’adresser directement à vous et de faire le point sur la réforme du cyclisme professionnel sur route masculin, qui entrera en vigueur à partir de la saison 2020 et, plus généralement, sur les relations entre l’UCI et les équipes.J’ai rencontré certains d’entre vous aux Championnats du Monde Route UCI dans le Yorkshire et vous avez attiré mon attention sur les informations erronées reçues des personnes chargées de vous représenter. J’ai également pris note du communiqué de presse de l’AIGCP exposant son opposition à la création des UCI Classics Series, qu’elle avait approuvée, bien qu’aucun des aspects de l’accord unanime de septembre 2018 n’ait été depuis contesté ou modifié. Ce changement inexplicable de position ne peut s’expliquer que par une tentative délibérée de vous associer à une tentative de déstabilisation de l’UCI et de promouvoir d’autres intérêts dont tout le monde est bien conscient.Cela a été confirmé récemment lorsque certains d’entre vous, en tant que membres du groupe Velon, ont déposé une plainte antitrust auprès de la Commission européenne contre l’UCI. Il est clair que les actions engagées par un même groupe de personnes sont de nature concertée et s’inscrivent dans une stratégie globale visant à remettre en cause l’autorité de l’UCI en tant qu’organe directeur du cyclisme professionnel. L’UCI a ainsi été critiquée par ces équipes pour avoir utilisé son pouvoir réglementaire et politique afin de saper les intérêts commerciaux des équipes.Vous devez décider si vous êtes d’accord avec cette stratégie et dans quelle mesure les personnes qui la supervisent vous représentent légitimement dans votre ensemble. En écrivant cette lettre, je souhaite simplement attirer votre attention sur la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvent certains de vos représentants par rapport à Velon et vous montrer que la réalité est, heureusement, très différente. Depuis mon élection, je n’ai cessé de défendre les intérêts d’équipes dont j’ai vu l’engagement et le professionnalisme au quotidien, le tout dans le but de vous permettre de concourir dans les meilleures conditions possibles. Bien qu’il y ait parfois eu des tensions entre l’UCI et certains organisateurs, nous avons fait des progrès au cours des deux dernières années pour nous permettre d’évoluer vers un modèle qui établit un équilibre pour toutes les parties prenantes. Parmi ces avancées, mentionnons les suivantes :
1. Approbation de la réforme du cyclisme professionnel sur route masculin avec l’octroi d’une licence de trois ans pour les équipes, malgré les réticences initiales des organisateurs, afin de vous garantir la stabilité et de répondre à vos attentes ;
2. La création d’un classement triennal pour évaluer les critères sportifs, sans promotion/relégation automatique chaque année, afin d’offrir plus de stabilité en cas de « mauvaise saison », toujours selon vos souhaits ;
3. La création de places de qualification automatique pour les épreuves UCI WorldTour pour les UCI ProTeams, aux frais des wild cards remises par les organisateurs à titre discrétionnaire ;
4. Modifications des publicités sur le maillot des Champions du Monde UCI, avec l’approbation d’une couleur qui promeut mieux vos partenaires, comme vous l’aviez demandé ;
5. Gel du nombre de WorldTeams UCI à 18 au lieu des 16 précédemment approuvés et maintien des droits pour les 18 WorldTeams UCI existants (avec la possibilité d’ajouter une 19ème ou 20ème équipe pour la période 2020-2022) ;
6. La création d’un cadre réglementaire pour les équipes de développement (ces équipes pouvant échanger des coureurs lors de certains événements de la saison) ;
7. La prise de conscience de la réalité des agents payeurs propriétaires de plusieurs équipes (Equipes Féminines UCI, Equipes Mondiales UCI et Equipes Continentales Professionnelles UCI) en permettant justement une telle possibilité et en permettant ainsi à une seule entité juridique d’enregistrer plusieurs équipes ;
8. Accompagnement de vos équipes lors de phases clés telles que l’arrivée d’un nouveau partenaire ou lors d’un rachat ou d’un changement de propriétaire ou de sponsor principal ;
9. Révision et modernisation des processus d’enregistrement des équipes avec la création de la plateforme DataRide UCI, qui réduit la charge administrative des équipes ;
10. Gel des frais d’inscription des équipes pour éviter une augmentation des coûts ;
11. Modifications au classement pour créer un classement par équipe non roulant plus facile à suivre, à la demande des représentants des équipes ;
12. L’introduction d’une limitation du nombre de départs d’étapes du Grand Tour dans un pays non limitrophe et le soutien aux équipes pour le départ du Giro d’Italia en Israël pour s’assurer qu’elles soient correctement indemnisées ;
13. Accompagnement de vos demandes pour une meilleure réponse à vos besoins d’hébergement au Tour de France, en termes de nombre de chambres
14. Mise en œuvre d’un programme de lutte contre la fraude technologique (radiographies et recherche avec le CEA Tech) en vue de lever toute suspicion, au bénéfice des équipes et de leurs sponsors ;
15. Renforcement du programme antidopage des équipes continentales UCI participant aux épreuves de l’UCI ProSeries afin de garantir des conditions de concurrence équitables ;
16. Grâce à nos efforts collectifs sous l’impulsion de l’UCI, l’image et la réputation du cyclisme se sont nettement améliorées, dans l’intérêt de tous, mais nous devons poursuivre nos efforts. Cela permet à toutes les parties prenantes de mieux attirer des partenaires ;
17. Introduction d’une interdiction du tramadol le 1er mars 2019 ;
18. Autorisation des freins à disque, à la demande de certaines équipes ;
19. Assouplissement des règles concernant les imperméables, à la demande des équipes ;
20. Clarification des règles relatives à l’équipement (vélos, vêtements, etc.) afin de garantir l’égalité des chances pour les équipes ;
21. Proposition faite lors d’une réunion visant à modifier le libellé de l’article 2.15.142 relatif aux classiques UCI et à reconnaître les droits potentiels des différents acteurs, en plus de ceux déjà reconnus aux organisateurs. Proposition étrangement refusée par les représentants de l’équipe.
22. Rencontres individuelles avec les équipes, si elles le souhaitent, dans le cadre du processus de réforme. Nous poursuivrons ces rencontres, notamment lors de vos camps d’entraînement d’équipe ;
23. Introduction d’un tableau de sanctions pour les organisateurs, déjà appliqué trois fois en 2019 ;
24. Les organisateurs sont tenus de contribuer au développement du cyclisme, au même titre que les équipes ;
25. Création d’une Série Classiques UCI dans le but d’accroître la visibilité et de permettre le partage des nouveaux revenus entre toutes les parties prenantes ;
26. Mise en place d’un séminaire UCI WorldTour avec un contenu actualisé et une plateforme de discussion avec les équipes ;
27. Suppression du contre-la-montre par équipe des Championnats du Monde Route UCI à la demande officielle de l’AIGCP, ce qui allège la charge financière des équipes ;
28. Mise en place d’un système centralisé de gestion des prix de la course (libérant les équipes d’une certaine responsabilité dans la gestion des prix et assurant le suivi du paiement des prix) ;
29. Mise en place d’un cadre réglementaire permettant le parrainage par des sociétés de paris ;
30. Création d’un droit de participation spécifique pour les Equipes Continentales Professionnelles UCI aux épreuves UCI WorldTour ;
31. Création d’un commissaire de soutien/télévision pour améliorer la prise de décision des officiels de course.
Bien que cette liste ne soit pas exhaustive, elle montre clairement que l’UCI a apporté un certain nombre d’améliorations pour les équipes sur une période de seulement deux ans, et nous continuerons à suivre cette voie et à travailler pour vous. Malheureusement, rien de ce que nous faisons à l’UCI n’a la faveur de l’AIGCP et de son Président. Il est donc clair que la seule raison possible de poursuivre cette politique d’obstruction systématique, stérile et conflictuelle, est de promouvoir un système autre que celui approuvé par l’ensemble des acteurs du vélo.
Ce qui suit en est la preuve et je vous invite à y réfléchir :
– La rédaction d’un « Mission Statement » présenté à votre Assemblée Générale à Milan le 16 mars 2018 et heureusement rejeté par vous, qui disait : « Point II : Nous voulons que la gouvernance du cyclisme professionnel sur route pour hommes soit exercée directement par les parties prenantes. Les « parties prenantes » du cyclisme professionnel sont ici les organisateurs de la course et les acteurs (coureurs & équipes) ». La volonté d’exclure l’UCI de la gouvernance du cyclisme est évidente ici ;
– Le rejet quasi systématique de toutes les propositions soumises par l’UCI ;
– L’isolement visible des deux représentants de l’équipe lors de diverses réunions du Conseil du cyclisme professionnel (CCP), ce qui entraîne un abus de confiance et une perte de crédibilité auprès des autres membres du CCP ;
– La remise en cause systématique de tous les points mis en débat, y compris le procès-verbal de chaque séance ;
– Actions des représentants de l’AIGCP principalement dans le seul intérêt de Velon ;
– Les comptes-rendus de mes rencontres avec le Président de l’AIGCP ont été envoyés par WhatsApp (sans même refléter nos discussions) aux Directeurs de Velon (le groupe Moving Cycling Forward WhatsApp mis en place par le Président de l’AIGCP et les Directeurs de Velon), et aucun rapport n’a été communiqué aux membres de l’AIGCP. Il s’agit clairement d’un conflit d’intérêts ;
– La volonté de l’AIGCP et de Velon d’éviter toute discussion directe entre l’UCI et les équipes professionnelles, telle que reflétée dans le courriel envoyé par Velon à ses équipes membres les invitant à refuser de rencontrer le président de l’UCI ;
– Accusations infondées contre l’UCI concernant la vente de vos droits potentiels auprès de la société Racetracker ;
– Défaut de transmettre (et sans doute de rédiger) un document-cadre exposant la vision de l’AIGCP pour l’avenir du cyclisme professionnel, malgré nos innombrables rappels. Il est évidemment plus facile de critiquer que de faire des propositions ;
Cette situation est clairement intenable. Toute confiance dans les représentants de l’AIGCP est maintenant brisée. Je pense que nous devons travailler ensemble pour trouver une issue à cette impasse, qui est préjudiciable pour nous tous. Nous devons trouver d’autres solutions que des discussions avec l’AIGCP et son président, sans quoi nous risquons de plonger le cyclisme professionnel dans une crise sans précédent. Je suis convaincu que le cyclisme a un énorme potentiel et que notre sport est, selon toute probabilité, le plus à même d’accroître son influence et ses revenus.
J’ai rencontré les principaux acheteurs de droits de notre sport, même si l’UCI est bien consciente que la plupart de ces droits ne lui appartiennent pas, comme les droits TV ou les données physiologiques des coureurs. Ils m’ont assuré de leur grand intérêt pour le vélo. Il s’agit cependant d’une question qui requiert unité et soutien pour l’UCI, seule instance capable de mettre en commun tous les intérêts des différents acteurs du sport. Ces acheteurs ne comprennent pas nos divisions et ces querelles intestines inutiles à un moment où l’intérêt pour le vélo ne cesse de croître. Ils ne soutiendront pas un sport sans la solide gouvernance assurée par un organisme membre du mouvement olympique.
Au lieu de consacrer toutes nos énergies à cet objectif, nous sommes aujourd’hui contraints d’allouer des ressources vitales afin de nous défendre contre des actions en justice intentées devant la Commission européenne pour les années à venir. Cela ne me dissuadera toutefois pas de continuer à travailler en faveur d’un nouveau modèle pour le cyclisme professionnel. La seule façon pour notre sport de franchir cette étape nécessaire est que ses parties prenantes (UCI, coureurs, équipes, organisateurs) restent unies. J’en appelle également à votre sens des responsabilités pour contribuer à faire de cette unité si nécessaire une réalité. L’UCI travaillera en sa faveur et ne sera jamais dictée par un seul acteur, garantissant ainsi une vision équilibrée. Je suis convaincu que seule notre Fédération internationale est équipée pour ça.
Le lancement de la Série Classiques UCI, une compétition à laquelle l’AIGCP estime que l’UCI ne doit pas mettre son nom, vise à créer un nouveau modèle profitable pour tous et qui vise même à garantir une augmentation des revenus. Il pourrait être étendu à d’autres catégories de courses à l’avenir. L’objectif est de faire du cyclisme un sport plus international en augmentant son audience et en préservant notre présence dans toutes les régions du monde. Je m’engage à vous faire rapport prochainement avec des propositions concrètes et à vous fournir un calendrier d’avancement sur cette question. En ce qui concerne la Série Classiques UCI, soyez assurés que l’UCI n’a pas l’intention de reprendre les droits de quiconque, quoi qu’en disent vos représentants.
Si nous devons aller de l’avant dans l’intérêt du cyclisme sans certains acteurs ou familles, nous le ferons parce que notre sport ne peut plus attendre. Nous avons déjà perdu trop de temps. Je compte également sur votre soutien pour m’aider à promouvoir cette vision et à mettre en œuvre ce nouveau modèle.
Je me réjouis de vous rencontrer au séminaire UCI WorldTour et de vous faire le point sur la situation actuelle du cyclisme professionnel, sans cacher les nombreux défis que nous devons tous relever ensemble. Le cyclisme a besoin d’une UCI forte, à l’écoute des préoccupations de ses parties prenantes, dont les équipes. Le statut du cyclisme en tant que sport mondial majeur repose sur l’unité de toutes ses familles et non sur une aventure individuelle menée par l’une de ces familles, qui qu’elles soient. Vous pouvez compter sur ma détermination et celle de mes collègues du Comité Directeur de l’UCI, qui sont unis derrière cette vision de travailler pour rassembler tout le monde, sans succomber aux provocations incessantes et répétées qui nous sont adressées. »
Meilleures salutations,
avec tout mon soutien,
David Lappartient
Président