A 28 ans, Jérémy Bescond a décidé de raccrocher le bike au fond du garage, non loin de sa planche de surf. Une bonne dizaine d’années à se bastonner sur les « spots » élites et pros et un beau palmarès en guise de souvenirs pour les longues soirées d’hiver. Puis un matin, l’intensité de l’envie s’atténue en relativisant cette importance d’être sur son vélo sur chaque jour qui nous est offert.
Non pas que la flamme s’en est allée, bien au contraire! Le p’tit gars de « Douarn » (Douarnenez) veut rester dans le monde du cyclisme, histoire de distiller savamment son savoir faire, d’apprendre la lecture d’une course, de savoir saisir la bonne vague au moment, tant de leçons à quelques jeunes doux dingues dont il fit parti quelques années auparavant. Il nous l’avait dit déjà en janvier que c’était la der en tant que coureur. Cette fois ci, il souffle définitivement sur cette flamme.
Et comme telle la vague venant mourir sur la plage, comme celle de sa vie de coursier dans le cyclisme, le Breton désire désormais surfer sur celle d’encadrant, histoire de se faire un autre trip dans ces grands espaces de liberté qu’offre le cyclisme.
Jérémy, ça y est c’est fini. Quel est le moment le plus intense que tu as vécu dans cette aventure de coursier?
Jérémy Bescond; « Oui c’est fini après une bonne dizaine d’années à vivre ce chapitre. Des pages et des histoires, j’en ai connu. Mais celle qui m’a procuré le plus de joie, c’est ma victoire en juniors, sur celle que l’on nomme l’International Valromey Tour maintenant . Jean Jouravalenko était mon entraîneur à l’époque. Il n’est plus parmi nous désormais. Je ne l’oublie pas…. Et quand je gagne la dernière étape, que je tombe dans les bras de Jean qui était en larmes… Oui ce moment là était beau… »
Ma victoire sur le Tour de Valromey et les larmes de Jean Jouravalenko
Pourquoi celle là?
« Parce qu’elle est ce que représente le cyclisme à mes yeux. Je roulais alors avec Seyssinet Seyssins à cette époque là. J’en chiais pas mal pour accrocher une belle victoire mais mon entraîneur me disait toujours : « T’inquiètes pas, la seule qui compte dans la saison juniors, c’est sur le Tour de Valromey » Il n’arrêtait pas de me dire ça toute l’année. Je savais qu’il me fallait bien faire sur ce rendez vous. Puis le tour est arrivé. J’avais les bonnes jambes mais j’étais passé à travers sur les 3 premières étapes.
Sur la 4ème, j’ai tout donné et je gagne l’étape en solitaire. Après la ligne, Jean arrive vers moi et on se serre dans les bras. Je me rappelle de nos larmes de joies… C’est mon plus beau souvenir en tant que coursier et spécialement avec Jean. Ne jamais lâcher ses rêves, ne jamais renoncer même si l’on est au fond du trou. Tu ne sais jamais ce que l’avenir peut t’apporter. »
Puis tu arrives en élites
« Oui, j’arrive chez Vulco VC Vault en Velin. Là aussi, je me suis souvenu des leçons de Jean. Au début, j’ai pris des cartouches. J’ai même terminé dernier sur un tour d’Alsace. Mais je ne lâchais pas tant je voulais y arriver. Puis en 2ème année, j’accroche une belle 3ème place sur le tour du Beaujolais et je remporte le tour de l’Ardèche Méridionale l’année suivante. Mes débuts ont été difficile mais comme je te l’ai dit dans l’autre question, il ne faut jamais renoncer et continuer malgré tout, il faut croire en soi »
Tes années pros d’abord chez Cofidis puis avec St Auber 93
J’ai vécu ces moments. J’ai été pro mais je n’ai pas vraiment eu de chance. C’est un milieu difficile et exigeant. Ce ne sont pas mes plus belles émotions mais j’ai vécu la vie d’un coureur pro. Des sentiments mitigés car j’ai été longuement malade dès on arrivée chez Cofidis et je n’ai pas vraiment montré ce que je valais du coup. Je retourne en amateur un an avec Chavieu Chavagneux et Côtes d’Armor Marie Morin.
En 2017, je repars chez Auber 93. Là, j’avais les jambes et j’ai tout donné en tant qu’équipier. Je savais que si l’on me donnait de nouveau ma chance, je pouvais faire encore mieux si on me donnait ma carte. Malgré le soutien des coéquipiers, je n’ai pas été conservé et je suis reparti chez Côtes d’Armor Marie Morin. Donc au final, je reste sans vraiment avoir rencontré de grands moments chez les pros, ni aucune rancune particulière. Je suis venu, j’ai vécu… »
Cette alchimie au sein du team Côtes d’Armor était parfaite
Ton retour avec Côtes D’Armor Marie Morin en 2018
« Putain que c’était bon… On était une vraie équipe, on savait exactement ce que l’on devait faire. On connaissait nos rôles, notre partition jusqu’au bout des doigts. On ne gagne pas le Tour de Bretagne avec Fabien Schmidt si on était pas un groupe mais alors un vrai clan.
On s’est éclaté avec Fabien, Owen James, Fred Guillemot et tout le staff. Ce fut une belle année, une de celles qui te font du bien à la gueule, qui ne te laisse que des bons souvenirs en estompant toutes les galères vécues auparavant. Et dans cette spirale positive, je réalise aussi l’une de mes plus belles saisons. Cette alchimie au sein du team Côtes d’Armor était parfaite. »
Je ne voulais pas partir sans un dernier au revoir peut être
Pourtant, tu décides de partir et de rejoindre Hennebont Cyclisme
« Oui. Comme tu le dis, c’est un peu comme si tu voulais surfer ce spot jusqu’à la fin. Je savais qu’en moi, l’intensité commençait à baisser et je ne pouvais plus donner autant de temps au cyclisme élite. Je préparais ma reconversion mais je ne voulais pas partir sans un dernier au revoir peut être.
Du coup, Cédric Le Ny étant un passionné, je suis parti chez eux car il me laissait aussi pas mal de temps pour le travail. J’y décroché ma dernière victoire sur le GP de Lorient, pas trop loin de chez moi ».
Que vas tu faire désormais?
« Je prépare des concours. Je n’ai plus le nez dans le guidon mais dans les livres (rires). Mais je ne vais pas quitter le cyclisme pour autant. J’aimerai revenir pour encadrer les jeunes coureurs, les conseiller sur les courses où durant la saison. Attention, je ne veux pas parler d’un rôle d’accompagnateur mais celui d’un véritable encadrant. Donc oui, si je trouve un team qui me permet de tenir ce rôle, je serai encore là. Pourquoi pas sous les couleurs d’Hennebont Cyclisme justement… On verra où cette vague m’emmène. »
Qu’est ce que le cyclisme t’a appris?
« Comme je te l’ai dit, il m’a appris de ne jamais lâcher même quand tu doutes. Il m’a appris l’abnégation. Le respect des autres, de tous ces gens qui font de toi ce que tu deviens. Il m’a appris des valeurs et surtout que rien n’est joué à l’avance. »
PHOTO EN TETE par CASSANDRE DONNE PHOTOGRAPHIES