Certains Bretons choisissent de prendre la mer pour rejoindre leurs rêves, d’autres choisissent le bike.
Et ça fait un certain bail que Matthieu Jeannès (Hennebont Cyclisme), 31 ans, le traine à travers les 4 coins du globe, à grands coups de « Débrouilles ».
« Y en a même » qui l’ont vu sillonnant les courses pros avec son team Lupus Racing Team au Pays de l’Oncle Sam, d’autres l’auraient aperçu en haut des Montagnes Vertes au fin fond du Quebec, levant les bras sur la Green Moutain Race ou emmenant un peloton sur le Tour de Beauce. Beaucoup s’en souviennent encore à Tobago quand il débarquait avec son frangin Thibault pour tirer la bourre à un peloton international sur la Tobago Cycling Classic (comptant pour l’America Tour) ou encore cette saison sur le Tour d’Antalya en Turquie avec le team de la Défense.
Bref, ce Breton serait né au XVIIIème siècle, il porterait la boucle d’oreille des corsaires en guise de fortune et sillonnerait les mers du globe pour foutre un peu le boxon. Epris de liberté, marchant au coup de coeur, ne calculant rien (ll roule à l’ancienne sans cardio, ni gps ou capteur de puissance), il ne suit que son instinct. Il veut être libre et rouler reste donc besoin vital autant que celui de respirer. Pas sûr qu’ils soient nombreux comme lui au sein du peloton amateur…
Revenu en France en 2018, ce pays où il posa son cul sur cet engin en 1995 pour la première fois avec le vélo club de Kerfeuten à Quimper, de BIC 2000 chez les gars du bout du monde, des Côtes d’Armor puis du VS Scaer avant de se tirer de l’autre côté de l’atlantique, il n’avait trouvé aucun accord avec de clubs de DN1. Il décida de revenir aux bases en portant les couleurs d’un club rebelle mais fidèle à ces racines et à ses valeurs, celui du team Hennebont Cyclisme comme avec le team conti Probaclac Devinici au Quebec la saison dernière. Omniprésent dans le top 10 toute l’année sur les batailles comme l’Essor Basque, le tour de Basse Navarre, les courses de Bretagne, du Quebec ou de Turquie, il n’abandonne que très rarement. Faire honneur aux couleurs de son bateau, emmener son équipage à bon port, celui où tous les rêves sont possibles, comme le faisait jadis ces corsaires Bretons en quête de nouveaux pays et butins.
Après tout ça, il n’est dont pas étonnant qu’il remporta, avant hier, la course des Filets Bleus, sa 2ème victoire de la saison 2019, sur le port de Concarneau, là où les bateaux et leurs équipages rejoignent l’Atlantique, cet océan d’aventures.
Comment s’est construite ta victoire sur les Filets Bleus à Concarneau?
Matthieu Jeannès; « Mardi, je rejoins en solitaire la première vraie échappée de 4 gars après 20/25km environ.Il y avait mon frère Thibault, Fred Guillemot, Julien Le Huitouze et Nicolas David. Ils allaient tous vite mais souhaitaient isoler Julien. J’ai contré et fait les 10 derniers km tout seul. Ca fait plaisir de lever les bras »
Tu as cette image de baroudeur dans le peloton élite. On te voit dans une équipe pro aux USA, une autre au Canada, puis à Tobago, et cette saison en Turquie. Tu roules aussi pour Hennebont Cyclisme en France et celui du team Conti Probaclac Devinci au Canada. Qu’est ce qui te pousses à voyager autant?
« J’ai couru dans beaucoup de pays, ayant été basé en Amérique du Nord 4 saisons( ou durant une partie de saison) quasiment . Je pense qu’une fois lancé sur un premier trip, les autres me paraissent plus facile. Le réseau avec le vélo aide aussi, puis des projets de courses s’ouvrent à toi. Bon, faut quand même étre assez cool et ouvert d’esprit, en dehors et sur le vélo. »
Je roule sans cardio, sans gps, ni capteur de puissance, depuis 10 ans quasiment.
A 31 ans, tu te bastones toujours, quelque soit le team, pro ou élite. Qu’est ce qui te pousses à continuer?
« C’est vrai que je suis sur l’âge. Certains sont saturés à 25 ans, d’autres à 35. Je roule sans cardio, sans gps, ni capteur de puissance, depuis 10 ans quasiment. Mes deux seuls entraîneurs ont été Jean Louis Conan et Yvon Caër, j’essaye de garder quelques bases , l’important c’est de faire des saisons pleine de février à octobre.
Ensuite, il faut se fouetter le cul sur certaines courses pour pas trop perdre en condition si une belle arrive.
L’entourage joue aussi énormément. Je cours depuis 1995 et mon frère Thibault depuis 96. Nos parents ne nous ont jamais dit d’aller rouler ou de faire si où ça… C’est une chance, c’est tout. »
Il faut qu’il y ait un projet humain et sportif enrichissant
Toujours dans les échappées, tu n’est pas fatigué de courir tout de même ?
« Comme je ne suis pas rapide, j’essaye d’être résistant et je tente juste les échappées. Fatigué? Ça dépend de l’humeur du moment (rires). J’aime juste ça : courir. Après il faut qu’il y ait un projet humain et sportif enrichissant, ça passe par un programme de courses consistant, éventuellement des courses à l’étranger, avoir un rôle de capitaine avec des jeunes réceptifs.
Maintenant, j’arrive à la fin d’un cycle je pense et c’est peut-être la retraite sportive qui se rapproche. Même si je suis toujours potable à 32 ans bientôt… Regarde Horner! Il était toujours performant à 45 ans quand nous étions chez lupus avec lui . Je verrai bien en fin de saison quant à mon état de fatigue mais j’espère avoir une condition potable et rester à peu près dans le match jusqu’à début octobre .
Qu’est ce que t’apporte le cyclisme dans la vie de tous les jours?
« Pfff….C’est un tout je pense. Comme sur la vie, les gens, découvrir d’autres cultures, différents coins . Puis connaître ses limites physiques et mentales même si tout sportif se surprend parfois je pense. »
Photo en tête OLIVIA NIETO PHOTOGRAPHIES