Me voilà dans la commune de Ploumagoar dans les Côtes d’Armor. Qu’est ce qui m’a bien poussé à venir par ici alors que j’aurai pu être peinard au bord d’une plage de nos côtes à siroter quelques « limonades » bien fraîches? Un truc bien plus intéressant? Peut être que oui, car dans ce bourg de Bretagne, il y a ce « Rendez-Vous » que l’on nomme simplement le « KBE » ou le Kreiz Breizh (centre Bretagne dans la langue de Molière, le pays d’à côté).
Et pour cette 1ère étape le « druide » local, Alain Baniel, nous a mijoté un plat un peu plus relevé dans cette concoction du KBE avec cette épreuve contre le temps par équipes, entre clans venus des 4 coins d’Europe, chose que l’on n’avait jamais vu sur ces terres paisibles et immuables au temps de la Vallée des Saints.
2 heures avant le départ, je prends rendez vous avec le team Côtes d’Armor Marie Morin Véranda Rideau, celle du champion de France amateur Alexis Renard. On ne verra pourtant pas le maillot tricolore, flanqué des ses armorieries car c’est une épreuve pro. Le champion partira ensuite faire un tour avec les pros d’Israel Cycling Academy dont le team Costarmoricain est la réserve.
Et 2 heures avant, tu sens déjà la sauce monter, l’odeur des huiles et de pommades se mélangeant à celle d’une certaine tension palpable sur le parking des équipes. Les gars son déjà concentrés, écouteurs vissés sur les oreilles pour certains, d’autres préférant le bruit des rouleaux, sous le soleil de la Bretagne, nez dans le guidon, se ressassant sans cesse chaque mètre de ce chrono qu’ils ont déjà reconnu.
Ils nous ont déjà quitté. J’ai l’impression de déranger… Pas vraiment en fin de compte, ils ne sont plus avec nous, ils ne me captent pas. Le chrono a déjà commencé dans leurs boîtes crâniennes
Autour des coureurs, les mécanos et le directeur sportif s’affairent et règlent les derniers détails. Rien ne doit être laissé au hasard et le plan doit se dérouler sans accroc. La préparation est minutieuse et elle s’achève avec le détail qui fait aussi la différence, réglage des casques profilés et le serrage de chaussures. La transmission du son crépite dans le hp du véhicule et les oreillettes. Tout est ok, la joute peut débuter!
Particularité du team Côtes d’Armor Marie Morin Véranda Rideau sur ce chrono, il se fera avec le vélo de route. Un choix, qui pour Mickaël Leveau, met toutes les formations à égalité, professionnelles comme amateures : « Les différences de matériels sont atténuées » m’explique Mickael Leveau dont ses boys n’ont pas spécialement préparés ce rendez vous
» Ils n’ont pas pu faire d’entraînements spécifiques puisque chaque coureur vient d’un endroit différent et il est difficile de les
regrouper pour préparer cela » rajoute t-il
Le contre la montre par équipes est une épreuve très atypique qui mêle puissance et cohésion d’équipe. Une reconnaissance reste impérative sur un distance aussi courte. Chaque mètre est important, chaque seconde peut être cruciale. Tous le recoins du parcours sont propices à des gains de temps mais aussi à une perte de temps difficile à remonter.
Avant d’affronter le temps, les Men in Blue se rassemblent autour de Mickael Leveau pour le briefing. Tel un groupe de combat, ils se motivent, se montent tranquillement la pression.
» Se faire confiance dans les virages, virer vite, si crevaison on n’attend pas. » leur lance le DS Mickael Leveau
» Il faut se faire confiance, il faut lâcher les freins et débrancher le cerveau » lâche Camille Guérin.
Michael Leveau insiste « Surtout ne rien regretter. Tout donner et ne pas se dire que l’on avait encore de l’énergie, et encore de l’énergie. Tout le monde doit être à la limite de rupture, prêt à exploser »
Tic, tac, tic, tac… 18 h 18, c’est le grand saut. Le début de parcours en descente fait tout de suite monter le compteur de la voiture à plus de 60 km/h. Les « Men in Blue » sont lancés, Alexis Renard, le spécialiste du genre, emmène la troupe. Dans la voiture, Mickael Leveau (le ds) balance des indications précises à ses coureurs dans les oreillettes, qui lancés à vive allure seront pris dans cet effort commun. Les trajectoires, les relances, les passages difficiles à négocier ainsi que les parties où il faut écraser les pédales, tout doit être maîtrisé et analysé.
« Sur un parcours en faux plat au début, il est important de partir vite, pour ne pas regretter le temps perdu plus tard. Le plus dur du parcours se fait au début avec un enchainement de petits talus qui brulent les pattes et font monter le cœur dans la boite à gants. Les relais sont importants, il faut qu’ils soient courts et appuyés »
Les « Men in blue » enchainent bien les relais. Efficaces, ils filent à plus de 50 km/h. Les encouragements de leur directeur sportif sont tout aussi puissants : « On pousse, On pousse, les mains en bas du guidon » mais la toxine brûle les pattes. Les 5 coureurs restants s’arrachent dans les derniers kilomètres pour réaliser le meilleur temps possible.
A l’arrivée, l’équipe réalise un temps correct de 14 minutes et 52 secondes. Un chrono qui place les coureurs dans le milieu du classement de l’étape et individuel. Après quelques minutes de récupération active sur le vélo de route et une petite collation, le DS fait le débrief et souligne la bonne prestation de l’équipe : » Vous n’avez pas fait d’erreurs, vous étiez bien homogène » estime Mickaël Leveau.
Aujourd’hui, la 2ème étape, 181,1 km. Ca va flinguer, ça va bastonner et ses secondes auront elles encore une importance? On se file rencard lundi soir à Rostronen pour le savoir, au coeur de ce pays que l’on nomme le Kreiz Breizh.
Par ARTHUR FRAND