Il est une légende, membre de ce clan assez restreint de ceux qui nous ont fait rêvé. On se foutait alors qu’il soit Italien, Belge, Français ou d’ailleurs, il était cette idole aux 4 coins du globe et pas mal d’entre nous portaient alors le mythique maillot de la « Carrera » à cette époque.
Son nom nous rappelle les grandes heures du Giro, du Tour de France, de ces épiques duels, des classiques en enfer. Il était celui qui dansait sur les braises, celui qui mettait le feu à la plaine, au peloton, au cyclisme! Imprévisible, sa seule présence sur une course inspirait la crainte de vivre un sale moment pour les autres, résignés alors à chasser derrière celui que l’on surnommait alors « El Diablo », Claudio Chiappucci est son nom.
Vainqueur de Milan San Remo en 1991 après 180 km d’échappée, de la Classico San Sebastian 1993, meilleur grimpeur du Tour de France en 91 et 92, 2ème du général sur ces 2 Tours derrière Greg Lemond et Miguel Indurain et par trois fois sur le podium tout comme sur le Giro d’Italia où il fut meilleur grimpeur en 90, 92 et 93. En 91, il se contenta juste du maillot du classement par points, what else? …
« El Diablo » était de partout, sur les grands tours, sur toutes les classiques comme Paris-Roubaix, la Flèche Wallone où il fit 3ème en 91 et 93 où encore Liège Bastogne Liège en 94 où il termina 4ème. El Diablo courrait du mois de Février en octobre. Et dans son regard, l’envie farouche de gagner, de mettre le feu au peloton, quelque soit le terrain, quelque soit le temps, quelque soit le moment. La température montait quand il prenait part à une échappée au long cours, augmentant les celcius du thermomètre. Quand l’enfer lâchait son ange, El Diablo rentrait en scène.
A l’occasion de la 36ème édition du Tro Bro Léon le 22 avril, Claudio Chiappucci sera le parrain de l’épreuve et participera à la cyclo, la veille, le 21 avril en compagnie de tous. Il répond à l’invitation d’un autre Diablo, Jean Paul Mellouet, mais celui là venu des pays des Korrigans du Pays Pagan. Lui qui aimait tant les classiques de légendes, regrette de n’avoir jamais disputé ce « Fameux Tro Bro Léon » ou la « Strade Bianche » qui n’est âgée, elle, que de 12 ans…. La « Strade », une jeune fille comparé à la Doyenne des courses sur graviers Tro Bro Léon!
Claudio Chiappucci a répondu aux questions de Be Celt sur les raisons qui on poussé à venir El Diablo dans l’Enfer de cette course du bout du monde.
Ces chemins de terre empruntés, ceux que vous appelez ribinous, ce sont des courses que j’aurais vraiment aimé faire.
Claudio Chiappucci, pourquoi avoir accepté de venir sur le Tro Bro Léon, ici en Bretagne?
Claudio Chiappucci; » J’aime la Bretagne. J’ai gardé d’excellents souvenirs de ce pays avec un public si enthousiaste. Je me rappelle du critérium de Callac où j’ai terminé 3ème derrière Pascal Lino et Jacky Durand en 93, celui de Camors et l’histoire du Tour de France. A chaque fois, j’ai gardé un bon souvenir des Bretons et de leur passion pour le cyclisme. Le Tro Bro Léon n’existait pas en pro à mon époque et c’est bien dommage sinon je l’aurai disputé, pour tenter de la gagner bien sûr. C’est une course qui ne ressemble à aucune autre ou peut être à la Strade Bianche mais cette dernière est plus jeune. Ces chemins de terre empruntés, que vous appelez ribinous, ce sont des courses que j’aurais vraiment aimé faire. Donc oui, je sui vraiment content de revenir en Bretagne pour rouler sur ces ribinous. »
Bientôt Milan San Remo marquera le début des classiques. Sur cette dernière que vous avez gagné en 91, vous avez un favori pour 2019?
C.C; Bah! Tout est différent. A l’époque on partait de loin pour aller chercher la gagne. J’aimais ça, partir dès le début puis imposer un tempo. J’étais parti de très loin avec Sorensen et Charly Mottet. J’ai décroché Sorensen dans le Poggio et je me suis concentré que sur la ligne d’arrivée. Maintenant, c’est différent. C’est plus tactique avec les oreillettes et on se dirigera sûrement vers un sprint. Je vois un sprinter remporter Milan San Remo.
L’année dernière, Vicenzo Nibali a déjoué tout le monde en partant seul dans le Poggio. Tu imagines, le peloton lancé plein balle et qui n’a pas réussi à le rattraper. Un bel exploit mais c’est rare de nos jours ces arrivées sur la Primavera! Tu sais que j’ai une photo de Vicenzo tout jeune venu me demander un autographe? On le faisait à l’arrière de la voiture ces rencontres avec les fans, une autre époque comme je te l’ai dit mais quelle joie de le voir gagner cette course des années plus tard, oui quel joie!
Justement, Vicenzo Nibali sera t’il capable de gagner un autre Grand Tour selon vous?
Oui. Il prépare le Giro, il en a fait son objectif. Il ne fera pas le Tour de France d’ailleurs. Il peut le faire, il peut le remporter oui je pense. C’est un grand champion.
Sur le tour de France, les grandes équipes cadenassent la course. Sur le Giro, c’est plus imprévisible
Le Giro change de dimension auprès des coureurs, et surtout auprès du public. Sa popularité ne cesse de grandir. Comment l’expliquez vous?
Je pense que le Giro a su se remettre en question. Il a changé le profil des étapes et l’a rendu plus difficile. Avant, le Giro servait de préparation pour le Tour de France. Des coureurs viennent toujours pour ça mais de moins en moins pour préparer le tour. Pourquoi? Car il est plus ouvert, pus imprévisible. Le Tour de France est le Grand Tour où toutes les grandes équipes veulent y être pour le gagner car il est le plus suivi dans les médias donc une aubaine pour les sponsors. Du coup, ces grandes équipes cadenassent la course et la rende moins attrayante. Sur le Giro, qui a lieu en mai-juin, c’est beaucoup plus ouvert et les étapes de montagnes arrivent très tôt. Ca rend le Giro plus passionnant du coup.
On ne peut pas comparer les époques, c’est totalement différent désormais
A l’époque, on vous voyait dès le début de saison sur les classiques puis sur les grands tours. Julian Alaphilippe est aussi présent sur quelques classiques et sur le Tour de France. Un peu pareil que vous, non?
Non, c’est différent. Julian, qui est un beau coureur, se focalise sur certains blocs de courses comme tous les autres coureurs et non pas sur toute la saison comme nous le faisions tous à l’époque. Désormais, ils se font un calendrier suivant des objectifs bien précis et ils ne courent pas entièrement la saison pour pouvoir atteindre leurs buts. Nous, à l’époque, on se faisait la totale, un calendrier beaucoup plus long. J’aimais autant les classiques comme Paris Roubaix que les Grands Tours. On ne peut pas comparer les époques, c’est totalement différent désormais. Ensuite, je partais toujours de loin. Il n’y avait pas les oreillettes et l’on pouvait se faire des raids incroyables. Désormais, c’est différent, c’est un autre cyclisme.
Le Team « Carrera » reste toujours ancrée dans les mémoires avec un autre grand champion comme Stephen Roche. Porterez vous le maillot de la Carrera comme Stephen l’a fait sur le Tro Bro Léon en 2015
Oui, j’ai vu ça dernièrement que Stephen avait été parrain du Tro Bro Léon. Stephen était mon leader quand j’ai débuté. J’ai travaillé pour lui et j’ai beaucoup appris. Puis il est parti dans une autre équipe mais il est revenu à la « Carrera » au final. Mais j’étais devenu le leader et il a travaillé pour moi. Les rôles étaient inversés mais il a fait le travail comme un grand champion. La « Carrera » était une sacrée équipe et oui je viendrais avec le maillot bien sûr mais peut être le dernier modèle!
J’ai été le premier passager de Bruno Cornillet, ce coureur devenu pilote de ligne
Des anciens champions Bretons seront là à vos côtés lors de la Tro Bro Cyclo le 21 avril
C.C; Ah oui? Ok c’est bien ça. Il y en a un que j’aimerai vraiment revoir, c’est Bruno Cornillet. Ok, il roulait pour une autre équipe avec Greg Lemond chez « Z » en 90. J’avais porté le maillot jaune durant 8 jours et je l’ai perdu sur le dernier contre la montre. Mais c’était un ami même si il était chez « Z ». On m’a dit qu’il était devenu pilote de ligne chez Air France. C’est incroyable cette reconversion. Je me souviens même que j’ai été son premier passager, il venait d’avoir son brevet de pilote. Dans ce petit avion pour 3 personnes, j’étais derrière lui qui était aux commandes et on a traversé la France pour rejoindre le critérium de Lourdes. J’avais un peu peur au début mais il a piloté magnifiquement. Oui, Bruno si tu me lis, je te donne rendez vous sur le Tro Bro Cyclo (rires). Je te présenterai mon fils Samuele. Il joue au foot mais on va rouler ensemble pour la première fois sur le Tro Bro Cyclo. J’ai hâte de revenir vous revoir tous en Bretagne.