16h30 ce samedi je suis là, les pieds posés sur la table du salon en position du père peinard, à mater Milan San Remo sous la song de l' »Aventurier » d’Indochine (cela évite que certains commentaires tuent mon rêve) dans la lucarne de ma télé. A mes côtés, mon fils d’un an, quant à lui, reste stoïque, bouche bée, admiratif devant « Babar » qui bouge comme un damné à la moindre pression sur son corps de peluche, le grand Babar roi des éléphants! Et moi à 16h35, je reste stoïque, bouche bée, admiratif devant l’exploit d’un Français que l’on nomme « Loulou », le roi du peloton. Mon fils et moi avons ça en commun, ce besoin d’idole même si quelques décennies nous séparent…
Nous avons tous ce besoin d’avoir nos héros en chair et en os, ceux qui nous permettent et comblent ce besoin de rêver, de s’évader
Il était un temps où nous voulions tous ressembler, imiter nos idoles, de la lucarne de la tv, de nos bd, de ces héros légendaires ou cyclistes pour ma part. Chaque génération de coursiers avait la sienne tels Hinault, Bobet, Robic, Anquetil, Merckx, Poulidor, Fignon et maintenant Julian Alaphilippe ou Peter Sagan. Car nous avons tous ce besoin d’avoir nos héros en chair et en os, ceux qui nous permettent et nous comblent ce besoin de rêver, de s’évader. Et au delà de ces besoins, ll nous permet de tisser ce lien social humain, surtout dans une société qui se désintègre au fil des jours. Il nous permet de rouler avec Fernand, Firmin, Françis, Sébastien et puis Paulette comme le chantait Montand, en communion…
Le sport est aussi une fabrique à « Héros »
Quand nous avions 5 ou 6 ans, Superman ou Batman étaient nos idoles, ils étaient ces effigies collées fièrement sur nos tee-shirts, leurs posters iconiques tapissaient alors nos chambres. A l’adolescence, les rois de la musique comme Indochine et leur « Aventurier » ou ceux du sport comme un « Blaireau » prennent le relais, on change juste de décors. L’icône héroïque devient une sorte d’idéal qui nous aide à supporter nos frustrations d’ado, nous donnant envie de grandir, nous aidant à tracer un sillon vers notre objectif d’avenir, celui de devenir un « grand », ce rêve de gosse.
Le sport nous apporte toutes ces attentes, cette union qui soude notre communauté. Dans notre système social, le sport est aussi une fabrique à « Héros ». Il transmet des valeurs morales, celles du travail individuel ou d’équipe, du partage, de la pugnacité, de la bravoure et surtout de l’humilité (Le vrai héros de tous les temps est un humble). Le champion, ce héros, se doit d’être exemplaire, au delà de tous .
Des hommes devenus donc, le week-end nous permet de retrouver ses émotions après une semaine à l’usine, de revivre ces instants, cherchant même parfois une relique sanctifiée pour vénérer, sur cet autel de nos héros, ceux qui nous permettent de continuer à rêver et à espérer.
l’icône sportive a t-elle conscience du poids de son image sur une jeunesse?
Le sport éduque donc aussi, à sa manière, notre jeunesse et notre vie pour certains. Pour les plus jeunes, l’idole est fort, courageux invincible et surtout bon avec les siens. Il permet de donner un sens à des réponses sur cette fichue planète, leur donnant un espoir d’avenir dans un monde meilleur. Mais l’icône sportive a t-elle conscience seulement du poids de son image sur une jeunesse?
La France attend le retour de son héros tel Bob Morane, Superman ou de Batman, surgissant face au vent sur l’avenue des Champs Elysées dans cette tunique étincelante jaune
Mais au delà des héros, il y a les « super héros », ceux qui terrassent les « super méchants » à chaque duel. Dans le cyclisme, le dernier tricolore s’appelait Bernard Hinault, le dernier vainqueur du Tour de France il y a 34 ans (plus vieux que le christ super star, ce super héros vénéré dans un autre domaine). Depuis, la France attend, rageuse, le retour de son héros tel Bob Morane, Superman Batman, dans cette tunique étincelante jaune. En France, seul le tour de la nation compte, seul et seulement ça, nos guerriers ne sont seulement formés que pour la plus grande joute au monde!
Désespérément, les médias affamés pensent le revoir au coin d’une classique, d’un grand tour. Dès qu’un chevalier nous fait une échappée ou gagne une étape, c’est lui l’élu, il est revenu, ils en ont sûrs. Ils les voient déjà en haut de l’affiche aux Champs Elysées dans les années à venir et on l’espère toujours tous malgré tout. Oui, on s’y accroche à ce « putain » de rêve, depuis notre plus tendre jeune âge.
Dans le berceau du cyclisme, seul le tour de France compte, seul et seulement lui!
Mais dans le pays qui est aussi berceau du vélo, toujours pas de vainqueurs de Grand Tour, toujours pas de tunique jaune ou rose. Alors pour nos scribes, arguant la foule frustrée, les fautifs sont les hommes du « Doc Satan » les »super méchants » Britanniques, Italiens, Belges ou venus d’ailleurs, ceux qui cristallisent toute notre souffrance par son absence, ceux qui ne peuvent que gagner le combat qu’avec des super pouvoirs maléfiques (car nous seuls avons le pouvoir divin selon nos scribes tricolores qui racontent leurs histoires), viennent voler nos rêves de gosses, d’ados et de grands enfants que nous sommes restés dans ce monde où le rêve et le vivre-ensemble n’ont plus vraiment de place. Il suffit de regarder les articles et tweets de nos virulents nationaux commentateurs pour comprendre que le mot « vivre-ensemble » n’est juste qu’une utopie…
Alors à notre grand désarroi, les jeunes se détachent de ce monde sans super-héros médiatiques, cherchant cette icône ailleurs, sur une autre planète. Comment leurs en vouloir? Le coût financier de ce monde est devenu si prohibitif pour des parents vivants dans cette société en crise qui se divise, où les courses, les batailles se meurent chaque année,autant que les écuries des jeunes « chevaliers » qui ferment les portes, leurs montures dormant à jamais, emportant avec eux la voix des anciens et des légendes contées.
« Le déni de l’évidence est parfois si évident »
Certains résistent encore, ces « héros bénévoles ». Ils ont bien alerté l’Olympe mais là haut, au plus haut de cieux Français, c’est aux idoles de la finance, de la politique et à celles de l’argent que l’on s’adresse dorénavant, oubliant au passage celui d’une jeunesse, de ces bénévoles permettant celui d’un avenir. « Le déni de l’évidence est parfois si évident » (Emile Rivest).
En Belgique, Julian Alaphilippe (venu de l’Armée de Terre, cette équipe flinguée par son pays) nous redonne l’espoir que ce rêve ne se refermera pas encore.
Oui, on flippe « grave » ces dernières années que nos héros ne soient plus que des noms légendaires, utilmes chevaliers dans un monde d’autrefois… Mais voilà qu’en Belgique, Julian Alaphilippe (venu de l’Armée de Terre, cette équipe flinguée par son pays) nous redonne l’espoir que ce rêve ne se refermera pas encore. Ce chevalier qui, sur sa monture en carbone, nous brandit fièrement les armorieries de son équipe venue du pays de Brel ou de Merckx, bien au delà de nos frontières… On n’y croyait plus… On n’osait l’espérer… En partant chez nos voisins, celui qui ne rêvait pas de tunique jaune justement est devenu notre super héros en s’en sortant juste à temps!
Et voilà donc que, comme mon fils de 1 ans, je redeviens ce gosse planté devant les exploits de cet aventurier tel Bob Morane à la recherche de Mister Kali Jones, celui qui s’en sortira toujours à temps, tel l’aventurier solitaire!
Alors, si un jour vous vous retrouvez à tout hasard le long d’une route, encouragez les si fort à vous réveillez le coeur, ces héros du bitume ou de la boue, des pavés ou des cols et qu’importe leurs tuniques, histoire de réveillez en nous ces histoires et légendes endormies. Car en scandant leurs noms, c’est tout un monde, un système social que vous soutiendrez. Et vous réveillerez sûrement un super-héros tel l’aventurier surgissant soudain face au vent, le vrai héros de tous les temps…