A 31 ans, le Breton Yoann Corbihan (Hennebont Cyclisme) va tirer sa révérence de ce « monde » que l’on nomme cyclo-cross », et après 20 ans de carrière » comme il aime le dire! Oui, Yoann Corbihan n’est peut être pas un « Sven Nys » ou un « Francis Mourey « , oui peut-être, mais il a cette passion inégalée pour cet art de vivre, restée intact depuis son plus jeune âge. Le cross, il l’a croisé avant même l’apparition de ses premiers boutons d’acné sur son visage de minime. Dès leur première rencontre, ils ne sont plus jamais quitté, lui et ce « dirty bike ». Il est et restera ce passionné comme tant d’autres sûrement mais avec ce style si particulier pour le conjuguer au passé, au présent, au futur avec peut être un léger soupçon d’imparfait tant la passion lui brûlait le corps, mais il le conjugue avec virtuosité et surtout comme il l’aimait. 20 ans où son âme a brulé pour cette vie, même roulant sous la pluie, la grêle, contre le vent, la boue, le sable, les chutes et les défaites cuisantes. Ce cross était ce sport qui lui apportait tant de jours brillants dans la pénombre des chemins des sous bois. Et de cette pénombre, il en est ressorti vivant avec les yeux plein de lumières. Il était « Alive and kicking » comme le chante les « Simple Minds », il était en vie et bien vivant quand il chevauchait sa monture. Besançon sera donc son dernier championnat de France, sur ce circuit même où il avait terminé 9ème en 2016 et premier amateur. Certes, en 2019, il n’y va pas pour chercher le « bleu blanc rouge » mais il faudra compter sur lui pour se faire un dernier trip, un ultime baroud, un dernier shoot avant de foutre le camp vers d’autres cieux comme celui de s’occuper de ce que l’homme bâtit de plus beau dans une vie: la famille autour de sa fille Yaëlle.

Nous avons demandé à Yoann Corbihan quel était son bilan après ses « 20 ans de carrière »
Yoann Corbihan; » Ca y est, nous y sommes… Mon dernier France… Mon dernier trip à ce niveau.Oui, nous y sommes, quel chapitre dans ma vie! 20 ans après mes débuts, je tire ma révérence pour de bon mais je ferais encore quelques cross en Bretagne. Ca me fait tout drôle mais je voulais partir comme ça. Le cross m’a apporté tant de choses mais j’ai désormais une famille qui m’offre une vie formidable et un travail (dans le domaine agricole). Cette saison, j’ai eu beaucoup de chance car dans le domaine agricole, tu ne peux jamais prévoir ton planning à l’avance. Là, j’ai pu disputer quelques beaux cross le week-end mais c’est vraiment un coup de chance. Donc oui le France, sur ce circuit où j’ai terminé 9ème il y a 2 ans, je me devais de me tirer là je pense, histoire de conclure avec beauté ma relation avec ce sport qui m’a tant apporté. »
Tu as croisé ce monde à quel époque?
Ouchhh…. J’avais 11 ans je pense. Je débutais en minime. Et j’ai découvert ce drôle de vélo grâce aux bénévoles du club. J’ai flashé de suite. Le cross tu l’aimes dès ton premier regard, ta première expérience, les premières courses. Depuis, je ne l’ai jamais trahi, nous étions fidèles à nos rendez vous hivernales. Le dimanche, je faisais ma course et le lundi, je partais au travail le matin, les jambes et le corps un peu meurtri mais quel pied j’avais pris!
J’ai vécu de belles courses, vécu de grands moments, remporter quelques belles bagarres mais surtout je me suis fait plaisir
J’ai vécu une passion incroyable et je ne pourrais jamais oublié tout ces moments partagés avec les potes, le club d’Hennebont et tout le reste. Sérieusement, on s’est vraiment bien éclaté. Mais désormais, j’ai une famille et une petit fille qui se nomme Yaëlle. J’ai envie de la voir grandir chaque jour et d’être présent à leurs côtés, Le cross ne paye pas un rond, donc il a faut travailler à côté pour mettre les miens à l’abri. J’ai donc choisi de travailler dans le monde agricole, toujours un rapport à cette terre. Il faut se lever tôt et conjuguer cross et travail me parait impossible donc je choisi de tirer ma révérence du cross cette année. J »ai vécu de belles courses, vécu de grands moments, remporter quelques bagarres mais surtout je me suis fait plaisir

Cette saison, ta der, tu en penses quoi?
J’en penses quoi? J’en sais rien, je me suis fait plaisir une dernière année avec Kylian Etienne mon coéquipier. Je voyais que je coinçais. Je ne peux pas m’entraîner la semaine car je travaille très tôt et j’arrivais sur les courses avec aucun entraînement. Je n’avais plus le niveau d’avant mais je me suis vraiment plaisir.
Je pars avec tristesse car je pense que le cross, qui m’a offert 20 ans de bonheur, n’existera plus en France dans 5 ou 6 ans
Après 20 ans de cross, quel bilan tires tu ?
Sérieusement, je pars avec tristesse car je pense que le cross , qui m’a offert 20 ans de bonheur, n’existera plus en France dans 5 ou 6 ans. C’est le chant du cygne en ce moment je le crains, les derniers combats des guerriers.
Antoine Benoist est un grand champion mais si il veut en vivre, il faut qu’il parte en Belgique ou aux Pays Bas en élites
Ok, c’est sûr que l’on va dire que l’on refuse des cadets sur le départ des courses tant ils sont nombreux mais après, il se passe quoi? Rien, ils sont de moins en moins en espoirs, et il n’y a plus qu’un petit peloton d’une trentaine de gars en élites et toujours les mêmes qui plus est. Il n’y a plus que dalle pour permettre aux jeunes de continuer leurs rêves après les juniors. Antoine Benoist est un grand champion mais si il veut en vivre, il faut qu’il parte en Belgique ou aux Pays Bas en élites. En France, il n’y aura plus rien. C’est con de dire ça mais le cross je l’aime tant et dans 5 ou 6 ans, il n’y aura plus rien et ça m’attriste profondément. »
Une analyse pessimiste…
Oui, mais c’est la réalité. Les jeunes viennent par centaine en cadets. En juniors, ils restent encore mais ensuite en espoirs, ils savent que tout est fini, car les équipes ne suivent pas en élites. Ils savent que les belles promesses se sont envolées. Des gars comme Steve Chainel avec Team Chazal Canyon, tentent de faire perdurer le flambeau en espoirs mais il a peu de moyens pour y parvenir.
Il n’y aura plus personne après le départ de mecs comme Steve ou Matthieu, je le crains
C’est énorme ce que fait Steve mais il est un peu seul et il n’a pas beaucoup de soutien de la part de la fédération ou des médias. Mais ensuite, en élites, c’est mort… Oui ce n’est plus possible de continuer à haut niveau. Quand tu vois des mecs comme Matthieu Boulo qui ont monté avec des fonds privés leurs propres structures pour pouvoir continuer la saison, le travail de fou qu’il y a investit, ça ne donne pas envie de rêver pour les jeunes. Il n’y aura plus personne après le départ de mecs comme Steve ou Matthieu, je le crains… Et plus de coureurs, plus de cross..
Ok, mais as tu des solutions pour y remédier?
Peter Sagan vient du VTT, Julian Alaphilippe vient du cross, Stybar du cross, Van Aert et van der Poel du cross mais on continue, chez nous, à ignorer les apports énormes des sous-bois
Des solutions? Non pas vraiment. Tant que la fédération nous lâche et que les médias nous boudent, il n’y pas vraiment de solutions. Peut être une: que les clubs régionaux recrutent 2 ou 3 gars pour le cyclo-cross en élite. Ca permettrait d’aligner un bon peloton et de pouvoir se tirer vers le haut. Mais même dans les clubs, ils ne prennent plus de crossmen. Pourtant, c’est une belle école pour le cyclisme plus tard.
Peter Sagan vient du VTT, Julian Alaphilippe vient du cross, Stybar du cross, Van Aert et van der Poel du cross mais on continue, chez nous, à ignorer les apports énormes des sous-bois pour les coureurs. On s’en fout et on le laisse crever. Alors que si déjà les clubs commençaient à recruter 2 ou 3 gars, ça changerait pas mal de choses. Un peloton plus grand, un niveau plus élevé et des jeunes qui auraient des espoirs pour le futur. J’ai la chance d’être à Hennebont Cyclisme. Le président Cedric Le Ny nous donne l’occasion à moi, Kylian Etienne et le jeune Gwendal Le Du qui a un sacré potentiel de le pratiquer mais vu l’état de notre cross tricolore, je n’y crois plus…
Et si les cross passaient en C1 ou C2? pour faire venir des étrangers en France
Oui, c’est une solution aussi. A la Meziere, ce qu’à fait Nicolas Le Breton était carrément génial, il y a fait venir le champion du monde Wout van Aert. Rien que lui a fait déplacer une foule considérable. Il y a un public de masse mais les médias télés nationaux ne viennent toujours pas. Alors si plusieurs étrangers venaient en France pour des C1 ou C2, ça serait génial. D’une pour les crossmen Français car on pourrait enfin relever le niveau en se mesurant aux meilleurs et ensuite pour les sponsors car c’est vraiment très suivi par les médias étrangers comme les Néerlandais, Belges puis maintenant Américains et Britanniques. Passer en C1 et C2 au lieu de courir entre nous, bien sûr que le niveau serait nettement meilleur et que le public serait là. Il nous faut juste du soutien de la part de tous pour faire rebattre ce coeur.

Quels sont tes meilleurs moments?
Uffff… Il y en a tant. Ma 9ème place aux France en 2016, et les voyages à travers le monde comme le cross de Las Vegas avec Matthieu Boulo. Aux USA, le cross prend de l’ampleur, c’est la fête durant des jours avec des courses tout le temps, des courses par dizaines et par jour, un truc de fou. Le cross m’a offert tant de souvenirs que je garde là, au fond de mon cerveau…
Je resterai auprès d’Hennebont Cyclisme pour la formation des jeunes
Ton futur?
La famille et le travail. Mais je resterai auprès d’Hennebont Cyclisme pour la formation des jeunes. Je me souviens que tout jeune, quand j’étais ce minimes, des gens m’ont fait découvrir et aimer ce sport. Je resterai donc au sein d’Hennebont Cyclisme en tant que formateur, avec mon vécu et mes expériences à leurs transmettre.
Photo en-tête par ANNE SOPHIE SALAUN PHOTOGRAPHIES