Pilote au sein d’ASO, l’ancien champion Joël Pelier nous fait part de son analyse après ses 2 semaines de Tour.
« Voilà, 2 semaines de ce Tour qui se sont déjà écoulées… Et cet après-midi, les Pyrénées nous ont offert un beau spectacle. Julian Alaphilippe, qui ne cesse de répéter qu’il n’est pas un grimpeur, remporte sa 2 ème étape en montagne avec ce panache incroyable. Sur son dos, ce maillot à pois … Non Julian, tu n’es pas un grimpeur effectivement (je tousse), tu es ce vrai champion capable de gagner sur tout les champs de batailles, et avec ces tripes.
Sinon dans le peloton du top 10, ca sent le stress, ca suinte la sueur provoquée par cette peur d’attaquer le Team Sky sous peine de perdre sa 5, 6 ou 9ème place du général. Dan Martin a raison, on ne se souvient que du vainqueur et jamais des autres… Alors attaquez bordel! Aujourd’hui, il y aura 65 km de course, une distance de cadet. Rappelez vous quand vous aviez cet âge… Vous vouliez devenir ce grand champion, vous aviez ce rêve de faire connaître votre nom au 4 coins du globe, histoire de foutre un peu le boxon. Vous vous en rappelez? Alors demain soyez de nouveau ce gamin, faîtes tout péter car elle sera votre dernière chance de devenir une légende sur ce tour 2018. Demain, retrouvez ce cœur de 15 ans!
Enfin, je regarde ce classement général et quelque chose me frappe tout de même parmi les 4 premiers. Aucun d’eux n’étaient vraiment de purs grimpeurs à l’origine. Ils avaient, certes, des capacités mais l’ascension des cols n’étaient pas encore leurs points forts. Ils avaient, cependant, cette aptitude au contre la montre. Hinault a raison, si tu n’es pas bon dans le chrono, tu ne pourras jamais remporté un Tour de France.
D’où vient cette aptitude? Thomas vient du monde de la piste. Il y a travaillé sa puissance, ses trajectoires, son corps. Froome vient du VTT, Dumoulin est simplement un phénomène physique qui était déjà bon dans l’art du chrono. Roglic vient du ski (saut à ski), il y a travaillé son endurance et l’art du profilage. Julian Alaphilippe avait été très bon en cyclo-cross. Regardez comment il se tient sur sa machine et son explosivité, des réflexes et des acquis venus de là bas.
jamais plus un pur grimpeur ne pourra gagner un Tour de France
En France, on fait tout à l’envers. On délaisse ces disciplines et on ne se focalise que les jeunes qui grimpent bien, ceux issus de la route et seulement qu’eux. Permettez moi de constater qu’on ne pourra jamais faire d’un grimpeur pur un excellent maitre du chrono, jamais plus un pur grimpeur ne pourra gagner un Tour de France. Par contre, on peut changer un poursuiteur en excellent grimpeur, un crossman en grimpeur et même un puncheur comme l’était Laurent Jalabert à ces débuts pros en meilleur grimpeur du Tour comme il le fut. Mais non, chez nous en France, on continue à foncer dans le mur et à s’entêter à ne rester qu’autour des grimpeurs et tant pis pour les autres. Et chez les autres, il y a sûrement ce futur vainqueur du Tour que l’on ne verra jamais si ca continue ainsi…
Regardez les Néerlandais, les anglais, les australiens. Ils sortent d’où leurs jeunes? Des montagnes du Kilimandjaro? Non, du cross, du vtt, de la piste. Ces écoles qu’on laisse crever en France, elles sont pourtant les meilleures apprentissages à l’étranger, de celles qui forment les futurs vainqueurs du tour….
Vous vous en rappelez de ces anciennes valeurs?
Bordel! N’oublions pas nos anciennes valeurs. Tentons de les conjuguer avec la technologie actuelle. Vous vous en rappelez de ces anciennes valeurs? Celles que nos gloires allaient apprendre autour d’un vélodrome ou dans la gadoue d’une forêt ou d’un champ de betteraves. Je vous parle de ce temps où la France avait ce socle bien solide qui faisait gagner nos champions. Regardez en face, au delà de nos frontières, de celles du berceau du cyclisme…Ils ont appris notre histoire, décortiquer notre culture pour la mélanger avec la leur et ils la conjuguent formidablement bien dorénavant!
Alors aujourd’hui, ne pensez plus comme un mathématicien ou un ingénieur. Mais courez avec vos tripes et ce cœur de cadet, au bon souvenir de ceux qui vous ont appris les bases de ce cyclisme il y a bien longtemps, quand vous rêviez de devenir une légende. »
Joël Pelier