Voilà déjà 30 ans qu’il commente la scène cycliste aux 4 coins de la France. Le Breton Eric Le Balc’h est devenu au fil des courses, de ces épiques batailles, la « voix » du cyclisme breton. Il est de ces passionnés de cet art de vivre, ce « dico » de l’histoire du cyclisme « made in BZH ». Lui même ancien coureur au sein de l’équipe Coatserho, près de Morlaix, jusqu’à l’âge de ses 20 ans, il n’a jamais pu quitté ce milieu. Il l’a dans la peau, dans la voix. Devenu speaker, il a vu grandir ces champions, il les a connu, narrant leurs exploits sur toutes les courses. À sa grande tristesse de celles disparues à jamais, de celles qui se font un nom à sa plus grande joie.
La voix d’Eric Le Balc’h résonne désormais par dessus nos contrées. Elle s’entend du cyclo-cross de Gouesnou et des ribinous du Tro Bro Léon, de Lanarvily en passant par le centre Bretagne du Kreiz Breizh pour résonner ensuite sur les routes d’un Tour de France (son 12ème cette année). Au fur et à mesure des années, il partage sa passion devenue aussi la nôtre. Capable de vous citer le CV d’un junior du pays du Léon tout comme celui d’un champion de classe mondiale. Il aime ce sport… pardon, cet « Art de vivre ». Pour ce témoin de notre histoire : « il n’y a pas de petites ou de grandes courses ». Si un jour vous entendez celle-ci grésiller sur un podium, dîtes vous alors que ça fait 29 ans qu’elle accompagne notre histoire. Il est notre mémoire et celle d’un cyclisme qui a tendance, parfois, à perdre la sienne ! De ces courses passionnées par ses speakers perchés sur leurs estrades, captant ces moments qui deviennent dès lors une partie d’eux-même, une partie de nous. Et là-haut, de cette place, ils n’en choisiraient aucune autre.
Comment es-tu parvenu à devenir speaker ?
Eric Le Balc’h : « J’ai découvert le cyclisme tout gamin. Je suis devenu coureur par chez moi au VC Coatserho et à l’EC Plestin. Je te parle de ça, c’était dans les années 80. J’ai tout de suite aimé cette ambiance, ce monde et ces légendes. Je feuilletais tous les articles du « Miroir du cyclisme ». Mais je ne pensais pas devenir speaker.
C’est en 1988 que j’ai fait ma première animation à Plouzélambre dans les Côtes d’Armor puis j’ai enchainé grâce au soutien du speaker de Rostrenen Pierre Thomas qui était une référence dans le milieu. Ça a été le déclic et j’ai franchi le pas. J’ai eu ma licence de speaker officiel en 1989. Il n’y pas d’examens pour ce travail, n’importe qui peut le faire du moment que tu as cette passion et que tu puisses la faire partager au public. Tout a débuté comme ça. »
Qui sont tes références parmi les speakers ?
Eric Le Balc’h : « Comme je te l’ai dit, il y a eut Pierre Thomas mais aussi Loic Le Bourrais Jean-Yves Fichoux, Jean-Paul Pailler,Jean Gillet.et Michel Cann qui était le speaker officiel de la Mi-Aôut Bretonne. Ils avaient cette prestance sur le podium, ils pouvaient te citer n’importe quel palmarès sans fiche et ils avaient cette passion dans les yeux comme l’a toujours Daniel Mangeas que je connais depuis les années 80. Daniel n’était pas encore cette légende qu’il est devenu. Après toutes ces années, Il est resté le même, humble et proche du public. Tous ces hommes sont plus que de simples références, il sont aussi mon inspiration. »
En 29 ans de carrière, quels sont tes plus beaux souvenirs ?
Eric Le Balc’h : « Les premiers Tours de France bien sûr. J’ai effectué en 2017 mon 12ème Tour de France. Les premières années, j’étais en ouverture de la caravane du Tour qui précédait les coureurs de …1h30. Mais Il y a de belles courses qui m’ont vraiment marqué comme Paris-Rouen, Paris-Tours le critérium de Levallois-Perret (92), le G. P. de Plouay professionnel, la Ronde de l’Oise, les Boucles de l’Aulne à Châteaulin et plusieurs championnats de France en compagnie de Daniel Mangeas. »
La course qui t’a marqué le plus ?
Eric Le Balc’h: « J’aime toutes les courses et il n’y en a pas de petites ou grandes à mes yeux. J’ai toujours cette même passion depuis 29 ans, elle est et sera toujours en moi. C’est comme lorsque je commente un Tro Bro Léon, ça me donne des frissons. Ce jour-là, depuis 20 ans déjà, on la vit en nous et on tente de partager ce moment d’émotion intense au public quand je suis sur le podium avec Daniel. Mais j’ai quand même un grand coup de coeur pour des épreuves en particulier. C’était d’abord la Mi Aôut Bretonne et l’Essor Breton qui lui existe toujours. J’ai vraiment un réel attachement pour cette course. Normal, je suis Breton et elle fait partie de notre patrimoine. »
Les coureurs qui t’ont le plus marqué?
Eric Le Balc’h : » Il y en a tant. Tous peut être. J’ai énormément de respect pour ces champions, tu restes souvent pantois devant leurs styles, leurs classes, les exploits. Mais il y en a tout un que j’admire beaucoup. Pas un vainqueur du tour de France mais un véritable champion. C’est Maurice Le Guilloux qui a été l’un des fidèles lieutenants de Bernard Hinault avant de devenir DS chez Toshiba. Ce gars a gagné de belles victoires avec un certain panache.
J’ai une admiration pour ce champion Maurice Le Guilloux
Il n’a pas forcément un palmarès qui parle pour lui mais tout de même. Il a claqué l’Etoile de Bessèges ou une étape sur le Dauphiné entre autre. Il partait faire chaque année le mythique Bordeaux Paris tout juste après avoir terminé le Giro. Les gars partaient alors pour 600 km. Maurice Le Guilloux le faisait à chaque fois et en tête qui plus est. Il a terminé 2 fois 2 ème en 82 et 84 et une fois 3ème en 81. A cet époque, ces champions étaient des bêtes dans le sens noble du terme. Après le Tour de France, ils partaient se bouffer 45 critériums. Maurice Le Guilloux est ce genre de champion, un véritable guerrier de la route. Je me souviens de son échappée sur le Dauphiné Libéré en 78. Il remporte l’étape après plus de 200 km devant seul, tu ne vois plus ça maintenant. Maurice est de cette trempe de champion qui te marque à jamais. Il est resté humble qui plus est et c’est toujours un véritable plaisir quand je le vois. »
Quel est la différence entre le jeune cycliste des années 90 et celui des années 2000
Eric Le Balc’h: « Je trouve que ceux de maintenant ont plus de mérite car ils ne gagnent plus d’argent du tout. A l’époque, il y avait des primes partout et les coureurs pouvaient se faire cinq mois de salaire sur une simple course régionale. Désormais, ils le font pour quasiment rien voire rien du tout. Ils vont au charbon avec cette passion et rien d’autre sinon l’espoir qu’un manager de team pro se penche sur leurs performances. Sur ce point, je trouve que les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup de mérite. »
Le cyclisme perd de ses sponsors, perd de ces courses. Tu as assisté à cet étiolement de notre sport. Quels en sont tes conclusions ?
Eric Le Balc’h : « Il y a en plusieurs. Déjà pour aider les organisateurs, je me demande pourquoi les communautés ou les communes ne se proposent pas de les aider vraiment. Quand tu vois des mecs comme Alain Baniel qui a beaucoup de mérite dans le Centre Bretagne. Il a le privilège d’avoir à ses côtés des collectivités qui le soutiennent fortement. Il met en avant le savoir-faire de ce coeur de la région par ces entreprises locales, ses artisans. En revanche dans d’autres secteurs de la Bretagne, les collectivités s’impliquent beaucoup moins. Si ces dernières pouvaient le faire en proposant des produits et des services, elles ne pourraient que grandir encore plus et dépasser le cadre de la région. Regarde le nombre d’équipes étrangères qui y viennent sur ce KBE, elle est déjà connue à l’étranger et a dépassé les frontières de la Bretagne. Il faudrait un meilleur soutien des communautés et des collectivités pour sauver ce qu’il reste a sauver. »
Les entreprises « sponsors » reprochent parfois aux organisateurs un manque de communication…
Eric Le Balc’h : « Oui, c’est un peu vrai mais les organisateurs tentent de remédier à ce problème. Ce sont souvent des anciens, animés par une passion sans faille, et qui n’ont pas le temps forcément de se pencher sur internet car ils courent par monts et par vaux pour chercher leurs sponsors. Ils misent encore beaucoup sur la presse papier qui était très influente dans les années précédentes. Mais ces derniers temps, dans le staff d’organisation, les jeunes reviennent et ils sont particulièrement doués avec ces nouveaux outils de communication comme Twitter, Instagram, Facebook et les sites de cyclisme. Ça arrive doucement mais ça arrive. »
Cette nouvelle forme de communication qu’est internet a donc une place au sein des organisations de courses…
Eric Le Balc’h: « Bien sûr, de plus en plus. De nos jours, la presse n’a plus autant cet impact qu’elle avait auprès du public. Les jeunes ne lisent plus sur le papier mais sur le net, principalement les sites spécialisés. Moi même je n’achète plus de journaux, on va tous directement à la source. Quand tu regardes le « Télégramme » par exemple, son format a diminué et la place du cyclisme s’avère de la sorte moins conséquente. Du coup, il y a moins de communication pour nos épreuves locales, moins de lecteurs et donc moins de sponsors car peu de visuel justement »
Donc une plus grande importance au net..
Eric Le Balc’h: « Oui. La presse étant moins présente, Il nous faut donc miser aussi sur le numérique et les sites de cyclisme et pas seulement que sur la presse papier pour toucher le public le plus large. C’est là principalement sur le net que les gens viennent dorénavant pour les informations, interview et les directs. Une épreuve se doit d’avoir tous ces outils mais intelligemment gérés pour se mettre en valeur et se faire connaitre. »
Penses-tu que le cyclisme amateur soit en danger ?
Eric Le Balc’h; » Non. On traverse un grave crise oui c’est sûr mais il y aura toujours des courses dans le futur. Mais maintenant, on doit lutter contre une panoplie de sports que l’on voit émerger dans ces nouveaux médias. Ils arrivent avec une meilleure communication et les jeunes n’ont que l’embarras du choix. Il est temps pour nous de changer la formule je pense. Quand je regarde ce qu’on fait les Estivales Bretonnes, je pense que c’est une belle idée qui peut se développer à long terme. On ne peut plus vraiment vendre notre cyclisme comme on le faisait avant, il nous faut impérativement savoir nous adapter à notre époque et rafraîchir un peu tout ça. C’est vraiment bien de voir pousser les sites internet qui sont devenus très consultés. Plus vous êtes nombreux et mieux c’est pour notre sport. Je vous le dis car lorsque je commente une course, je cite tous les sites qui traitent de l’épreuve même si parfois il m’arrive d’avoir un oubli mais le site oublié me le fais immédiatement savoir (rires) ! »