L’ancien vainqueur d’étape sur le Tour de France, sur Paris Nice et porteur du maillot jaune du Dauphiné, Joël Pelier, est notre correspondant sur cette édition 2018. L’artiste devenu sculpteur et pilote pour ASO nous adresse chaque soir sa missive de l’étape du jour, son carnet de bord.
« Un Français claque de belle manière devant Dan Martin et Geraint Thomas, rien que ça!. Putain (je m’excuse de ce langage quelque peu déplacé mais l’inverse ne serait moi), quelle étape! J’aurai presqu’envie de prendre la place du coq demain matin et de péter un « Cocorico » pour réveiller le peloton à la mode Française mais qu’importe la nationalité du coureur, après tout on s’en fout tant le spectacle était simplement et noblement BEAU.
J’ai vu cet Italien de Dario Cataldo combattant, de ce genre de barge qui ne lâche rien, ce ceux qui nous font du bien à la gueule. Parti avec l’échappée matinale, il se tire au sommet du Mont Noir seul contre tous avec plus de 40 kilomètres à se farcir face à des cadors qui ne vont rien lui laisser. Ca il le sait et malgré tout il y va, au courage et au panache sous ce déluge envoyé par les Dieux! Qu’importe, il continue sa quête impossible, celle de sa conquête du Graal qu’est la victoire d’étape. Qui ne tente rien n’a rien et il a raison d’y croire, la race des champions Dario Cataldo. Je suis en voiture dans ce convoi, les essuie-glaces en mode rapide, je ne vois pas à 10 mètres et j’ai une pensée pour tous ces gars sur cette route détrempée.
Oui mais voilà, sur ce plateau de l’Olympe, les cadors s’étaient donnés rendez vous. Cataldo nous livre un solo avec toutes ses tripes dans cette montée vers Lens en Vercors, plus rien n’existe dans la tête de l’Italien sauf cette maudite ligne d’arrivée ( Je le sais, je l’ai vécu). Derrière, le jeune Anglais Tao Geoghegan Hart nous joue un sacré numéro en emmenant son team SKY. Il réduit l’écart sans paniquer, à la pédale et s’écarte à seulement 1 kilomètre du final. Ce gamin qui m’avait déjà marqué lors de sa victoire sur Paris Roubaix Juniors est un futur grand. Au service de ses leaders en ce moment mais un jour, c’est lui qui mènera la danse en Enfer, j’en suis persuadé!
Puis c’est au tour de Guillaume Martin de lancer son attaque et celle là va décimer ce qui reste de ce groupe de survivants, et crucifiant au passage Dario Cataldo. Martin est suivi par son homonyme Dan Martin avec Geraint Thomas, Romain Bardet et Pierre Latour. Crucifiant Cataldo, le héros malheureux, on se dit alors que Dan Martin va l’enlever mais un autre Français avec Julian Alaphilippe déboule à 350 mètres, pour l’emporter avec cette rage, ces tripes et cet instinct qui caractérise tant les grands.
Aujourd’hui, j’ai assisté à une première étape de montagne qui nous laisse présager un week-end des plus débridés. Cataldo, Guillaume Martin, Dan Martin ou Julian Alaphilippe nous ont mis le feu sous ce déluge! Personne ne peut prévoir le vainqueur même si les Sky ont l’air de contrôler. Non personne car il est un peu fou et imprévisible ce Critérium. Et qui sait? Peut être que Moreau aura enfin un successeur!
Les mecs osent et se déchirent pour aller chercher la victoire! Ce n’est pas peut être gagnant pour certains aujourd’hui mais à force, oui les bras se lèveront pour ces derniers, ce n’est que partie remise. Astana avec Stalnov nous avaient déjà impressionné sur la 2ème étape, son coéquipier Cataldo nous a encore fait rêver encore aujourd’hui. Ce team d’Astana a la fougue de son pays Kazakh, du panache et ce nécessaire grain de folie. Le résultat est là, regardez toutes les victoires cette saison! Un peu fou n’est ce pas?
C’est ça le cyclisme, la baston, l’orgueil et la rage au combat ! Après ce que disent les « puristes », je m’en fiche, je ne suis qu’un cycliste. Aujourd’hui, ils nous ont fait rêver et j’ai assisté à une belle étape de montagne, de celle qui plait au public aussi, c’est ça l’important au final. Ces gars là font du cyclisme, du vrai! Avec ce style un peu dingue et cette douce folie qui m’avait emportée, aussi, un jour de juillet 1990 sur le Tour de France.
Voilà, ce n’était que le hors-d’oeuvre au festin du diable, que nous réserve alors le plat de résistance? J’ai hâte d’arriver au dessert. Le tout accompagnée d’une bonne rasade de fraîcheur, de ce cyclisme qui nous fait du bien à la gueule. Allez que Diable, emportez-nous! »
Joël Pelier