Sur chaque étape, l’ancien professionnel Joël Pelier, vainqueur d’étape sur le Tour de France, porteur du maillot jaune sur le Critérium du Dauphiné en 1986, nous livre ses impressions sur l’étape du jour. Pilote au sein d’ASO, le Franc Comtois regarde ces coureurs avec son oeil de champion.
» On s’attendait à une arrivée au sprint et c’est ce qui est, donc, arrivé, sans surprise. Une belle étape mais j’ai eu ce gros coup de coeur, depuis le début de ce critérium, pour le Team Vital Concept. Depuis 2 jours, ils se donnent à fond pour leur leader Bryan Coquard et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ ils ne lésinent pas sur les efforts. Ce n’est peut être pas une écurie à la sauce « Sky » sur le papier mais putain ce qu’ils se donnent ces jeunes! Alors que je n’ai pas trouvé SKY si dominatrice pour essayer de protéger leur leader, j’ai vu, par contre, une équipe Vital Concept généreuse dans l’effort, fière et belle dans la bataille !
Des jeunes comme Ermenault ont sauté mais il faut savoir qu’ils ont fait un sacré boulot avant ce fatidique saut. C’est beau de voir ça, ce sacrifice pour le team, pour le maillot!
A notre époque, les gens veulent du résultat de suite. Merde, une jeune équipe faut la laisser mûrir pour qu’elle puisse grandir sereinement. Ils ont fait un sacré boulot en tête de peloton depuis 2 jours et ils sont mal récompensés je pense. Peut être que Bryan Coquard n’est pas en forme cette semaine, ça arrive à tout le monde, mais ils ont tout tenté pour l’emmener au sprint. Ils n’ont rien à se reprocher, ils étaient là, ils se sont battus avec honneur !
En France, on met trop de pression sur les coureurs. Dès qu’un mec marche, on attend énormément de lui. J’ai travaillé à l’étranger et ailleurs on ne met pas cette pression sur les épaules des gars. Laissez les apprendre, laissez les mûrir et vous pouvez être sûr que les victoires viendront mais sachez être patient, bordel! J’espère qu’ils sont bien encadrés mentalement car je pense qu’ils ne peuvent qu’être déçus après tant d’efforts, ils faut les réconforter plutôt! Mais j’ai envie de leurs dire « Soyez fiers, vous avez tenté! »
Sinon, j’ai ressenti de la chair de poule quand j’ai vu ces gars remontant sur leurs machines après des chutes assez impressionnantes comme celle de David Gaudu hier et Michal Kwiatkowski aujourd’hui. Ca, c’est le cyclisme. Tu donnes tant de sacrifice, tant d’efforts que l’abandon n’est pas dans ton vocabulaire. Ca me fait penser à François Lemarchand qui n’abandonnais jamais et même si la voiture balai n’attendait que de l’avaler. Tu n’abandonnes jamais malgré ces sales moments. Aujourd’hui, ils en ont chié grave mais demain qui sait ce que l’avenir réserve? Peut être que ces mecs qui perdent le maillot ou du temps sur une chute, ensanglantés sur leurs vélos, lèveront les bras sur une étape plus tard. Le Critérium n’est pas fini, il reste encore bien des batailles.
En conclusion, sur les 2 premières étapes avec Julian Alaphilippe, la chute de David Gaudu, celle de Michal, les efforts de Vital Concept, j’ai pensé fort à mon mentor, j’ai pensé au Vicomte Jean De Gribaldy qui nous disait alors quand nous étions jeunes coureurs; »Le cyclisme, ce n’est pas un jeu. C’est un sport dur, terrible, impitoyable qui exige de très gros sacrifices. On joue au football, au tennis, au hockey mais on ne joue pas au cyclisme ». Ces gars ont appliqué merveilleusement cet adage sur ce critérium. Jean aurait aimé cette partition 2018 !
Joël Pelier