Samedi 14 octobre, je me rends sur le critérium des champions d’hier de Pipriac pour mon premier reportage. J’ignore un peu à quelle sauce ces champions vainqueurs du Tour de France, ces porteurs du mythique maillot jaune , vont me manger. Du haut de mes 17 ans, je ne connais leurs exploits que par les livres, les magazines et sur les différents reportages dans la lucarne de la télévision. L’un d’entre eux est le dernier vainqueur tricolore de cette grande boucle. Notre « rédac » de Be Celt m’envoie interroger « The Badger » (le blaireau dans la langue de Molière, mais chez Be Celt on le nomme à l’Irlandaise). Mon père m’en a parlé, de ce champion au caractère bien trempé, capable de partir seul en tête avec la tunique jaune sur les épaules. Je connais de nom « la légende » et ses exploits. Il est le dernier. Mais je sais aussi qu’il peut aussi bien vous balayer d’une seule phrase et vous laissez comme un « con » si la question lui paraît dénué de sens. Il est Bernard Hinault, quintuple vainqueur du tour, un palmarès jamais inégalé dans le cyclisme actuel. Champion du monde, 3 Giro, 2 Vuelta, vainqueur de 2 Liège Bastogne Liège jusqu’à perdre la sensibilité de quelques doigts à jamais. Il est ce roc et il vaut mieux être encore meilleur que lui et muni d’une sacré paire de « coronés » pour se dresser devant lui. Il est aussi ma première interview.
Bernard Hinault, vous êtes toujours fidèle à ce rendez vous de Pipriac, pourquoi ?
Bernard Hinault; « Je pense que c’est une belle occasion. On se retrouve tous entre anciens coureurs. Il y en a certain que l’on ne voit pas pendant des années et des années et c’est vraiment un bon moment de nous revoir tous et de prendre des nouvelles de uns et des autres. »
J’ai 17 ans et je n’ai jamais connu la joie de voir un français gagner le tour de France. Vous pensez qu’un jour je puisse vivre un moment pareil?
Bernard Hinault; » (Rires). Il n’y a pas de raison je pense. Mais actuellement, nous n’avons pas le champion qui sort du lot avec des capacités en montagne et sur le contre la montre. Malheureusement, si on ne domine pas dans l’une ou l’autre des deux spécialités, on n’aura pas de vainqueur du Tour. »
Romain Bardet?
Bernard Hinault; » Romain ne pourra pas le gagner. On sait très bien qu’il peut ne gagner quand faisant ce qu’il a fait à Saint Gervais, en attaquant dans une descente parce que Froome ne se relève pas. Et quand Froome ne se relève pas , qui gagne? Et bien c’est lui. Il faut oser et attaquer pour gagner. Il faut prendre des risques au risque de se perdre eux mêmes. C’est ça le jeu, c’est ça la course ! »
Un autre coureur français peut être?
Bernard Hinault; » Non, il n’y en a pas un actuellement. Il faudrait qu’il commence à jouer dans les grandes classes. Ce n’est pas gagné mais tu vois dans les belles courses belles courses à travers le monde, on ne l’a pas encore trouvé?
Warren Barguil?
Bernard Hinault; » Warren n’a pas les capacités en contre la montre. Si il a les résultats cette année qu’il a obtenue en montagne, c’est parce qu’il était loin au général et que les autres l’ont laissé faire. Mais c’est ce qu’il faut qu’il fasse de toute façon. Il ne faut pas qu’il cherche à gagner le tour. Il a gagné les plus belles étapes du tour cette année. Ca ne sert à rien de chercher un podium. Si il gagne comme ça, ça restera dans nos mémoires. Mais si il cherche une place sur le podium, il n’aura rien, il ne gagnera rien du tout. C’est tout ! Il faut se rappeler ce qu’avait fait Virenque il y a quelques années. De belles étapes et il a gagné 7 fois le maillot de grimpeur, c’est tout ! Warren peut le faire ça mais je ne vois pas comment il peut gagner le tour. Ou alors comme Romain, il faut qu’il attaque dans les descentes au risque de tout perdre Si un français veut gagner le tour, il doit oser au risque de tout perdre. Il faut oser, c’est tout ! »
ITW par Arthur Frand/Be Celt