Photos Arthur Frand/Be Celt
Hier à Pipriac, en Ille et Vilaine, je me suis rendu sur le critérium des champions d’hier. Et j’ai enfin vu ces légendes dont me parlait mon père. Pour cause, je n’ai que 17 ans tout juste et ces guerriers ont remporté les plus belles épreuves du mondes dans les années 80 quand mon père était encore lui même un adolescent. Je n’ai jamais connu la joie de voir un français remporter le tour de France mais hier, j’étais face à Bernard Hinault le quintuple vainqueur et le dernier tricolore à le remporter en 1985. De lui, de Ronan Pensec, de Cyrille Guimard et des autres, je n’ai vécu leurs exploits que bien des années plus tard en feuilletant les magazines. Je les imaginais alors grimper ces cols mythiques avec ce maillot jaune sur le dos, je les imaginais seulement.
Hier à Pipriac, j’ai vécu cette émotion en mode instant « T », celle dont la génération de cette fin du XX siècle l’a connue. Arsène David m’a tout simplement invité dans son voyage vers le passé, tel un passage dans une machine à remonter le temps. Plus qu’un voyage, j’ai pris une véritable claque. C’est un véritable rassemblement de copains chaque année et au fil du temps, il est devenu ce rendez vous obligatoire. Je ne suis pas le seul à chercher de vivre cette époque. Autour de ce peloton, c’est par milliers que les spectateurs se sont amassés. De ce prestigieux moment, même le soleil s’est invité histoire de rendre hommage à ces hommes qui on fait briller notre sport à travers les âges.
Je les ai vu, là devant moi, se tirant encore la bourre sur ce critérium des champions d’hier. Sous les commentaires d’Eric Le Balc’h, j’entendais ces noms et ces palmarès comme si j’étais téléporté en ces années. Robert Marchand, 106 ans, présent dans le peloton nous donnait une leçon de vie. Un large sourire et un dynamisme incroyable, il nous montre que la vie peut être belle malgré tous ces coquins de sort. D’ailleurs, son énergie est si contagieuse que les champions d’hier ont inauguré ce circuit qui s’appelle désormais: le circuit Robert Marchand.
Sur la ligne de départ, je me permets de questionner Bernard Hinault, celui qui a marqué l’histoire de notre cyclisme. La voix hésitante, je lui demande pourquoi venir ici chaque année et si un jour j’aurais la joie tout comme mon père l’a connue, de voir un français en jaune à Paris.
Bernard Hinault; » Venir à Pipriac permet de nous retrouver nous les anciens coureurs. Pour ce qui est du reste actuellement, nous n’avons pas de français qui sortent du lot avec des capacités en montagne et sur le contre la montre. » On m’avait prévenu, Le quintuple vainqueur du tour est toujours « cash ».
Je regarde, admiratif, tous ces champions qui se préparent à s’élancer. Ronan Pensec, porteur du maillot jaune, est aussi là.
Ronan Pensec; » Je suis venu à Pipriac pour la 1ère édition. Depuis, je n’avais pas eu le temps d’y revenir. Arsène m’a tarabicosté et je suis là (rires). Mon meilleur souvenir sur le tour reste mon premier où j’ai terminé 6ème en 1986. »
La course fut remportée par Serge Bodin, le champion de France amateur en 1988. En solitaire, il devança Christian Levavasseur (vainqueur d’étape sur la Vuelta et leader du général pendant 8 jours en 79) et Yves Bonnamour (vainqueur de la Route du Sud en 90).
J’ai enfin ressenti ce dont me parlait mon père, de ces émotions restées intacts par ces souvenirs qui redeviennent vivants le temps d’une journée, là bas à Pipriac.
Le soir, tout le monde se retrouve au bal organisé pour l’honneur. Je me retrouve à table devant Maurice Le Guilloux, ce champion est un véritable gardien de la mémoire. Le vainqueur de l’étoile de Bessèges 76, d’étape sur le Dauphiné Libéré en 78, plusieurs podiums sur la fameuse « Bordeaux Paris » nous raconte des anecdotes de ces grandes batailles. Il était l’équipier de Bernard Hinault durant des années, sous la direction de Cyrille Guimard dont il dit qu’il est le meilleur manager qu’il ai connu. Je l’écoute en oubliant le temps, absorbé par ses récits.
Comme la veille de ce Paris Roubaix 1981 où Bernard Hinault abordait cet enfer le moral en berne. Le lendemain, il gagnait pourtant la classique des classiques sur le vélodrome sans que personne ne puisse le rejoindre. Et comme il le dit » Cette venue à Pipriac lui permet de retrouver cette bande de potes et de passer un bon moment. »
Du haut de mes 17 ans, je suis rentré chez moi la tête remplie de souvenirs. Et je pourrais dire plus tard, moi aussi, je les ai connus se tirant la bourre. Merci Arsène David de nous organiser ce voyage chaque année, merci aux champions de m’avoir fait vivre, l’espace d’un instant, ce moment incroyable.
Top 15
1 Serge Bodin
2 Christian Levavasseur
3 Yves Bonnamour
4 Pascal Campion
5 Angel Arroyo
6 Jacques Bossis
7 Christian Ardouin
8 Philippe Bouvatier
9 Laurent Madouas
10 Philippe Leleu
11 Bernard Hinault
12 Christian Jourdan
13 Jean Pierre Guernion
14 Gilles Mas
15 Jean Pierre Guillemot
Arthur Frand