[dropcap]L[/dropcap]e Royaume-Uni est devenu un vivier considérable. Leurs jeunes sont souvent aux avant-poste et, comme les français, ils se revêtissent des plus belles tuniques comme le jeune Tom Pidcock, le double champion du monde juniors en cyclo-cross et contre la montre. Au Royaume-Uni, un comté se démarque plus que les autres : le Yorkshire. Une âme entièrement dévouée à la cause et des clubs qui peuvent atteindre plus de 1000 adhérents pour des villes comme Otley, qui ne comptent que 20 000 citadins. L’un des week-end les plus importants de la scène Britannique a lieu durant la « Otley Cycle Races »que Giles Pidcock, père de Tom, a crée. Il est l’un des ambassadeurs du cyclisme du Yorkshire qui a reçu le Tour de France et qui organise chaque année le Tour du Yorkshire.
Mais Giles Pidcock s’investit aussi pour l’avenir des jeunes coureurs du Royaume-Uni qu’il forme dès le monde juniors. Vers la fin des années 80, il était l’un des espoirs du Royaume de sa majesté, il fut même le champion du Yorkshire en 1988 avant d’intégrer la sélection nationale et d’aller se frotter aux pros sur des épreuves comme le GP d’Isbergues. Mais avant ça, il a aussi été de ces jeunes coureurs étrangers venant apprendre le job sur les courses « Made in France » au sein de la mythique « AC Milizac » de Roger Magueur dans ce pays du Finistère. Devenu un homme d’affaire avisé depuis, il roule toujours en vétéran avec le Chevin Cycles.com-Trek et ne se prive pas de glaner encore quelques victoires chez les 3ème caté du comté. Il suit aussi et prend surtout soin de ces jeunes britanniques qui prennent le même chemin que lui dans ces années-là. Et comme le fait dorénavant son fils Tom. Chez les Pidcock, le cyclisme est ce « way of life. »
Giles Pidcock, vous êtes toujours très impliqué dans le cyclisme et notamment auprès des jeunes coureurs. Quelles différence entre ceux des années 80-90 et ceux de notre époque ?
Giles Pidcock : « Fondamentalement, rien n’a changé. Pour être de bons coureurs, il faut encore pouvoir appuyer sur les pédales ! Évidemment, au cours des 30 dernières années beaucoup de choses ont changé autour de cette réalité fondamentale. Au Royaume-Uni au moins, il existe maintenant une structure de soutien beaucoup mieux organisée qu’avant. Quand j’étais jeune, je devais faire mon chemin tout seul, apprendre de mes erreurs et essayer de provoquer ma propre chance. »
Le cyclisme britannique a un programme conçu pour encadrer tous ces jeunes
Et quelle est la différence fondamentale avec l’apprentissage de nous jours ?
Maintenant, de part sa fédération, le cyclisme britannique a un programme conçu pour encadrer tous ces jeunes. Dès l’âge de 15 ans, ils sont emmenés au mieux vers la compétition. Ils filtrent les plus prometteurs, leurs donnent un bon coaching, un soutien et des opportunités de courir sereinement à l’étranger. De plus, la technologie des vêtements et des vélos s’est considérablement améliorée. Non seulement cela a aidé à tous les niveaux de conditionnement physique pour tous. Dorénavant, on peut s’entraîner l’hiver avec ces nouvelles technologies. Et par conséquent, nos jeunes sont devenus plus performants, plus compétitifs. »
Quelque chose de totalement différent comparé à l’époque…
« Par exemple, dans les années 80, les vélos étaient assez lourds, donc les coureurs étaient plus musclés. Les plus costauds se débrouillaient mieux que les coureurs plus légers. Ils avaient la force de faire avancer leurs machines dans les montées. Les petits gabarits étaient submergés par le poids de leurs vélos. De nos jours, avec des cycles plus légers, les plus petits peuvent aussi concurrencer. »
« Jusqu’à 18 ans, je déconseille d’utiliser les capteurs de puissance. »
Quels genre de conseils donnez-vous à vos juniors ?
« Jusqu’à 18 ans, je déconseille d’utiliser les capteurs de puissance. Je recommande tout simplement de rouler à vélo et de surtout s’amuser. Pour les jeunes coureurs qui se font plaisir, cela implique également de le faire avec leurs amis soit en entraînement, soit en course car c’est aussi un sport d’équipe. Je pense que c’est très important. Le vélo doit être excitant avant tout et doit surtout être amusant. Je conseille également de longues balades, avec un arrêt dans un café et des coureurs plus anciens. Ils ont besoin d’apprendre à aimer notre sport et se doivent d’apprendre à aimer tout ce qui l’entoure. L’arrêt au café est très important car ils peuvent apprendre différentes compétences, notamment sociales et se cultiver en écoutant toutes les histoires des anciens coureurs et de leurs légendes. Le cyclisme est plus qu’un sport, c’est un mode de vie. C’est très riche à cet égard, ce mode de vivre ! »
« Si vous voulez devenir un bon coureur, vous devez gagner en Europe »
Beaucoup de jeunes coureurs britanniques viennent en France pour apprendre le «job» après le stade des juniors comme vous l’avez fait en 1988. Pourquoi selon vous ?
« L’Europe continentale est le berceau du cyclisme. Les courses sont plus nombreuses, la foule est plus énorme, le cyclisme fait partie de la culture. En plus de cela, les coureurs sont généralement meilleurs et cela aide les jeunes britanniques à progresser. Si vous voulez être un bon coureur, vous devez gagner en Europe et notamment en France je pense. c’était vrai avant et cela reste vrai de nos jours. »
Votre fils Tom est champion du monde de cyclo-cross et du contre la montre chez les juniors. Vous lui donnez toujours vos conseils pour ce mode de vie ?
« Oui, bien sûr, il a ça en lui. Je l’ai conseillé et l’ai guidé sur son vélo jusqu’à il y a peut-être deux ans. Maintenant, je laisse ses entraîneurs et son équipe (celle de Sven Nys) s’occuper de ça. Maintenant, mon job est de lui fournir des conseils financiers et de carrière afin qu’il devienne pro dans les meilleurs conditions. Mon vrai métier est chef d’entreprise, une société de conseil financiers (Fensham Howes) pour les grandes entreprises du Royaume-Uni. Du coup, je conseille Tom en le protégeant au mieux sur ce point là. »
Vous avez été coureur en Bretagne en 1988 et vous avez eu quelques victoires. Quels souvenirs vous avez gardez de cette région et des courses « frenchies » ?
« J’ai adoré, tout simplement. Je suis arrivé en Bretagne dès la fin de mes examens universitaires. Donc les débuts et les premières semaines, je n’avais pas vraiment la condition. Mais nous devions gagner de l’argent pour manger et mettre de l’essence dans la voiture. Heureusement Roger Magueur et l’AC Milizac étaient à nos côtés même avec un maigre budget. A l’époque, les courses payaient bien. Donc, nous avions choisi certaines courses bien précises qui nous permettaient de bouffer. J’étais le meilleur sprinteur donc les autres coureurs anglais m’aidaient à me placer pour le sprint final et nous partagions la prime entre nous ensuite. »
Une autre époque…
« Oui, il y avait de l’argent et cela nous semblait juste, car les Français semblaient avoir leur propre cartel aussi. Je me souviens notamment de la course à Quimper du coureur français local (Moreul du VS Quimper). Il m’avait assassiné durant la course car je pouvais à peine tenir sa roue une fois que j’avais fait mon relais. Une fois que nous sommes parvenus à creuser l’écart avec le peloton, c’était un peu plus facile et je pouvais me refaire. Mais à trois tours de l’arrivée, il y avait une grande prime et tous les coureurs de l’échappée voulaient cet argent. J’ai raté mon sprint et j’ai pris la 3ème place. J’étais énervé mais en fin de compte, je pense que cela m’a aidé dans le final car les français ne me marquaient plus. J’ai alors senti que je pouvais jouer ma carte et j’ai lancé le sprint de loin. Un coureur a tenté de me passer sur ma droite et j’ai regardé face à moi en donnant tout ce que je pouvais. Je la voulais tant celle-là que je l’ai légèrement écarté pour filer vers la victoire. Ce fut ma première en France. Et quel sentiment c’était ! J’étais aux anges, ravi. »