Été 1987, des événement allaient bouleverser les choses bien établies des 80’s comme sur le Tour de France, notre rendez-vous sacré depuis des générations à nous autres français. Du haut de mon adolescence je découvrais alors les exploits d’un jeune coureur de 25 ans qui venait faire vaciller le trône des patrons du Tour. Par 2 fois il les défia fièrement en remportant les « contre la montre », vous savez cet art qu’il faut aussi maîtriser à la perfection pour pouvoir prétendre à caresser l’Olympe des Dieux. Le nom de ce jeune guerrier effronté et sans complexe; Jean-François Bernard.
En ce mois estival, il les vaincu tous sur ces 2 étapes de notre mythique tour tricolore dont le chrono du Mont Ventoux lors de la 18ème étape. Au sommet, il endossa même le maillot jaune, l’enlevant à Charly Mottet sous les yeux des Rois Pedro Delgado et Stephen Roche, une après midi là haut sur ce désertique « putain » de Ventoux. Mais comme dirait l’autre, le « coquin de sort »s’acharna alors ensuite, Une crevaison au plus mauvais moment, un saut de chaine plus tard et une énième charge des hommes du navire Carrera de Stephen Roche anéantira son rêve le plus fou. Alors que le français vivait son enfer, l’irlandais partait vivre son odyssée avec son fameux « triplé » en cette année 87. Jean-François Bernard décrocha tout de même une superbe 3ème place sur le podium final aux Champs Elysées, sur la plus belle avenue du monde dont le nom issu de la mythologie grec signifie le lieu de repos des héros aux Enfers.
Allez! Parlons comme des vieux cons mélancoliques d’une époque révolue. Lâchons nous tant elle nous manque! En ce temps où tout se vivait avec les tripes, le coeur, sans calcul métaphysique, capteur, de chiffre de kilowatt et surtout sans aucune oreillette. Où tout se faisait à l’instinct, au bluff, à grands coups de pédales et de rictus rageurs sur des étapes passionnées. C’était il y a fort longtemps… Jean-François Bernard nous apportait aussi l’espoir d’une relève à nos 2 grands champions qu’étaient Laurent Fignon et Bernard Hinault son capitaine au sein de « La Vie Claire » devenue légendaire à jamais, celle de Greg Lemond vainqueur en 1986.
Eté 1987, sous la song ‘Just Like heaven » le groupe » The Cure » nous faisait découvrir ce nouveau son psychadélique de la new wave (nouvelle vague). La France avait elle aussi cette nouvelle vague, celle d’une jeunesse qui osait (et pas que sur des selfies), celle qui bousculait alors les choses bien établies par une juste rébellion. Même le tour avait choisi la musique de Genesis pour le résumé du jour avec « The Brazilian » et ses enchaînements rageurs à grands coups de batterie. C’était une époque un peu dingue, on vibrait sous les exploits de ces rebelles. The Cure le chantait alors, on était « Juste comme au paradis »….
30 plus tard, après voir été le fidèle second de Miguel Indurain au sein de l’équipage Banesto et bâti un palmarès à faire pâlir quelques champions Français de nos jours comme le général de Paris-Nice, Jean-François Bernard est toujours dans le sillon de son Tour de France. Il le commente sur les ondes de France-info désormais. Car il le connait mieux que quiconque ce monstre de 104 ans, Il s’est livré à des batailles épiques sur les cols de la bête et à bien failli le mettre à genou. Depuis le pont de son navire France Info, il le sent encore, il le guette et l’attend encore chaque année en espérant qu’un jour un autre guerrier français le dompte en l’harponnant avec panache.
« Le Tour de France est devenu aseptisé »
Jean-François Bernard, quelle est la différence entre le Tour de France des années 80-90 et celui que vous allez commentez cette année ?
Jean-François Bernard; » Ca n’a plus rien à voir. Ce sont 2 mondes différents, 2 cultures et des histoires qui ne se ressemblent pas. Tout a changé, le Tour de France est devenu aseptisé, neutre… Oui, à tous les niveaux. Quelques managers ont ce seul objectif de la saison, celui de gagner le Tour. A mon époque, on courait toute la saison et les objectifs n’étaient pas que les grands tours. Je ne dis pas que c’était mieux avant mais il y avait un peu plus de bagarre, de générosité dans l’attaque et de spectacle à une époque. Maintenant, la plus grosse équipe contrôle et cadenasse. En début de tour, on va assister à des échappées qui n’iront jamais au bout puis on va frémir quelques secondes sur le sprint massif. Dans la montagne, surtout aux planches de Belles Filles dès la fin de semaine prochaine, le tour se perdra pour nombre d’entre eux, mais attention il ne sera pas encore gagné. On peut perdre facilement un tour sur ce genre d’étape mais pas le gagner. Ensuite, tout se fera dans la haute montagne, on verra mais cela risque d’être comme les années précédentes je pense. Une équipe qui va tout contrôler et d’autres qui vont se battre pour les places suivantes. »
« On peut dire que ça manque de panache maintenant »
Eddy Merckx pense que le cyclisme actuel offre moins de suspense et qu’il est moins spectaculaire. Qu ‘en pensez vous ?
Jean-François Bernard; » Oui, je suis d’accord avec lui. Mais l’espoir est là, on a quand même assisté à un beau Giro avec des étapes difficiles et des attaques de toutes parts, il était passionnant ce Giro 2017! Tout comme Le Dauphiné Libéré qui a été de toute beauté aussi avec cette victoire d’un beau Fulsang au dernier round, c’était une belle bagarre. Mais le Tour de France est vraiment différent. D’une, il a lieu en juillet et non en mai comme le Giro. Et cette période reste celle des vacances et donc beaucoup plus de spectateurs regardent le tour. Du coup, ça implique une énorme pression médiatique et cela génère des enjeux vraiment plus importants pour les managers et leurs sponsors. Du coup, depuis quelques années, le facteur risque n’a plus de place et il n’y a plus d’audace chez les coureurs. Quand Chris Froome aura le maillot jaune, les autres se disputeront les places d’honneur. La dernière fois que j’ai assisté à une vraie bagarre, c’était sur le Tour 2010 avec Andy Schleck et Alberto Contador sur les pentes de Saint-Jean-de-Maurienne. Aujourd’hui, on court pour conserver ses places au général mais plus pour risquer de tout perdre en allant chercher la plus haute marche. On peut dire que ça manque de panache maintenant. »
Chris Froome remportera t-il son 4ème tour de France ?
Jean-Françis Bernard. » L’équipe Sky n’est plus aussi dominatrice que les années précédentes mais le Tour reste leur principal objectif de la saison. Tout est calculé pour ce tour et rien que ce tour avec la meilleure équipe autour de Froome. Une fois qu’il aura le maillot jaune, si jamais il réussi à l’avoir, cela sera dur de le lui enlever. Mais en même temps, il faudra faire attention tout de même à Richie Porte qui nous a montré qu’il était vraiment en forme sur le Dauphiné, mais le Tour dure 3 semaines. et il faut être toujours au top durant cette période. Pour ce qui concerne Alberto Contador, je ne pense pas qu’il soit en mesure, à l’heure actuelle, de jouer la gagne au général tout comme Nairo Quintana. »
Quel est votre plus beau souvenir sur le Tour de France; ?
Jean-François Bernard, » Mes victoires d’étapes bien sûr comme celle à Dijon lors de la 24 ème étape en 1987. Je me battais contre Charly Mottet et au final je bats Roche et Delgado aussi. Mais en fin de compte tout celles que l’ont obtient avec l’équipe comme la victoire au général de Greg Lemond reste aussi un très beau souvenir comme celles de Miguel Indurain quand j’étais à ces côtés chez Banesto. Ce sont des moments intenses partagés entre tous avec tout autant de force et que ce soit les miennes ou celles de Greg, Miguel et d’autres équipiers, elles ont toutes la même importance au fond de moi. «