Chez les McQuaid, le cyclisme est une religion, un art de vivre. Cette passion, ils en héritent dès le berceau. Pat McQuaid, 67 ans, est issu de cette lignée de cyclistes irlandais, de cet héritage transmis par Jim son paternel et son oncle Paddy. Une fratrie de 10 enfants dont les 7 garçons furent coureurs comme Pat. Ses 2 fils Andrew et David furent même licenciés en Bretagne avant de devenir agent pour le premier et manager de team international (Baku Cycling Project) pour le 2ème. On vous l’a dit chez eux, c’est une religion. Pat en fut l’un des plus émérites et découvrit la France à Metz avant de devenir pro durant deux ans avec le team Viking Cycles. Des victoires, il en a connu comme son titre de champion national en 74, ou sur le Tour d’Irlande qu’il a remporté en 75 et 76 et la classique chère aux irlandais la « Shay Elliot Memorial » en 72. Chez les McQuaid, on se donne à la cause et on tente de la soutenir contre vents et marées. Il fallait être un fou d’Irlandais pour vouloir être par 2 fois le Président de cette UCI World de 2005 à 2013. Mais il voulait tant apporter à notre religion et bouger l’ordre établi avec cette passion indestructible qui caractérise tant le clan McQuaid.

Accepter le rôle de Président de l’UCI World, c’est aussi accepter d’être le mouton noir des médias et donc de s’en prendre souvent « plein la gueule » par ces derniers. C’est aussi voir son nom régulièrement sali et jugé, critiqué par certains mais il faut tout de même tenir la barre. Oui, il faut vraiment l’aimer notre « putain » de sport pour en prendre les commandes et tenter d’en donner un nouveau cap. Mais Pat McQuaid ne s’est jamais plaint. Il en connaissait le prix et il savait où il posait les pieds. Outre son combat contre le dopage et la création d’une charte, il a réussi tout de même à développer le cyclisme en Asie alors que tout le monde avait les yeux rivés sur l’Europe. L’internationalisation du cyclisme était aussi l’un de ses objectifs comme la lutte contre le dopage.
Après 2 mandats en tant que Président de l’UCI, l’ancien professionnel, seul président de l’UCI à l’avoir été, a décidé de couler des jours paisibles en France. Une « Bastide » en Provence avec les siens, une bande d’amis et le bonheur de retrouver les choses simples que la vie vous offre. Un verre de ce rosé de Provence partagé avec les potes et des histoires légendaires à raconter le soir avec les cyclistes de passage, voilà ce que Pat McQuaid aspire désormais. Une maison nommée « La Bastide de Correns » dédiée à cet art, un lieu pour les amoureux des choses simples, une route, des paysages, des vignes et pouvoir partager cette passion qui l’a toujours fait vibrer, pas trop loin du Tour du Haut-Var, de celui de la Provence, de Paris Nice et des cols du Tour de France. Que demander de plus ? Avec sa femme Aileen, il coule juste des « beautiful days », la bas à l’ombre du soleil de notre Provence.

Be Celt: Pat McQuaid, on vous retrouve retraité en France dans votre jardin en Provence. Pourquoi la France et pas l’Italie ?
Pat McQuaid: « C’est une très bonne question. La réponse est aussi simple, je parle bien le Français mais pas l’italien (rires). Non, je plaisante. La Provence, c’est un gros de coeur. J’ai vraiment découvert cette région en 2013. Après mon départ de la présidence de l’UCI, je suis resté vivre en Suisse mais dernièrement avec ma femme Aileen on a décidé de venir en Provence. Ici, il fait bon vivre, le soleil est présent et le coin est formidable. Je connais la France depuis mes débuts en tant que coureur à Metz en 1975. J’ai fait pas mal de courses sur le territoire national et j’ai découvert le sud. Tout de suite, cette région m’a beaucoup plu. Puis j’ai découvert le village de Correns et ça a été le véritable coup de foudre. J’ai alors acheté la Bastide de Correns et nous y avons posé nos valises.
La Bastide de Correns, un centre de vacances pour les particuliers et de camps d’entraînement pour les équipes
» En achetant la Bastide de Correns, la France est devenu mon pays de coeur »
Je suis Irlandais mais j’aime le soleil. Quand j’étais président de l’UCI, je n’avais jamais le temps de profiter simplement de la vie. Je finissais une réunion à l’Aigle à 17 h, puis je prenais l’avion pour une autre réunion à l’autre bout du monde comme à Pékin et me couchait à 3h voire 5h du matin. C’était une vie un peu folle mais en même temps je le savais, je ne me plains pas, j’en connaissais le prix. Tu rajoutes là-dessus la pression internationale, celle des médias puis celle des pays et tu réalises que la vie toute simple te manque. À ma retraite, je me suis dit: « Allez, je profite et je veux être au calme! » En Novembre dernier, nous avons décidé de nous y installer définitivement en achetant cette Bastide à Correns. Il y fait bon vivre, la vie est paisible et si loin des tumultes des grands capitales où tu n’as jamais le temps de te reposer ni de souffler. Ici, c’est tout le contraire, on profite de la vie tout simplement, « à la fraîche » comme vous dîtes en France ! On est dans l’arrière-pays ici donc durant les beaux jours, on ne subit pas l’afflux énorme des touristes de la Côte d’Azur. Quand j’ai acheté cette bastide, rien n’était aux normes et j’ai tout refait, je me suis retrouvé plombier, électricien et jardinier mais j’adore ça. Correns est le premier village « bio » en France. À ma retraite, je suis devenu Français de coeur comme toi tu es devenu Irlandais de coeur (rires) ! »

B.C; Votre havre de paix mais aussi un centre de vacances pour les cyclistes ?
Pat McQuaid: « Exact, c’est un gros chantier. Cette région me plaît tellement que je veux la faire découvrir aux autres. Ma femme Aileen et moi habitons dans une partie de la maison. L’autre, j’y ai fait faire d’énormes travaux avec des chambres et suites pour pouvoir accueillir des familles, des groupes d’amis et des équipes. On dispose, par exemple, de quatre suites pour les grandes familles ou les groupes. J’ai aussi fait installer une piscine pour pouvoir se détendre après les ballades. Je vais souvent rouler sur les routes du coin. J’ai le temps dorénavant, mais je ne suis pas le genre de gars qui va s’essayer aux grands cols, je n’ai plus vingt ans. Ici, le profil est superbe, tu n’as pas vraiment de cols hors-catégorie mais c’est assez vallonné tout de même. Les meilleures périodes sont juin et septembre. En juillet et en août, tu as pas mal de circulation avec les touristes, les routes sont moins désertes. Je conseille plutôt de venir en dehors de la pleine saison pour profiter pleinement des avantages de ce beau pays. Tu traverses paisiblement des villages et les vignes du coin, c’est simplement magnifique et je conseille leur fameux rosé d’ailleurs mais à déguster au soleil (rires) ! Ces routes et les infrastructures de la Bastide de Correns permettent d’y faire un excellent camp d’entraînement pour les équipes. Il y a tout ici et nous sommes loin des villes. Donc me voici devenu Provençal et je conseille à tous de venir faire un tour par ici. »
Le cyclisme actuel, je trouve qu’il se porte mieux. Que son image s’est nettement améliorée et je sais que c’est grâce à mon travail
B.C: En tant qu’ancien président de l’UCI, quels souvenirs gardez vous et quel regard portez vous sur le cyclisme actuel ?
Pat McQuaid: « Les souvenirs? C’était dur et si passionnant à la fois.. C’est clair qu’il y a eu de bons moments et les moins agréables vous les oubliez avec le temps. Bon il faut être réaliste, quand vous devenez président de l’UCI World, vous acceptez aussi de devenir le coupable idéal, c’est inévitable. J’en ai reçu des coups mais malgré tout, je garde un très bon souvenir. Quand au cyclisme actuel, je trouve qu’il se porte mieux. Que son image s’est nettement amélioré et je sais que c’est grâce à mon travail quelques années auparavant. Je voulais surtout lutter contre le dopage et détruire cette image laissée depuis les années 90. J’ai, avec l’aide de tous, instauré le passeport biologique pour chaque coureur et créer la charte anti-dopage avec plus de contrôle. Il nous fallait casser l’héritage des années 90. Maintenant le cyclisme est beaucoup plus propre qu’auparavant même si on a traversé une sacré tempête durant ces dernières années. Bon, il y aura toujours des gens qui veulent détruire notre image pour leur intérêt mais le cyclisme actuel est devenu plus sain et je suis fier d’y être aussi à l’origine. »
Retiré du monde professionnel, y avez-vous gardé des contacts ?
Pat McQuaid: « Bien sûr, le cyclisme est une famille avec ses hauts et ces bas et j’y garde toujours de très bons contacts. Dernièrement Serge Pascal, l’organisateur du Tour du Haut-Var, m’a invité. Quand je suis arrivé, il m’a accueilli chaleureusement, c’était vraiment agréable. Ce qu’il fait est remarquable. Le Tour du Haut-Var et le Tour de la Provence sont des épreuves superbes et vraiment bien organisées. C’est un vrai passionné et en France il y a tant d’organisateurs qui lui ressemble. C’est aussi pour ça que j’aime votre culture qui agit avec cette passion et ce cœur. J’ai toujours des liens avec mes amis comme Ciaran McKenna à la fédération irlandaise que j’ai dirigée de 1994 à 1998. Dans le sud, il y a aussi Stephen Roche qui y vit et bien sûr Sean Kelly, mon ami de longue date et coéquipier durant mes années de coureur. »

B.C: Sean Kelly justement, vous avez couru avec lui ?
Pat Mcquaid: « Oui, c’est vrai. Avant tout je suis un coursier à la base. J’ai été élite avant de passer pro, le cyclisme j’en suis issu et je l’ai connu sur toutes ses coutures. Sean Kelly et moi avons couru ensemble. À ses 18-19 ans, il avait décidé de partir en France, à Metz vers 1975. Il se sentait un peu seul là-bas et m’avait demandé de le rejoindre pour aller l’aider à gagner quelques courses contre les Français. J’avais 7 ans de plus que lui, mais j’ai décidé de le rejoindre pour aller se frotter aux meilleurs de votre pays. Deux mois plus tard il passait pro. Il m’en avait parlé avant mon arrivée. De mon côté j’ai décidé de rester à Metz. J’y ai couru deux ans et j’ai découvert votre beau pays. avant de devenir pro chez Viking. Mais Sean et moi sommes toujours en lien et nous nous sommes toujours soutenus. Sean et moi sommes toujours de véritables amis. »
« La Nissan Classic, c’était une grande et belle aventure! «
B.C: Sean Kelly, Stephen Roche et vous, c’est le début de la Nissan Classic?
Pat McQuaid: Tu es bien au courant (rires). C’est exact. J’avais remporté par deux fois le général en 1975 et 1976. Mais la course était en train de s’essouffler dans les années 80. Je me suis dit qu’avec les deux meilleurs coureurs au monde qui sont Irlandais c’était alors une bonne idée de promouvoir notre cyclisme par ces deux champions. J’en ai parlé à Sean et Stephen qui m’ont donné leurs accords pour y participer. C’était une histoire de copains l’origine de la Nissan Classic surtout. On a frappé aux portes des sponsors comme Datsun qui allait devenir Nissan. Ils nous ont donné leur accord pour un an, puis 3 et ils ont continué. Mais il leur fallait du visuel surtout. On était en 1985 et la télévision n’était pas encore adepte de la « petite reine ». Mais bon, les deux meilleurs coureurs du monde étaient Irlandais et là on avait des billes.
Du coup, on a réussi à convaincre la télé nationale et l’événement a été retransmis sur toute la planète. Il fallait voir cette foule sur les routes. Tu sais en Irlande à l’époque, il devait y avoir 3,5 millions d’habitants et on avait 2 millions de nos compatriotes au bord des routes, c’était incroyable! Les plus grands champions de la planète étaient là. Sean, Stephen, Laurent Fignon, Van Deraerden, Anderson, Greg lemond, Marc Madiot et tant d’autres. C’est simple les 15 meilleurs mondiaux nous répondaient présents à chaque édition. Les Irlandais étaient si heureux de les recevoir sur notre île. Je me souviens de la victoire du Français Joël Pelier en solitaire à Cork sur la montée de Saint-Patrick. Imagine un groupe de chasse composé de Roche, Kelly, Anderson, Breukink, Teun Van Vliet derrière. La Nissan Classic, c’était une grande et belle aventure! «

B.C: Puis le départ du Tour de France en Irlande en 1998
Pat McQuaid: « Ça c’était mon rêve, notre rêve à nous autres Irlandais ! Un gros travail qui a débuté vraiment en 1993 avec Jean Marie Leblanc. J’avais ce rêve de dingue de faire venir le tour de France en Irlande, sur notre île. Je rencontre Jean-Marie sur le Tour d’Andorre et je lui en parle. Il me dit pourquoi pas, mais il fallait remplir trois critères. Le premier étant d’avoir le soutien du gouvernement Irlandais. À l’époque, Enda Kenny notre premier ministre actuel était ministre du tourisme et là on avait son soutien. Le 2ème point étant la logistique. L’Irlande est une île et c’est un travail énorme de faire venir la première épreuve du monde. Là dessus, on a montré à Jean-Marie que nous étions prêts et surtout très bien organisés. Enfin la promotion de l’événement, la Nissan Classic avait montré ce que c’était le cyclisme en Irlande. On avait travaillé comme des fous sur ce projet puis le Tour de France est venu en 1998. On était si heureux pour notre pays. Mais cette année fut aussi l’année de l’affaire « Festina ». Et là, on a pris une claque énorme ! Les médias se sont déchaînés et l’image du cyclisme a été largement dégradé aussi. J’étais énormément déçu par cette affaire qui a anéanti le travail de tout un peuple. J’avais cette idée depuis une vingtaine d’années dans ma tête et celle-ci a tout détruit. C’était un moment difficile et l’une des plus grandes déceptions de ma vie de passionné. »
B.C: De nombreux champions Irlandais actuellement et un essor incroyable sur l’île. Un jour peut être verrons nous de nouveau le peloton mondial revenir sur la Verte Erin?
Pat McQuaid: « C’est vrai, à mon époque on en comptait que 4000 licenciés et maintenant on en dénombre plus de 25 000 et de plus en plus de champions, un chiffre sans cesse croissant. Mais je ne sais pas sincèrement l’Irlande est prête à recevoir l’élite mondiale du cyclisme. Mon frère Darach tente de faire revivre la Nissan mais c’est un travail difficile sincèrement et il faut trouver des partenaires solides. Actuellement, il travaille de plus en plus avec l’Irlande du Nord qui a accueilli le Giro en 2014 et qui mise sur la réussite de grands événements cyclistes. Darach est sur un projet important avec l’Ulster mais je ne peux vous en dire plus. Quoiqu’il en soit, le cyclisme est devenu populaire en Irlande et il a de beaux jours devant lui je te rassure. «
Peut être un retour dans le cyclisme Irlandais ?
Pat McQuaid » Oh non. Je suis bien en France et à la Bastide de Correns. Maintenant, je ne désire que faire partager cette passion à des amoureux de ce sport dans un cadre idyllique comme l’offre la Provence. Accueillir ces passionnés et passer d’agréables moments à la Bastide, voilà maintenant à ce quoi j’aspire. »
Lien; la Bastide de Correns