Il a 14 ans, il rêve d’être un jour pro. En cadets, il a ce sourire affiché et la joie immense d’aller aux courses du dimanche. Il a 16 ans, il en claque le « gamin » en juniors par la suite, tout près de lui son « padre » l’encourage, la famille est là présente pour l’aider à caresser les étoiles. 18 ans, le voilà en élites, il serre les dents, se fait un p’tit nom, s’offre de belles victoires. Le soir, face à son trophée, allongé dans son pieu, il se dit qu’au moins une équipe pro le remarquera, qu’il finira par se réaliser son rêve de gosse payé au prix de tant de sacrifices et d’espoirs. Mais au bout de quelques années, le téléphone ne sonne toujours pas, il a 23 ans… Il reste là dubitatif quand à l’avenir de sa personne au sein du peloton. Mais un jour, le « Grall » s’offre enfin à lui. Une équipe continentale voudrait de lui. Mais il y a un « os »! On lui fait comprendre que si il veut être sur les plus belles batailles, il devra payer de sa personne en tapant dans ses maigres économies personnelles. Ils entendent alors cette phrase: » Tu auras l’honneur de courir en pro, c’est déjà pas mal non? » . Souvent, il n’y a pas d’avenir pour le coureur qui a misé personnellement et son argent s’est bel et bien évaporé vers d’autres cieux plus noirs.
Définition du mot Professionnel « Qui exerce régulièrement une profession, un métier, par opposition à amateur : Un musicien professionnel. Qui exerce une activité de manière très compétente. Se dit d’un sportif rétribué pour la pratique d’un sport ou parfois pour enseigner. » (Larousse)
C’est le site CYCLING NEWS qui a dénoncé les faits avec le très sérieux journal Italien Corriere Della Sera.
Cette histoire vous paraît édifiante et révoltante mais elle est de pratique courante dans certains pays où des coureurs contis payent pour courir. En France, les coureurs sont protégés fort heureusement contre ce genre de pratique grâce au code du travail et au suivi des dossiers imposés par la LNC (Ligue Nationale de Cyclisme) présidé par Marc Madiot ou la FFC présidé par David Lappartient. Grâce à eux, tous les contrats signés en continentale sont épluchés et soumis à un règlement bien précis. Happy to be French (enfin je pense) !
Non cette histoire se passe en Italie. C’est grâce à un journaliste d’investigation du Corriere della sera en la personne de Marco Bonarrigo que l’affaire a éclaté et jugé devant les tribunaux transalpins. Ce dernier a réussi à prouver les dérives de certains managers d’équipes comme Gianni Savio (Androni Giocattoli), Angelo Citracca (Wilier-Southeast) et Bruno Reverberi (Bardiani-CSF). Ils ‘imposent à certains coureurs d’amener leurs propres sponsors privés et parfois même leurs propres argent . Mais derrière ce procès, on peut soulever le pire en découvrant que certains autres se doivent de payer de 25 000 à 50 000 euros leurs places dans les teams pros. Bref payer pour courir en pro ! Quand à l’argent, il a disparu bel et bien.
« Payes et tu cours »
Le célèbre journaliste Marco Bonarrigo a donc démontré que certains coureurs italiens ont été forcés de trouver des sponsors personnels pour obtenir des places au sein de certaines équipes. Certains même contraints de rembourser une partie de leur salaire officiel via des comptes bancaires secrets, tandis que les contrats d’option illégale qui n’étaient jamais enregistrés auprès de l’UCI ont été utilisés pour extorquer l’argent des coureurs.
Citracca et Savio ont ouvertement admis qu’ils ont souvent signé des coureurs qui ont aidé à assurer le parrainage de l’équipe (pratique courante dans le peloton). Mais ces derniers ont nié que les coureurs aient été forcés de le faire.
« Comment puis-je refuser de signer Carretero après que son père m’ait aidé à trouver un sponsor qui nous a permis de sauver les emplois de 30 personnes? » a déclaré Citracca au Corriere della Sera.
Jusqu’à la rien de nouveau, c’est le système du mécénat privé. Mais quand le coureur doit payer de sa poche, cela prend un autre virage.
Les langues se délient en Italie. Des déclarations formelles faites par un certain nombre de coureurs italiens faîtes au journal Cyclingnews confirment que les coureurs et leurs agents ont souvent été poussés à trouver des sponsors pour couvrir leurs salaires. Pire encore, des coureurs ont affirmé que de nombreux sportifs ont pu obtenir une place dans une équipe grâce au soutien financier de leurs parents ou amis,
Dans sa déclaration, Omar Bertazzo a déclaré qu’il aurait pu continuer dans l’équipe d’Androni s’il avait trouvé un sponsor.
«Dans l’ardoise cycliste, on appelle« apportez votre parrain ». L’équipe compte 5 à 8 bons coureurs, puis pour compléter une liste de 18, elle engage des cavaliers faibles qui garantissent un sponsor »
Les autres coureurs interrogés ont fait des déclarations semblables. Savio a nié avoir fait du tort, annonçant juste qu’il n’embauchait que de bons coureurs sans égard à leur sponsor.
Le cas Marco Coledan
Marco Coledan a voulu quitter Bardiani-CSF pour Liquigas en 2014 afin qu’il puisse devenir un coéquipier pour Elia Viviani, il avait signé un contrat de deux ans, mais avait conclu une troisième année par voie de contrat privé.
Il a été allégué lors d’une audience publique que l’équipe voulait € 15.000 des deux coureurs afin que Coledan puisse quitter l’équipe. Cette taxe a été convenue des 2 côtés, mais a ensuite augmenté à 60 000 € et donc l’affaire n’a jamais eu lieu.
Coledan a été forcé de rester à Bardiani pour 2014, mais à peine couru durant cette saison.
L’enquête Italienne
Un rapport d’enquête publié dans le journal italien prétendait que des coureurs payaient leurs passages en équipes pro, certains ont déclaré payer jusqu’à 50.000 euros de leurs deniers personnels.
Les managers de certaines des équipes les plus établies du pays ont tous nié une telle pratique et l’enquête judiciaire les a maintenant blanchis.
Mais l’année dernière, plusieurs agents travaillant pour le compte de coureurs ont déclaré au journal Corriere dello Sport que leurs clients étaient manipulés pour se faire appeler professionnels.
«La plupart de mes coureurs paient, entre 25 000 et 50 000 euros», a déclaré un agent anonyme au Corriere della Sera à l’époque.
« Les équipes enregistrées en Italie demandent plus car elles doivent payer des cotisations de pension plus élevées, alors que celles en Ukraine ou en Croatie beaucoup moins. »
«Parfois, une société« amie »paie si la somme est assez élevée », a ajouté le même agent.
Un des meilleurs talents du pays au cours des dernières années, Matteo Mammini, a raconté comment on lui a demandé de payer 50 000 euros pour devenir professionnel.
Il a expliqué que lorsqu’ il avait été invité à dîner par un manager d’une équipe pro et entendu que son contrat était prêt à être signé, il pensait que tout son dur travail avait finalement payé.
« Il y avait juste un problème, je devrais trouver les € 50.000 pour couvrir mon salaire, » il a déclaré au journal.
«J’ai été choqué, mais le manager m’a dit que huit ou neuf de ses coureurs ont payé leur salaire. »
«J’ai demandé à ma banque pour le prêt, mais au final j’ai investi dans l’ouverture d’un bar à Porlezza surplombant le lac de Lugano. C’est mon travail maintenant. Mon rêve cycliste s’est terminé tragiquement. «
L’UCI va regarder l’attribution des licences continentales
Contre toute attente, ces managers ont été relaxés par les tribunaux. La joie de ces chefs d’équipes ne sera que de courte durée puisque le chef des services juridiques de l’UCI Nicolas Valticos (qui a reçu de part de certains médias une traduction en anglais des 20 pages des déclarations et des défenses des personnes impliquées dans l’affaire) va demander une enquête sur ces pratiques, et revoir vraisemblablement l’octroi des licences continentales pour certaines équipes.
Bref, au temps des Seigneurs du moyen-âge, les « Serfs » ne payaient pas pour aller travailler ni n’envoyaient de lettres de motivations, faut croire que certains n’ont pas suivi l’évolution de la race humaine au 21ème siècle. Merci à ce genre de managers de tuer notre sport et par la même occasion les rêves de nos gosses. Fatigué de ces hommes sans scrupules, fatigué de cette fausse étoile, fatigué d’espérer et fatigué de croire. Peut être que dans 5 ans, nous jeunes rouleront gratuitement en conti au rythme où vont les choses. Faites des économies les jeunes, il faudra bientôt payer pour courir.
Article en anglais sur : cycling news