!["Tu as connu l'époque... Sois patient, ils reviennent !" 7 sois-patient](https://www.be-celt.com/wp-content/uploads/2016/11/sois-patient-610x343.jpg)
C’est à peine l’hiver et je me lève difficilement du « canap ». Dehors y a un orage, c’est nul. Devant moi, mon « kid » se mate des exploits de footeux gominés sur la lucarne de la télé, le portable collé à sa joue d’ado à parler un language qui m’est complètement inconnu rempli d’émoticônes et de « lol » en guise de ponctuation tout en posant pour des selfies histoire de ressembler à ces divas du sport ou comme le dit si bien David Bowie; « Etre un héros juste pour une journée (You can be hero, just for one day! ). Bref, des rêves de gosses. On se regarde et on se dit que l’on pourrait aller à la pêche à ligne debout plantés comme des tristes menhirs sur les rochers de notre océan d’en face. En fin de compte, la pluie nous rappelle que l’on serait mieux là plantés dans la bicoque et qu’il serait p’t’être temps d’aller faire un peu le ménage dans le garage comme dirait la maîtresse de maison depuis des lustres.
J’emmène le kid traînant ses pompes « dernier cri » avec moi, toujours son portable à la main prêt à dégainer un énième selfie, pour ce travail de titan. Nous voilà, soupirants et plantés de nouveaux comme des glands face à cette montagne de cartons mais on relève le défi tant bien que mal surtout pour éviter de passer pour des « fiotes » face aux filles de la maison. On se met alors à ouvrir ces boîtes et le passé nous pète à la gueule, tel un éclair de lumière nous ramenant dans les années 80-90. En me sortant un vieux casque à boudins et un jersey en coton, il me demande intrigué « Tu jouais au rugby dans ton temps? » Je le regarde un instant, dubitatif, ne sachant que dire, damn it ! Puis tel un vieux con nostalgique énervé, je lui raconte que moi aussi j’ai été un ado boutonneux qui voulait ressembler à ces idoles et qu’à l’époque pour ma part, c’était le cyclisme.
En lui montrant mes posters du « miroir du cyclisme », je lui raconte alors les mythiques années 80-90. Que moi aussi j’ai eu 13 ans, que je voulais ressembler à mes idoles et pour ne pas oublier, je tapissais le mur de ma chambre de leurs gueules de guerriers comme lui le fait sur son portable. Mais à notre époque, internet n’existait pas, ni les portables bien sûr. Non, le vieux con que je suis n’a connu que ce jeu de tennis à 2 barres branché sur la grosse télé posée sur le joli napperon de la table du salon, le téléphone à cadran en velours où tu mettais 10 minutes avant de joindre ton interlocuteur. Il a du mal à réaliser que l’on pouvait vivre sans le net. Mais oui mon fils, j’ai connu ce bonheur, cette époque…
Oui, j’ai eu 15 ans avec ma coupe ‘The Cure » structurée en gel, j’ai connu cette époque où y a tout c’que j’lui dit, où le dernier français a gagné le Tour de France. C’était en 1985 et il se nommait Bernard Hinault, j’ai connu cette époque ou nos frenchies remportaient les Paris Roubaix à la pelle comme le fit Marc Madiot (85 et 91) puis le dernier Fred Guesdon en 97. Et me voilà parlant du dernier vainqueur d’chez nous du Tour des Flandres avec Jacky Durand, le dernier Français à y avoir lever les bras. Je lui raconte le Milan San Remo remporté par Marc Gomez devant le superbe héros malheureux Alain Bondue en 82, de la hargne de Jalabert en 95 et 97.
!["Tu as connu l'époque... Sois patient, ils reviennent !" 9 ALAIN BONDUE](https://www.be-celt.com/wp-content/uploads/2016/11/alain-bondue-360x480.jpg)
J’ai eu 15 ans et j’ai connu ce duel légendaire entre le Blaireau et le Parisien qui se nommait Laurent Fignon le double vainqueur du Tour, de sa terrible défaite face à Greg Lemond en 89. Je lui parle d’une époque ou Facebook, Instagram, Snapchat n’existaient pas, les champions passaient moins de temps à se faire belles pour les photos et leurs selfies à rivaliser avec Lady Gaga. A l’époque, ils pensaient plutôt à la manière de battre ces maudits Belges, Néerlandais, Italiens ou Espagnols.
!["Tu as connu l'époque... Sois patient, ils reviennent !" 10 joel-f](https://www.be-celt.com/wp-content/uploads/2016/11/joel-f-328x480.jpg)
Je lui parle des mecs qui avaient des « burnes » et qui allait au carton sans oreillettes le couteau entre les dents, parfois en hérissant le poil du blaireau tapi à l’affût dans ce peloton comme le fit Joel Pelier en 85 face au patron Hinault. Pelier qui avait remporté après 165 km en solitaire son étape du Tour, franchissant la ligne d’arrivée en chialant. J’ai connu cette époque où les médias s’intéressaient plus à l’exploit sportif qu’au dernier scandale, si petit soit -il, histoire de booster son site ou le tirage de son journal. J’ai connu l’époque ou le tour de France n’était pas encore une machine médiatique énorme mais une rencontre populaire où les coureurs se tapaient une mousse bien fraîche avec leurs supporters, j’ai connu l’époque où le bus n’existait pas.
Bien sûr, sa réaction fut immédiate et me traita de vieux réac nostalgique. La, toujours debout planté comme un gland, un peu penaud tenant ce casque à boudins avec son couvre casque « castelli » entre mes mains caleuses prêt à verser une larme de crocodile, je reste sans voix, il est marrant lui mon « kid ». Il a raison, je suis nostalgique d’une époque où le cyclisme tricolore était triomphant, sublime et héroïque. Lui ce fils qui m’avait accompagné sur les routes du tour, tout comme mon vieux le fit avec moi, me cite les exploits de JC Péraud, Kenny Elissonde sur la Vuelta ou de Romain Bardet bravant le dernier col du Tour de France pour tenter la 1ère place. En sortant ma veille selle en cuir San Marco, mon maillot en coton qui nous grattait la peau et nos bretelles pour tenir ce maudit cuissard, je me dit que lui aussi regrettera le temps de ces champions fonçant tête baissée face aux moulins à vents, que lui aussi parlera à sa cyber-progéniture d’un temps où…Je voudrais tant qu’il puisse voir l’un des ces champions nationaux lever les bras sur la plus grande course du monde comme j’ai pu le voir quand j’étais gosse.
« Avant Hinault, il y a eu Bobet, Anquetil, Thévenet etc. Et il y en aura d’autres plus tard » me dit il. »Regarde, Milan San Remo 2016, c’est Arnaud Démare. Tu as connu cette époque ….Sois patient, ils arrivent. » Puis il rajoute; » Regarde ton assistant sur le Tour de France, un jeune geek informatique qui tremble pour des grands exploits aussi et qui te rabâche qu’ils sont là déjà, il sait que ça va arriver, il le sent mieux que toi j’en suis sûr, t’es trop vieux ! »
!["Tu as connu l'époque... Sois patient, ils reviennent !" 12 romain-bardet](https://www.be-celt.com/wp-content/uploads/2016/11/romain-bardet-610x391.jpg)
Du haut de ses 13 ans, le »kid » m’a redonné l’espoir, ce rêve que certains ne pensent encore qu’à ça plutôt que d’alimenter la rubrique des faits divers ou des réseaux sociaux. Oui, tout est là pour revivre ces moments, il suffit de leurs faire confiance et que nos erreurs leurs servent de leçons justement. Du haut des sa chevelure gélifiée autant que la mienne à son âge, il me rappelle que l’on s’est posé le cul bien calé sur nos acquis durant des années alors que d’autres sont partis travailler et s’entraîner dur sous l’orage. Les espoirs Frenchies l’ont bien compris, ils savent plus que tout autre maintenant qu’ils ont un héritage à récupérer et que les anciens devraient être là justement pour les guider au mieux au lieu de les flinguer tel des vieux cons nostalgiques que je suis, et que des gars comme Vincent Lavenu (AG2R) leur enseigne l’art de la gagne. Oui, un jour lui aussi sortira de ces cartons, non pardon plutôt des vieux portables, les images stockées de ses idoles, que lui aussi racontera à sa cyber progéniture avec son vieux casque Kask Vertigo entre ses mains caleuses, il leurs parlera alors des exploits de ces frenchies de 2020-2030.