Il est 9 h du « mat », je suis dans mon « Bled » à tourner en rond. Attention, ce nom commun dans le sens noble du terme, de par celui qui désigne nos origines, car je l’aime ce bled du bout du Monde que l’on nomme « Argenton » situé sur la route touristique entre Portsall et Porspoder, là bas face à la mer, loin de tous, face à cet océan Atlantique et toute sa colère par ailleurs aujourd’hui. Que vais je faire ce matin du coup? prendre mon surf et me taper le spot de Penfoul avec les jeunots du coin quitte à me rendre ridicule où me faire un roadtrip dans les Monts d’Arrées? Les vagues sont grosses, p’tête même trop grosses pour le non téméraire que je suis.
Bref, je vais rejoindre plutôt une bande d’amis qui ont eut cette idée un peu dingue de faire revivre les Raleigh en Pays Breizh. Leurs noms: les « Ty Raleigh », un beau clin d’œil à Peter Post, Jan Raas, Joop Zoetemelk ou d’autres comme Theo De Rooij, à ceux qui nous ont fait tant rêver étant gosse, aux anciens et aux valeurs du cyclisme. Mais là, il n’ y a pas de pression, pas de concurrence pour savoir qui a la plus grosse… capacité! Non, c’est juste un team de potes, le genre de gars qui roulent pour le plaisir, pour se retrouver, pour s’évader. Gast!!! Que çela fait du bien de retrouver ces valeurs, ces sensations, celles de retrouver ce plaisir de rouler, juste à la base de toute histoire…
14h00, je vais à la rencontre du team sur le pont de Plougastel qui domine la Rade de Brest, ce pont que seuls les « Brestoâs » définissent comme frontière entre les 2 côtés de cette pointe du Finistère. Ils sont là, le sourire aux lèvres malgré le crachin et le froid qui plombe un peu ce rendez vous des copains. Je reconnais Fredo, Lionel, Johnny, Jo, Brieuc, Fabien et Josselin qui me saluent au passage. Dans quelques kilomètres, ils n’auront peut être plus ce sourire alors j’en profite pour placer une petite vanne un peu creuse sur la météo. Il y a même Gigi qui a lâché le Coffee Shop Raleigh et ses crêpes, accompagnée du fidèle Jean Marc pour prendre le volant du van aux lettres de Feu. Il manque le « Fench » et le « Rico » qui doivent rester au travail mais surtout il nous manque toi Raymond, mais tu es présent, je le sais, je le sens au plus profond de mes tripes et dans ma boîte crânienne je t’entend même encore me chambrer.
Allez! 15h 30, on file direction le Menez Meur dans les Monts d’Arrées. Un décor digne des cousins du Connemara avec ces landes et ces montagnes à perte de vue, je suis presque sûr que l’on va tomber sur un « Gollum » et son anneau magique si ca continue comme ça . Tout ça revêtu de ce brouillard à couper au couteau qui donne encore plus de mystère à cette terre de légende. Par ailleurs, on croise beaucoup de riders du coin sur cette route, c’est un peu ici que les guerriers viennent se forger, là sur ces terres de Bretagne.
Dès les premières pentes, certains coincent et haussent les épaules. Ca fait mal, ça brûle les « guibolles »et met le feu à la poitrine avec ce crachin qui ne cesse en plus de tomber, de quoi pester contre ce sort. Mais pas eux justement, car ils sont ensemble entre « potes » et rien ne les dérange. Lionel, Johnny et Fredo sont aux avants postes, ils se tirent la bourre comme dans les belles années, juste pour se faire plaisir car il n’y a rien a gagner mais Lionel se met tout de même un point d’honneur pour finir en solitaire, histoire se rassurer que tout va bien. Derrière, le mécano de Raleigh est le seul qui a des problèmes mécaniques. Damn it! Quelle ironie du sort! Tout le monde en rigole en attendant le « jo ». On repart et la pente ne cesse de s’élever, encore et encore. Qu’importe, on ne s’arrête plus, il fait trop froid, on va jusqu’au bout là bas à Crozon sur la presqu’île du bout du Monde car ce soir on sait qu’une bonne table nous attend avec des rires, des souvenirs de courses, des anecdotes d’amis, et le souvenir de toi Raymond.
Demain, un autre lieu sacré de ces celtes, le Menez Hom et la côte de Sainte Marie dans le Finistère sud à gravir, celle que le terrible Tour du Finistère emprunte chaque année, cette terre des légendes qui fait de chacun de nous des guerriers . Mais tout le monde est content d’y aller car c’est un rendez vous des copains et au diable ce crachin qui, à l’usure, vous transperce la peau, ils sont entre eux, loin de tout, chevauchant de leurs montures en carbone ces terres magiques! Et ces copains là, vous les reverrez dans les courses de notre Bretagne en 2 et 3ème catégorie, car le plaisir de rouler et de se tirer la bourre se fait aussi dans ce qui est la base du cyclisme, celles qui vous rafraîchissent comme une bonne pinte au coin du pub, juste entre amis! D’ailleurs, cette tournée on te la dédie Raymond!