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Il a marqué l’histoire du cyclisme Breton, remporté de grandes victoires, plus d’une vingtaine internationales comme des étapes sur Paris Nice, Paris Bourges, le Tour de Valence, le Tour de Vendée entre autres et une 14ème place sur le Tour 1989. Le Breton Bruno Cornillet, 52 ans, originaire de Lamballe dans les Côtes d’Armor, comme son capitaine Bernard Hinault au temps de la « Vie Claire », fut un terrible coursier toujours à l’attaque, prêt à en découdre sur n’importe quel profil de course, qui en a fait bavé plus d’un coureur Batave sur les classiques et mené les plus grands sur la plus haute marche du Tour de France comme Greg Lemond avec qui il fut co-équipier dans la mythique équipe « Z » avec Ronan Pensec. Dès le vélo raccroché, le Breton s’est mis aux commandes d’un avion et devenu pilote de ligne dans la compagnie aérienne « Hop ». Il a réalisé ses 2 rêves de gosse, devenir cycliste pro et piloter des avions. Respect Mr Cornillet !
Be Celt: » Bruno Cornillet, comment passe t-on de coureur pro à pilote de ligne ? «
Bruno Cornillet: « (Rires). Ca a été un drôle de parcours effectivement. Au début, quand j’étais un tout jeune gamin, je voulais faire pilote d’avion. C’était vraiment mon rêve d’enfant mais il faut faire de longues études. Et j’ai croisé le vélo sur mon chemin de gosse. A l’adolescence, je m’y suis mis comme un peu tous les jeunes Bretons, et j’ai découvert que cette machine avançait toute seule quand je me mettais dessus. Du coup, j’ai pédalé et pédalé encore et j’ai vu qu’elle allait de plus en plus en vite avec moi. De fil en aiguille, je me suis entraîné pour aller encore plus vite, tout comme disait Jacques Brel: « Le talent ça n’existe pas, le talent c’est d’avoir envie de faire quelque chose! ». J’en avais vraiment envie justement et je me suis dirigé vers la carrière de coursier. Les résultats scolaires s’en sont fait ressentir et donc j’ai mis entre parenthèse mon rêve de pilote (rires). A 20 ans, je suis passé pro à « La Vie Claire » mais j’avais toujours mon petit avion qui vrombissait dans le coin de ma tête. Je savais que la carrière de cycliste est assez aléatoire, si on est durement on peut dire au revoir à ce rêve. Alors, je préparais déjà mes études en parallèle. A 26 ans, je me suis vraiment investi pour passer mon brevet de pilote à Brest. Avec l’aide de quelques personnes dont Hubert Josselin et Roland Pencran, j’ai pu travailler mon brevet sereinement . Mais le vélo restait toujours prioritaire, j’étais pro, passionné par ce sport et des obligations à mes sponsors. Du coup, je bossais dur, je dormais peu à cette époque là! En 1993, je devient pilote pro et en 97, je commence ma carrière de pilote après 12 ans comme cycliste pro. Le secret: le dicton de Jacques Brel qui résonne toujours dans ma tête, et le travail, juste le travail. »
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Justement, vous passez pro au sein du team « La Vie Claire », de bons souvenirs ?
B.C: » Oui, c’était une époque formidable. Bernard Hinault avait monté cette équipe. Il y avait pas mal de Bretons déjà. C’était vraiment le vélo que j’aimais. Il n’y avait qu’un patron et pas 36, on travaillait pour Bernard. Il savait nous parler et nous diriger comme un vrai capitaine. Il avait ajouté une vision supplémentaire au cyclisme internationale. Son crédo: » Attaquer et encore attaquer ». J’adorais ça. On en a des anecdotes à la pelle comme lors de nos échappées et qu’ on disait aux autres coureurs: » Non, je ne peux par prendre le relais, mon capitaine (Bernard Hinault) est en train de revenir derrière » et lui disait au peloton qu’il ne pouvait pas chasser car il avait des hommes en tête (rires). Du coup, on arrivait un peu plus frais dans les finals et on jouait la victoire.
« Sean Kelly était rusé comme une renard »
Mais il y en avait un qui était encore plus malin que nous, rusé comme un renard et qui nous a causé pas mal de dégâts. C’était Sean Kelly. Il n’était pas très actif dans les échappées mais il était terriblement malin. Tellement que parfois je me suis demandé même si il ne mettait pas son maillot trop petit pour se forcer à avoir une position recroquevillé sur sa machine (rires), pour se fondre dans le groupe et comme ça il ne prenait pas le vent. Quand on il remontait le peloton à l’intérieur même de celui-ci (alors que nous autre le remontions par les côtés) on savait que ça allait flinguer. Un vrai pro, il calculait tout ces efforts et le moindres mètres de la course. Souvent dans les cents derniers mètres, on pensait qu’il finirait 2ème mais le tout denier mètre il nous coiffait sur le fil. C’était une époque formidable avec de grands champions, de grands souvenirs. »
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Ensuite le team « Z-Peugeot » et « Z »
B.C: « Oui, avec d’autres Bretons comme Ronan Pensec, Laurent Madouas, Pierre Le Bigault, Loic Le Flohic etc… J’ai quitté la Vie Claire un peu à contre coeur. Il y a eu une arrivée massive de grands coureurs comme Greg, Hampsten, Andersen, Bauer ou Gomez. Du coup, les sélections pour les plus grandes courses étaient dures à avoir. Et je voulais remporter encore de grandes courses, j’avais faim! Du coup, je suis parti chez Z-Peugeot qui avait un très bon grimpeur Anglais comme Robert Millar on retrouvait l’esprit de l’ancienne Vie Claire avec un seul patron. Quand d’autres équipes me faisaient les yeux doux pour les rejoindre, Roger Zannier, le sponsor, est venu me demander de rester chez lui car il avait un coureur qui pouvait remporter le Tour, c’était Greg et on le remporte en 1990 . »
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L’aventure Novemail-Histor
B.C: » J’ai eu de la chance sur ce coup là. Roger Zannier s’intéressait un peu moins au vélo et nous poussait un peu vers la sortie. On n’avait pas chercher vraiment d’équipe mais en septembre, Walter Planckaert, Peter Post et Théo de Rooy sont venus nous chercher. Une superbe équipe avec Charly Mottet qui remporte le Tour Méditerranéen et le Tour du Limousin, un Eddy Bouwmans qui remporte une étape au Dauphiné Libéré , on a eu le maillot jaune durant 3 jours avec Nelissen et moi un mémorable Paris Bourges. Mais Charly sortait d’un terrible accident sur Paris Nice et il n’était pas bien remis pour le Tour. »
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Et pour finir, le team Chazal-König
B.C: » Ca sentait un peu la fin de carrière cette année là. Un beau team aussi monté par Vincent Lavenu, mais je commençais à me faire vieux après 11 ans de pros. Je préparais déjà ma reconversion. »
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Le plus beau souvenir en tant que coureur ?
B.C: « Ouch! difficile à dire. Il y en a tellement. Sur le coup, je dirais 3 souvenirs plutôt. Ma victoire sur la 4ème étape de Paris Nice en 1989, je devance sur un duel à 2, un grand Miguel Indurain au Mont Faron. Le GP de Plouay en 1990, course internationale chez moi en Bretagne et ma victoire sur Paris Bourges en 1993. Un grand souvenir cette dernière. Ce jour là, j’étais vraiment en forme et une ambiance particulière y régnait, hors normes avec les conditions climatiques dantesques. Il faisait déjà nuit en fin de course et il pleuvait à torrent. La route était vraiment glissante et peu de lumière malgré les éclairages publics. Je suis échappé avec Herman Frison entre autres. Ca va vite et comme à mon habitude, je veux éviter l’arrivée en groupe. Alors je décide d’attaquer dans le dernier km, dans le dernier virage. Je négocie ce denier, pari risqué avec la pluie et j’emmène un braquet puissant à la sortie, limite rupture . Je suis à bloc dans les cents derniers mètres, à forcer comme un damné sans me retourner et je l’emporte en costaud. Par la suite les Belges et Néerlandais sont venus me voir en me congratulant car j’avais osé ce qu’ils n’auraient jamais tenté, c’était flatteur. »
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En Irlande, on se rappelle de vous pour être un combatif durant les étapes diaboliques (comme ils disent)
B.C: « Oui, le Tour d’Irlande. Un truc de fou tout de même. A l’époque, il se déroulait en fin de saison. On était tous crevés, mais on n’avait pas compris une chose. Pour les Irlandais, le tour d’Irlande, c’est leur Tour de France. Ils sont sur leur île et veulent nous battre. On pensait être tranquille durant les étapes, mais ça allumait tout le temps, jamais de répit. C’était vraiment agaçant. Donc je me suis dit: « Ils veulent de la bagarre, alors ils vont en avoir. » J’ai voulu démontrer comment on attaquait sur la 2ème étape. Je voulais vraiment la victoire. J’avais 10 min d’avance en rentrant dans la ville de Cork, mais il y avait encore la terrible côte de Sainte Catherine. Là j’en ai bavé, mais je l’emporte avec 6 min d’avance avec un public formidable. »
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Justement, que pensez vous du rapprochement entre le Kreiz Breizh et la RAS (Tour d’Irlande) , qui ont crée le Celtic Challenge ?
B.C: » Je suis pour ça à 100%. C’est une vraie initiative, des courses de classes 2 jumelées, c’est une bonne chose pour la Bretagne et le vélo. J’ai appris que le team Pays de Dinan y allait cette fois-ci, comme Hennebont Cyclisme l’année dernière, j’ai entendu que ce team s’occupait aussi de la formation de coureurs de la verte Erin. Ca me touche particulièrement pour plusieurs raisons. J’ai remporté une étape sur le Tour d’Irlande, et j’ai remporté à l’époque le Tro Kreiz Breizh. Quelque part, le Celtic Challenge avant l’heure (rires). En plus, j’ai couru sous les couleurs d’un club d’Hennebont quand j’étais jeune coureur Ensuite le public Breton et Irlandais sont vraiment formidables. Durant le tour d’Irlande, je parlais souvent avec les gens à l’arrivée et une chose m’a frappé. Ils ont le même accent que nous, ils parlent l’Anglais mais avec l’accent Breton, ce sont vraiment nos cousins. Je serais par ailleurs sur le KBE, Alain Baniel, l’organisateur m’a invité à venir à cette grande fête du cyclisme. »