Cyrille Guimard compte 94 victoires dont 7 sur le Tour de France. En 1972 alors qu il bat Merckx sur le sommet du Revard, il est contraint à l’abandon alors qu il est deuxième au général à cause de problèmes de tendinite aux genoux. Il a ensuite été le directeur sportif de Hinault, Fignon et Lemond dans les équipes Gitane et Renault. Dans cette fonction, il a remporté sept Tours de France avec Van Impe, Hinault et Fignon. Après avoir été directeur sportif à Roubaix Lille Métropole, il occupe aussi ses fonctions de consultant sur RMC et Sport+.
Cyrille, quel regard portez-vous sur votre carrière cycliste en tant que coureur et dirigeant?
« J’ai la chance d’avoir fait de ma passion mon métier ce qui m’a permis d’échapper à ma condition sociale, celle d’être ouvrier dans la construction navale. Je n’ai jamais travaillé au sens strict du terme. Quand j’étais petit, j’ai travaillé dans la ferme familiale mais ça non-plus, ce n’est pas du travail, c’est ludique d’être avec les animaux. Je n’ai qu’à de très rares moments été obligé de faire une activité dans un but iniquement alimentaire et ça, c’est une chance extraordinaire.On est des privilégiés mais certains ne s’en rendent pas compte. Pas seulement dans le sport, il y a aussi le cinéma et plusieurs métiers publiques. «
Vous garder un souvenir particulier en tête? Un pire ou un meilleur?
« Je ne peux pas oublier mon accident de vélo qui a écourté ma carrière mais ça fait partie de la vie. Elle n’est pas faite que de plaisirs quand il nous arrive des choses désagréables, il faut bien avancer et regarder devant. Les meilleurs souvenirs, c’est différent, ils sont construits. Ce sont des choses que l’on espère, des succès pour lesquels on a travaillé. On me parle toujours des mêmes victoires parce qu’elles ont été les plus médiatisées. En 1972, à Aix-les-Bains, je saute sur la ligne devant Merckx et gagne l’étape. L’étape précédente, à Aix-les-Bains, je l’avais gagné aussi et elle était plus forte encore émotionnellement. »
On se rappelle de l’image de vous allant chercher Hinault dans un ravin lors du Dauphiné
« C’est la différence entre ce qu’il reste dans la mémoire collective et la vôtre. Ce matin, j’écoutais la radio et une femme parlait de la mémoire olfactive, une odeur peut vous rappeler un événement vécu trente ans auparavant. L’importance du souvenir varie au fil du temps. »
Ça n’a pas été trop difficile de diriger des patrons comme Van Impe, Hinault ou Fignon?
« Le plus difficile c’est de gérer des coureurs qui n’ont pas de caractère et pas de talent. C’est plus facile de tirer sur des grands champions que d’utiliser le fouet pour faire évoluer un sportif moyen. C’est quand même plus enrichissant de fonctionner avec les meilleurs. Je n’achetais pas des champions, je les faisais venir tout jeune pour les aider à s’épanouir. C’est de la passion, de l’émotion. »
C’est ce que vous faites à Roubaix?
« On est dans un autre domaine mais j’étais un peu dans cet esprit, oui. J’avais une mission auprès de ce club qui se retrouve désormais sclérosé parce que les moyens financiers sont trop limités. Est-ce qu’un club comme Roubaix doit continuer à exister, est-ce que les équipes continentales doivent continuer aussi? Ces équipes auraient du permettre de former les plus jeunes coureurs mais aujourd’hui les équipes pro-tour n’hésitent pas à engager des gamins. Au football, on laisse les joueurs qui en ont besoin évoluer en troisième ou deuxième division le temps qu’ils murissent. Le jeune de 19 maintenant est pris par une pro-tour. Quitte à faire du déchet, ce n’est pas grave. Alors qu’en passant par des étapes intermédiaires, on s’assure une formation plus efficace. Il y a toujours des exceptions qui n’ont pas besoin de ce système mais des talents comme Hinault ou Sagan, c’est très rare. »
Que pensez-vous du système français?
« Le Système français fonctionne bien comme la plupart des systèmes européens. On sélectionne les meilleurs mais tout système est perfectible. Je me pose des questions mais on ne me répondra puisque ce sont des questions qui fâchent: Pourquoi la France qui a les meilleurs résultats chez les amateurs a tant de mal à confirmer au niveau professionnel? Au cyclo-cross, on fait 1-2 et 3 aux championnats du monde. On a toujours des espoirs qui font des podiums et disparaissent. Ce n’est pas le système qui fait des champions, c’est le talent des mecs. «
On peut toujours vous retrouver sur Sport+ et RMC?
« Sport +, plus trop, Be In Sport a tout acheté. Il doit nous rester du VTT, c’est comme ça mais il reste RMC quand même. C’est intéressant la radio car on intervient après la course pour débattre, à la TV, ça se limite à du commentaire en direct. Il manque d’un vrai suivi. Le vélo est un sport populaire et très accessible, on devrait faire plus d’émissions autour de la discipline. Malheureusement, tout est verrouillé avec l’UCI qui contrôle la plupart des courses. Là aussi je me pose des questions : faut se demander s’il y a une vraie volonté de faire du visuel. J’ai plus l’impression que le cyclisme est un alibi pour faire du business. Derrière tout ce cirque, on a des coureurs qui ont la foi et qui se battent pour leur vocation et ce sont eux les victimes, c’est triste. »
Be Celt remercie Cyrille Guimard